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Economie, finances et monnaie
Une réunion de l’Eurogroupe dévolue à "freiner les risques de contagion"
11-07-2011 / 12-07-2011


C’est sur un fond de tourmente sur les marchés et de craintes d’un risque de contagion de la crise grecque que se sont réunis à Bruxelles les ministres des Finances de la zone euro le 11 juillet 2011.Luc Frieden, Wolfgang Schäuble, Jean-Claude Juncker, Didier Reynders et Elena Salgado (c) SIP / Jock Fistick

Juste avant cette réunion de l’Eurogroupe qui a duré huit longues heures et qui était présidée par Jean-Claude Juncker, ce dernier s’est entretenu avec le président du Conseil, Herman Van Rompuy, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet et le commissaire en charge des Affaires économiques et financières, Olli Rehn. Cette "réunion de coordination" portait sur la mise en œuvre de la décision du Conseil européen de mettre en place un nouveau programme pour la Grèce, ainsi que sur "les récentes évolutions dans la zone euro". S’il ne s’agissait pas là d’une "réunion de crise" selon les participants, les marchés ont cependant connu pendant la journée une forte baisse, la pression s’accentuant notamment sur l’Italie.

La chancelière allemande Angela Merkel a d’ailleurs téléphoné à Silvio Berlusconi pour lui demander une adoption rapide du plan de rigueur, un geste inhabituel qui témoigne de l’inquiétude qui gagne. "Nous avons observé des tensions sur les marchés financiers dans différents pays, peut-être un peu plus en Italie qu'ailleurs, mais nous assistons à des tensions dans l'ensemble de la zone euro et donc nous devons trouver une solution", déclarait le ministre belge des Finances, Didier Reynders. "On est devant quelque chose qui est plus systémique" que le seul cas de la Grèce, qui "concerne la stabilité de la zone euro dans son ensemble", avertissait à son arrivée à la réunion de l’Eurogroupe la ministre espagnole des Finances, Elena Salgado.

Il s’est donc agi de "freiner les risques de contagion" de la crise de la dette, ainsi que l’a indiqué Jean-Claude Juncker sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg. Les ministres des Finances ont, une fois de plus, réaffirmé dans une déclaration leur "engagement absolu" à faire tout leur possible pour préserver la stabilité financière de la zone euro.

Les ministres des Finances ont signé le traité établissant le mécanisme européen de stabilité le 11 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UELes ministres se tiennent donc "prêts à adopter des mesures supplémentaires pour améliorer la capacité systémique de la zone euro à résister au risque de contagion", et ils évoquent notamment la possibilité de "renforcer la flexibilité et l’ampleur" de l’EFSF, de prolonger les maturités des prêts et de baisser les taux d’intérêts par des arrangements collatéraux si nécessaire.

Les ministres ont signé en marge de leur réunion le traité établissant le futur mécanisme européen de stabilité (ESM) qui prendra la relève de l’actuel EFSF en 2013.

Un accord sur un nouveau programme d’ajustement pour la Grèce sera trouvé "prochainement"

En ce qui concerne la Grèce, qui était au cœur des discussions, les ministres ont salué le renforcement des mécanismes de contrôle du programme mis en œuvre par la Grèce ainsi que la nomination des membres du conseil de l’agence de privatisation, qui comprend deux observateurs représentant les Etats membres de la zone euro et la Commission européenne. Les ministres ont aussi salué la décision du FMI de donner son feu vert au versement de la cinquième tranche de l’aide financière à la Grèce, faisant suite à la décision prise du côté européen le 2 juillet 2011. Les ministres se sont entendus pour fournir une assistance technique étendue à la Grèce tout en appelant le gouvernement grec à soutenir les efforts qu’il fait actuellement pour tenir ses engagements.Luc Frieden et François Baroin lors de la réunion de l'Eurogroupe du 11 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UE

Les ministres des Finances ont discuté des "principaux paramètres d’un nouveau programme d’ajustement pluriannuel" qui sera basé, comme ils le réaffirment, sur des engagements forts en termes de consolidation budgétaire, sur des réformes structurelles ambitieuses visant à renforcer la croissance et sur une privatisation substantielle des biens de l’Etat.

Les ministres ne manquent pas de souligner que la responsabilité pour résoudre la crise en Grèce repose avant tout sur la Grèce et ils reconnaissent "la nécessité d’une réponse politique plus large et plus prospective afin d’assister le gouvernement dans ses efforts pour soutenir la viabilité de sa dette", et par là la stabilité financière de la zone euro.

Le groupe de travail de l’Eurogroupe est donc invité à proposer des mesures pour renforcer l’actuelle réponse politique à la crise grecque. Il va s’agir notamment d’explorer les modalités de financement du nouveau programme d’ajustement, d’étudier les moyens de réduire le coût du service de la dette et de moyens d’améliorer la viabilité de Olli Rehn et Jean-Claude Juncker à l'issue de la réunion de l'Eurogroupe du 11 juillet 2011 (c) Le Conseil de l'UEla dette publique grecque. C’est sur la base de cette stratégie renforcée que l’Eurogroupe trouvera "prochainement un accord sur les principaux éléments et sur le financement d’un second programme d’ajustement pour la Grèce".

En ce qui concerne la participation du secteur privé à ce nouveau plan d’aide à la Grèce, sujet qui semble continuer d’être épineux, les ministres saluent les propositions faites par le secteur privé de contribuer sur une base volontaire au programme. Mais ils répètent aussi dans leur déclaration qu’un "événement de crédit" ou "un défaut sélectif" doit être évité.

L’équation semble donc rester ouverte à ce stade dans la mesure où les agences de notation menacent de déclarer la Grèce en défaut de paiement provisoire dans le cas où serait choisie la solution avancée jusque là par la France.

Les agences de notation dans le viseur de la Commission

Les agences de notation ont d’ailleurs continué d’être la cible d’une attaque en règle de la part de plusieurs membres de la Commission européenne.

Viviane Reding a ainsi déclaré dans les colonnes du Welt Online que "l’Europe ne pouvait pas se laisser mettre en pièces par trois entreprises privées américaines". La commissaire luxembourgeoise s’insurge contre un "cartel de trois entreprises américaines" qui ne saurait déterminer le destin des économies. A ses yeux, il y a deux solutions : "soit les pays du G20 décident ensemble de démanteler le cartel des trois agences de notation américaines", et elle propose par exemple que les Etats-Unis soient invités à faire de ces trois agences six agences, "soit des agences de notation européennes et asiatiques indépendantes sont créées". Une solution qui va dans le sens de celle proposée par Jean-Claude Juncker, mais, Viviane Reding est aussi consciente que lui qu’il faudra du temps pour cela.

Quant à Michel Barnier, qui est en charge du marché intérieur au sein du collège des commissaires, il s’est exprimé avec vigueur à leur sujet devant l'Autorité européenne de régulation des marchés financiers (Esma) le 11 juillet 2011. "Quand un Etat est membre de l'Union européenne et bénéficie de la solidarité de ses membres, quand il suit un programme de soutien international, on ne peut pas ne pas en tenir compte", a-t-il ainsi déclaré avant de préciser que "dans ces conditions, il faut aussi se poser la question  de savoir s'il faut permettre les notations souveraines quand un Etat est sous programme international. "Je compte demander à la présidence polonaise de mettre ce sujet à l'ordre du jour", a-t-il ajouté, précisant qu'"il faudrait encore étudier la faisabilité et regarder les modalités d'une telle interdiction".

"Au regard du rôle des agences et des effets de leurs décisions, comment  envisager qu'elles ne soient pas davantage responsables y compris au plan civil vis-à-vis des investisseurs ?", s'est encore interrogé Michel Barnier avant de suggérer que "la régulation européenne pourrait prévoir que les investisseurs puissent poursuivre la responsabilité des agences en cas de négligence ou de violations des règles applicables".

Michel Barnier envisage d'exiger des agences qu'elles informent les Etats "au préalable" de toute dégradation, "pour permettre une vérification des données utilisées", et qu'elles publient "obligatoirement" leurs analyses  sous-tendant les modifications de note.

Michel Barnier a aussi émis l'idée de "mettre en réseau plusieurs agences de taille petite ou moyenne" pour faire contrepoids aux  agences ayant pignon sur rue aujourd'hui.