Les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis à Bruxelles le 17 mai 2010 sous la présidence de Jean-Claude Juncker. Au cours de cette réunion qui s’est prolongée jusque tard dans la soirée, les ministres des Finances, parmi lesquels Luc Frieden, sont notamment revenus sur les décisions prises le 7 mai 2010 lors de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement ainsi que sur celles annoncées suite à la réunion extraordinaire du Conseil "Affaires économiques et financières" du 9 mai 2010. Le "pacte de consolidation" qui en résulte, reposant à la fois sur la mise en place d’un mécanisme de stabilisation financière de la zone euro et l’accélération de la consolidation budgétaire, était donc au cœur des discussions des ministres.
Ainsi que l’a annoncé Jean-Claude Juncker à l’issue de cette réunion, les Etats membres sont désormais prêts à verser la première tranche des prêts bilatéraux coordonnés dans le cadre du plan d’aide à la Grèce. Ce dernier avait été officiellement déclenché lors du sommet du 7 mai 2010 à la suite d’un accord des ministres des Finances de la zone euro du 2 mai 2010.
Le 18 mai 2010, la Grèce devrait donc disposer de 20 milliards d’euros dont 14,5 milliards provenant des pays de la zone euro et 5,5 milliards d’euros du FMI, ainsi que l’a précisé le commissaire européen Olli Rehn. La Grèce a présenté aux ministres des Finances de la zone euro son plan d’ajustement et, selon les mots de Jean-Claude Juncker, "la Grèce est sur la bonne voie". "Nous continuerons à évaluer de près la situation", a-t-il assuré.
Les ministres ont eu un "long débat" sur la mise en place du mécanisme européen de stabilité financière qui a permis de se mettre d’accord sur ce que Jean-Claude Juncker a appelé de "larges avenues".
Ce mécanisme intergouvernemental sur lequel se sont entendus les pays de l’UE le 9 mai dernier consiste en un plan de secours constitué de 60 milliards de prêts apportés par la Commission européenne et de 440 milliards d'euros de prêts et garanties par les pays de la zone euros. Ce montant total de 500 milliards d’euro sera complété par une contribution additionnelle du FMI sous forme de prêts pour un montant qui pourra aller jusqu'à 250 milliards d'euros.
Comme l’a précisé Olli Rehn, la Commission aura pour tâche de veiller, en lien avec la BCE et le FMI, à la conditionnalité des mécanismes de prêts. Tout pays introduisant une demande d’activation du mécanisme d’aide devra ainsi négocier, un peu comme l'a fait la Grèce dans le cadre de son plan d'aide, les conditions à la fois politiques et financières de cette aide.
La Banque européenne d’Investissement (BEI) va se charger, avec le soutien de la Commission européenne, de la mise en place d’une entité ad hoc (en anglais "special purpose vehicle" ou SPV) qui sera appelée "European financial stability facility".
Jean-Claude Juncker a précisé que cette entité ad hoc, dont les Etats membres seraient les actionnaires, serait établie sous le régime de la loi luxembourgeoise. D’après le journaliste Michel Delage, cette décision, qui a finalement rencontré l’aval de tous les participants, serait le fruit d’un compromis des ministres des Finances et avocats d’affaires Luc Frieden, Christine Lagarde et Wolfgang Schäuble. Jean-Claude Juncker a pour sa part expliqué au journaliste, sur les ondes de la radio 100,7, qu’il s’était agi avant tout de trouver un lieu permettant la création d’une telle entité. Or la législation luxembourgeoise le permet. De plus la Banque européenne d’Investissement a son siège à Luxembourg tandis que les services de la Commission européenne en charge des affaires économiques et financières y travaillent aussi, ce qui montre selon le Premier ministre "la largeur de vues" de ceux qui ont défendu la politique de siège luxembourgeoise.
Les principes et paramètres sur lesquels se sont entendus les ministres vont être clarifiés le vendredi 21 mai 2010 à l’occasion d’une nouvelle réunion de l’Eurogroupe qui aura pour objectif de se fixer sur des détails techniques et des questions juridiques. "Nous avons besoin de l'expertise de nos hauts fonctionnaires pour préparer cette rencontre, il n'y a rien de dramatique qui se prépare", a assuré Jean-Claude Juncker.
La question de savoir si les parlements nationaux devront être consultés à chaque fois qu’une demande d’activation du mécanisme d’aide sera introduite, un point pour lequel certains pays se seraient prononcés, semble ainsi rester ouverte.
Les ministres se sont ensuite penchés sur les mesures additionnelles prises par l’Espagne et le Portugal suite à la volonté exprimée le 9 mai 2010 d’accélérer le processus de consolidation budgétaire.
Le 12 mai, le chef du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, a en effet annoncé une baisse des salaires des fonctionnaires, un gel de certaines retraites et la suppression d'une aide à la naissance de 2 500 euros. Son homologue portugais, José Socrates a annoncé le lendemain le relèvement d'un point de base des taux de TVA, la hausse des impôts sur le revenu des ménages et sur les bénéfices des grandes entreprises et une réduction de 5 % des salaires des hommes politiques et des élus.
Ces mesures, Jean-Claude Juncker les a qualifiées, au nom de l’Eurogroupe, de "courageuses". A ses yeux, les mesures prises par les gouvernements espagnol et portugais indiquent "une trajectoire d’ajustement qui donne satisfaction" aux ministres des Finances réunis en accélérant le processus de consolidation budgétaire. Il en sera de nouveau question le 7 juin 2010 à l’occasion de la prochaine réunion de l’Eurogroupe qui se tiendra à Luxembourg.
Jean-Claude Juncker a tenu à souligner que la Commission européenne serait chargée de réaliser avant l’été un rapport évaluant les effets de la consolidation budgétaire sur la reprise économique. Il s’agit en effet, et Olli Rehn a lui aussi insisté sur ce point, de veiller à garder une approche différenciée en matière de consolidation budgétaire en fonction des situations des différents pays.
Les ministres ont évoqué dans leurs discussions les propositions formulées par la Commission européenne le 12 mai dernier en matière de renforcement de la coordination des politiques économiques.
Si Jean-Claude Juncker a bien souligné que les discussions à ce sujet se poursuivraient, il a aussi insisté sur le fait que tous s’accordaient à dire que les propositions de la Commission allaient dans la bonne direction, et ce notamment en matière de politiques budgétaires. Comme l’a précisé le chef de file de l’Eurogroupe, qui avait lui-même appelé, dès le mois de janvier, à des consultations ex-ante des ministres sur les grands axes de leur politique budgétaire, il ne s’agit en effet en aucune manière de porter atteinte au premier pouvoir parlementaire qui est le pouvoir budgétaire, mais de favoriser la discussion entre ministres sur les grands axes de leur politique budgétaire à venir. "Il nous importe que les parlementaires nationaux puissent prendre leurs décisions en ayant à l’esprit les commentaires que les autres pays membres de la zone euro auront pu faire", a-t-il ainsi expliqué, jugeant nécessaire de pouvoir évaluer les conséquences des décisions des uns sur la situation des autres.
"En aucun cas la Commission ne va devenir la maîtresse des politiques budgétaires des Etats membres", a-t-il tenu à préciser. Les Etats membres de la zone euro se soumettront en fait à un "examen controversé, contradictoire, dialogué" des grands axes budgétaires qui seront ainsi discutés par anticipation. "Nous voudrions que les Etats membres et les parlements nationaux s’approprient mieux les considérations qui peuvent être celles de l’Eurogroupe", a plaidé Jean-Claude Juncker qui juge "vertueuses" les propositions de la Commission.
La Commission a présenté aux ministres le rapport sur la convergence rendu public le 12 mai dernier et selon lequel l’Estonie remplit les critères ouvrant la voie à un élargissement de la zone euro. Jean-Claude Juncker a précisé que la crise ne saurait être un prétexte si les critères de convergence sont remplis.
Les ministres ont évoqué dans leurs discussions la politique de change et le cours de l’euro qui connaissait au jour de la rencontre des ministres son taux le plus bas depuis quatre ans. Le président de l'Eurogroupe, s’est voulu rassurant en affirmant que l'euro restait "une monnaie crédible". "Je ne suis pas préoccupé par le taux de change actuel mais par la vitesse à laquelle le taux de change s'est détérioré", a-t-il précisé. "La stabilité des prix a été maintenue pleinement et sera maintenue à l'avenir", a ajouté Jean-Claude Juncker soulignant qu’il s’agit d’un "atout très important pour les investisseurs".
Enfin, comme l’a annoncé Jean-Claude Juncker, "aucun des ministres des Finances de la zone euro n’exclut la nécessité qu’il y a d’associer étroitement le secteur financier au financement de l’après-crise". "Nous continuerons à défendre sur le plan international une participation plus prononcée du secteur financier au coût de la crise", a donc annoncé le chef de file de l’Eurogroupe en précisant que chacun des Etats membres de la zone euro veillera par conséquent à plaider pour une imposition des transactions financières sur un plan international.