Les pays de l'Union européenne se sont mis d'accord sur la mise en place d'un plan de secours allant jusqu'à 750 milliards d'euros pour aider les pays de la zone euro, si nécessaire, et endiguer la crise financière. Cette enveloppe, qui inclut des prêts et garanties des pays de la zone euro, ainsi que des prêts du Fonds monétaire international (FMI), a été décidée dans la nuit du 9 au 10 mai 2010, à l'issue de plus de onze heures de négociations à Bruxelles entre les ministres européens des Finances, convoqués en urgence.
Le total se décompose en trois piliers: 60 milliards de prêts apportés par la Commission européenne ; 440 milliards d'euros de prêts et garanties par les pays de la zone euro, soit 500 milliards au total ; le Fonds monétaire international apportera aussi une contribution additionnelle sous forme de prêts, pour un montant qui pourra aller jusqu'à 250 milliards d'euros.
La Banque centrale européenne (BCE) a fait également un geste en décidant d'intervenir pour soulager le marché de la dette en zone euro, pris dans la tourmente depuis des semaines du fait des doutes des investisseurs sur la capacité de nombreux de pays à rembourser. La BCE devrait procéder à des achats de titres obligataires d'Etats, ce qui revient à leur prêter de l'argent.
Les ministres ont mené une course contre la montre pour trouver une solution rassurante avant l'ouverture des marchés des changes en Asie, alors que la crise grecque menace d'emporter dans son sillage d'autres pays de la zone euro comme le Portugal ou l'Espagne, mais aussi de déstabiliser les marchés mondiaux. Madrid et Lisbonne se sont d'ailleurs engagés à prendre des mesures supplémentaires "significatives" pour réduire leurs déficits en 2010 et 2011, qui seront présentées rapidement afin de rassurer les marchés. Ces derniers s'inquiètent du niveau de déficit très élevé de plusieurs pays européens, gonflé par la crise financière et économique.
L'UE était sous pression pour agir car la crise est en train de prendre une dimension internationale du fait des risques de contagion. Le Premier ministre luxembourgeois et président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a parlé dans ce contexte d'"attaques contre l'euro organisées à l'échelle mondiale". Le président américain Barack Obama a appelé dimanche la chancelière allemande Angela Merkel afin de réclamer "des mesures énergiques pour redonner confiance aux marchés". Les principales banques centrales mondiales, y compris la BCE et la réserve fédérale américaine, ont annoncé une action concertée pour ramener le calme sur les marchés. Les ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales des pays du G7 ont aussi "salué" les mesures prises par l'Europe pour stabiliser les marchés.
Le système est très proche de celui mis en place pour la Grèce, pour qui 110 milliards d'euros de prêts sur trois ans ont été débloqués: 80 milliards d'euros au sein de la zone euro et le reste par le FMI, qui a approuvé dimanche sa contribution pour ce pays. Réunis le 7 mai pour un sommet extraordinaire à Bruxelles, les dirigeants de la zone euro avaient approuvé définitivement l'activation du plan d'aide à la Grèce sur trois ans. Ils se sont par ailleurs dits disposés sur le principe à renforcer leur discipline budgétaire. Leurs ministres des Finances s'étaient déjà mis d'accord sur le plan le 2 mai.
Le 10 mai 2010, Luc Frieden, ministre des Finances luxembourgeois, a salué, sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg, les décisions prises par l’Union européenne. Il a déclaré que les ministres des finances de l’UE et plus particulièrement de la zone euro ont voulu faire cesser les attaques et les spéculations contre l’euro. L’UE a donc ficelé une importante somme d’argent, en concertation avec le FMI, afin de disposer d’instruments pour pouvoir prêter de l’argent aux pays qui n’obtiennent plus de prêts sur les marchés. Le ministre, qui croit en l’euro en tant que monnaie forte, espère que ce plan de secours calmera le jeu.
"Pour la Grèce, nous avons eu recours à des prêts bilatéraux, mais cette fois-ci nous avons voulu créer un instrument européen pour les pays qui pourront éventuellement suivre", a souligné Luc Frieden. Comme les traités ne prévoient pas d’instruments européens, les ministres ont décidé sur base de l'article 122 du traité de Lisbonne que la Commission pourra emprunter 60 milliards d’euros dans le cadre du budget européen en cours. L'article 122 stipule notamment que "lorsqu'un État membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison (...) d'événements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil (...) peut accorder, sous certaines conditions, une assistance financière de l'Union à l'État membre concerné."
Au-delà de cette mesure, les pays de la zone euro se sont accordés à créer une société spéciale qui peut emprunter de l’argent. Les pays de la zone euro garantissent alors ces prêts qui pourront être mis à disposition des pays qui en ont besoin, "sous condition que ces pays ainsi que tous les pays de la zone euro fassent d’importants efforts en vue de réduire leurs déficits publics".
Concernant la part mise à disposition par le Luxembourg, Luc Frieden a précisé que le pays ne participe pas financièrement à la première phase de 60 milliards, garantie par le budget européen. Dans le cadre de la société spéciale créée pour emprunter les 440 milliards d’euros répartis entre les pays de la zone euro en fonction de leur part dans le capital de la Banque centrale européenne, le Luxembourg pourrait être amené à y contribuer jusqu’à 800 millions d’euros, "sous forme de garanties", comme a tenu à le souligner le ministre des Finances. Luc Frieden pense que le système est conçu pour que les garanties créent de la confiance et, qu’en principe, l’argent ne doit pas être déboursé.
Pour le ministre des Finances, le paquet présenté le 10 mai avant l’ouverture des marchés financiers montre que l’UE a été capable d’agir et de mettre à disposition une énorme somme d’argent. "Cela n’a pas de sens de penser que c’est la fin de l’euro", a-t-il déclaré en ajoutant que "l’euro est un projet politique et économique qui présente d’énormes avantages. Nous voulons le conserver, voilà pourquoi nous sommes déterminés d’agir".
Luc Frieden, qui a salué l’intervention de la BCE et du FMI, est optimiste sur l’avenir de la zone euro, si les pays arrivent à assainir leurs finances publiques. Finalement, le ministre a déclaré qu'il espère que les marchés comprennent le message du Conseil Ecofin. Et en effet, les premières réactions ont été bonnes. L'euro a grimpé dans les premiers échanges à Tokyo repassant, au-dessus du seuil de 1,29 dollar. Le matin, à l’ouverture des bourses européennes, Paris gagnait 5,59 %, Lisbonne 7,51 %, Milan plus de 6 %, Amsterdam 3,3 %, Londres 3,34 % et Francfort 2,91 %, Madrid plus de 9 % et Bruxelles plus de 6 %.