Quelque 600 délégués venus des quatre coins de l'Union européenne s’étaient réunis les 19 et 20 juillet 2010 à Bruxelles pour discuter de l'avenir de la politique agricole commune (PAC) après 2013. Cette conférence devait permettre de débattre et de tirer quelques conclusions de la consultation publique sur la période post-2013 qui avait été lancée en avril par la Commission, sous la forme de quatre questions tout à fait essentielles : "Pourquoi avons-nous besoin d'une politique agricole commune? Qu’attendent les citoyens de l’agriculture? Pourquoi réformer la PAC? De quels outils avons-nous besoin pour la PAC de demain?".
"De Lëtzeburger Bauer", l’organe de la Centrale paysanne met en exergue dans son édition du 23 juillet 2010 la diversité des professions réunies à Bruxelles – agriculteurs, forestiers, protecteurs de l’environnement, des animaux, représentants de l’industrie agro-alimentaire, des communes rurales et des villes, etc. – qui a conduit à la présentation de visions d’une PAC future fortement dépendantes des intérêts particuliers des intervenants. L’éditorialiste se plaint que l’environnement ou le développement communal aient plus attiré l’attention des participants que les problèmes de l’agriculture en tant que telle.
Le Comité des organisations professionnelles agricoles (COPA) et la Confédération Générale des Coopératives Agricoles de l’Union européenne (COGECA), dont la Centrale Paysanne est le membre luxembourgeois, veulent une "PAC solide" qui aide les agriculteurs "à faire face à une réglementation européenne de plus en plus coûteuse ainsi qu'à la volatilité des prix et de renforcer leur rôle économique consistant à fournir des denrées alimentaires et des services à 500 millions de consommateurs européens."
Padraig Walshe, le président du COPA, est intervenu pour souligner "les incohérences" des politiques communautaires. Difficile pour lui de comprendre la cohérence entre des réglementations de plus en plus nombreuses et sévères en matière de protection de l'environnement et de sûreté des aliments et des négociations commerciales avec les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay et Venezuela) qui "ne sont pas tenus de respecter ces normes élevées". Il a notamment critiqué de manière véhémente l’offre faite par la Commission d’un "accès préférentiel (..) à notre plus grand concurrent, le Brésil, dans le cadre des négociations de libéralisation des échanges commerciaux avec le Mercosur", alors que dans ce pays sont utilisés "les accélérateurs de croissance et certains produits phytosanitaires, qui sont interdits dans l'UE". Haro aussi sur la libéralisation du commerce mondial ! Dans un contexte où les revenus des agriculteurs européens auraient chuté de 12 % en 2009 et où la volatilité des prix est en hausse, Padraig Walshe a critiqué l’offre de l'UE de baisser de 60 % en moyenne des droits de douane sur les produits agricoles dans le cadre du cycle de négociations de Doha consacré justement à cette libéralisation du commerce mondial.
Paolo Bruni, le président de la COGECA, a plaidé pour qu’une production économiquement viable soit assurée, faute de quoi "de nombreuses régions européennes seraient confrontées à un abandon des terres." Pour lui, "le budget européen consacré à l'agriculture et les paiements directs destinés aux agriculteurs doivent à tout le moins être maintenus pour préserver la compétitivité du secteur agricole de l'UE et le dynamisme des zones rurales".
Dacian Ciolos, le nouveau commissaire responsable pour l'Agriculture et le Développement Rural, a développé ses vues pour une "PAC forte, efficace et équilibrée après 2013" dans un discours de clôture. Selon le commissaire, "une dimension a émergé avec plus de force que par le passé : l'importance territoriale de l'agriculture ou plutôt des agricultures européennes." Lui aussi a tenu à évoquer les désaccords entre ceux qui "mettent les défis économiques au premier plan" et ceux qui "sont plus sensibles aux problématiques environnementales", tout en voyant son rôle dans sa capacité à "trouver le bon équilibre".
Un premier enseignement est pour lui que "les soutiens publics doivent devenir cet outil qui nous permettra de réconcilier approche économique, approche environnementale, approches sociale et territoriale". Ils devront être "mieux répartis, mieux ciblés et plus lisibles". Les taux de soutien seront équitables mais non uniformes. Les critères ne seront plus historiques – signe que la différenciation entre anciens et nouveaux Etats membres s’estompe rapidement - mais ils seront "objectifs et réalistes", basés sur le type d'exploitation et les contextes socio-économique, climatique et environnemental dans lesquels s'inscrit le travail des agriculteurs.
La PAC continuera à être basée sur deux piliers :
Dacian Ciolos a relevé 7 défis pour l’agriculture européenne :
Quant à l’éditorialiste du "Lëtzeburger Bauer", il conclut son article d’une manière sibylline : "Reste la question de la mise à disposition des moyens financiers nécessaires, où il sera exigé plus que jamais des Etats membres qu’ils approuvent le cadre nécessaire pour une telle politique et qu’ils aident les intérêts agraires à percer face à la Commission." Une phrase qui est une critique à peine voilée de la politique de libéralisation de la Commission comme collège, mais qui élude en attendant toute mise en cause du commissaire en charge de l’Agriculture.