Réunis en Conseil Affaires étrangères le 21 février 2011 à Bruxelles, où ils étaient arrivés dès la veille pour un dîner de travail, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont longuement discuté de la situation dans les pays du Sud voisins de l’UE.
Après les bouleversements connus en Tunisie et en Egypte, c’est la situation en Libye qui a notamment été sous le feu de l’attention.
Dans une déclaration commune, les ministres européens "condamnent la répression en cours contre les manifestants en Libye" et ils "déplorent la violence et la mort de civils". Ils appellent aussi "à ce que le recours à la violence contre les manifestants cesse immédiatement et exhortent toutes les parties à faire preuve de retenue".
Les ministres réaffirment que le régime du colonel Kadhafi doit répondre aux attentes "légitimes" de la population. L'UE appelle au respect de "la liberté d'expression", du "droit de rassemblement pacifique" ainsi que "des libertés publiques fondamentales". L’UE a appelé par ailleurs les autorités libyennes à cesser de bloquer l'accès à l'internet et aux réseaux de téléphonie mobile, et à "autoriser les médias à travailler librement à travers le pays".
Herman Van Rompuy s’est dit "horrifié" par les événements, tandis que Jean Asselborn a fait part lui aussi de son indignation. "Il n’est pas possible que nous devions coopérer avec un régime qui abat ses propres ressortissants", a déclaré le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères en marge de la réunion. "Tirer sur une foule qui dit ce qu'elle pense est injustifiable!", a dit encore Jean Asselborn qui a décrit le régime libyen comme "un régime tout à fait cloîtré où la dignité et les perspectives politiques et économiques n'existent pas".
Pour autant, comme le font remarquer les rédactions de nombreux journaux, aucune sanction n’a été prise contre le régime libyen qui menace de cesser toute coopération avec l'UE en matière de lutte contre l'immigration illégale si l'Europe continue à "encourager" les manifestations par ses appels au respect de la liberté de rassemblement et à la liberté d'expression.
Pour Jean Asselborn, "ce chantage (…) ne peut pas être une justification pour qu'on défende un régime qui tire sur ses propres citoyens". Jean Asselborn a affirmé n'avoir "pas peur" des menaces que peut proférer "un dictateur qui tire sur son peuple", et il estimé que ce dernier pourrait être passible de la Cour pénale internationale.
L’Italie, qui fait déjà face à un afflux de migrants venus de Tunisie, s’est en revanche montrée plus prudente dans ses déclarations sur la Libye. "L'Italie, comme vous le savez, est le plus proche voisin tant de la Tunisie que de la Libye et nous sommes extrêmement préoccupés par les répercussions sur le plan migratoire dans le sud de la Méditerranée" des événements actuels, a expliqué le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, qui a appelé à ne pas "donner la mauvaise impression que nous exportons notre démocratie".
De façon plus générale, les ministres ont promis leur aide aux pays de la rive Sud de la Méditerranée. "C'est de notre voisinage qu'il s'agit, nous devons être ambitieux et efficaces", a ainsi déclaré à l'issue de la réunion qu’elle présidait Catherine Ashton.
"Nous sommes prêts à faire un véritable effort en faveur des pays de notre voisinage au Sud", a-t-elle ajouté pour présenter le programme de soutien à l’Afrique du Nord lancé par l’UE afin de favoriser la transition démocratique des ces pays. La politique d’aide de l’UE devrait plus dépendre à l’avenir des progrès démocratiques. Des projets devraient être finalisés d’ici le mois de mars. Catherine Ashton a ainsi promis un appui "plus efficace" aux pays de la rive Sud de la Méditerranée qui font des réformes politiques et économiques.
A l’annonce de cette refonte de la politique européenne vers les voisins du Sud de l’UE, les dents ont grincé quelque peu du côté de l’Est de l’UE. Le ministre hongrois des Affaires étrangères, Janos Martonyi, a certes reconnu qu’il "semble y avoir une urgence au Sud", mais il a ajouté que cela ne devait pour autant "détourner notre attention du flanc Est". De leur côté, la France, Malte, l'Espagne, Chypre, la Slovénie et la Grèce, qui ne sont pas sur la même longueur d’onde, ont préparé en vue de la réunion un papier qui juge que "les disparités d'enveloppes sont aujourd'hui difficilement justifiables et soutenables". Il relève que l'UE donne seulement 1,8 euro par habitant et par an à l'Egypte, 7 euros à la Tunisie mais 25 euros à la Moldavie.
Les ministres des Affaires étrangères ont par ailleurs pu trouver un compromis sur une déclaration qui "condamne fermement" les "violences et les actes de terrorisme commis récemment, dans différents pays, contre des chrétiens et leurs lieux de culte, des pèlerins musulmans et d'autres communautés religieuses".
"Aucune région du monde n'est hélas épargnée par le fléau de l'intolérance religieuse", souligne le texte qui "réaffirme que l'Union européenne est résolument attachée à la promotion et à la protection de la liberté de religion ou de conviction sans aucune discrimination". Les ministres demandent aussi des "propositions concrètes" face à la montée de l'intolérance religieuse dans le monde.
Pour leur session Affaires générales, les ministres européens ont fait le suivi du Conseil européen du 4 février qui s’était concentré sur la politique énergétique et sur l’innovation. Dans ce contexte, la Commission européenne a donné des indications sur son plan de travail pour les prochains mois, sur la publication prochaine d’une communication sur la dimension externe de la politique énergétique et sur la présentation du plan sur l’efficacité énergétique.
Les ministres ont ensuite préparé un projet d’ordre du jour en vue du Conseil européen du 24 et 25 mars, qui se concentrera sur la gouvernance économique de l’UE. Les ministres ont évoqué l’impact du premier "semestre européen", l’examen annuel de la croissance (Annual Growth Survey) et les différents plans nationaux de réforme que les Etats-membres devront remettre, tout comme les programmes de stabilité ou de convergence. Les ministres ont fait l’état des lieux sur les travaux concernant le futur mécanisme européen de stabilité (MES), ainsi que sur les six propositions législatives de la Commission européenne.
Les ministres ont terminé leurs travaux en se penchant sur le cinquième rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale.