Au lendemain de la conférence téléphonique des ministres des Finances de la zone euro qui a permis, le 2 juillet 2011, le déblocage du versement à la Grèce de la 5e tranche de son plan d’aide, Jean-Claude Juncker répondait aux questions des journalistes de Focus dans un entretien publié dans l'édition de l'hebdomadaire datée du 4 juillet 2011. Dans cet entretien où le ton est, de part et d’autre, piquant, le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe défend mordicus l’approche suivie par les partenaires européens de la Grèce.
"La Grèce peut-elle rester membre de la zone euro en cas de faillite d’Etat ?" A cette question du journaliste, Jean-Claude Juncker répond que si la Grèce faisait faillite, "l’effort de solidarité de l’Europe devrait être autrement plus grand que l’aide actuelle". Et quand on lui rétorque qu’il ne répond pas à la question, le président de l’Eurogroupe a pour répartie que ce n’est pas non plus une question, ou tout au moins qu'elle passe "à côté de la réalité". "Cette idée est absurde", juge en effet Jean-Claude Juncker qui précise que si la Grèce sortait, les marchés chercheraient aussitôt une nouvelle cible. "Je ne fais pas de la politique pour les marchés financiers, mais je veille au bien-être des hommes", lance Jean-Claude Juncker qui affirme que le paquet de mesures sur lequel la Grèce s’est engagée "apportera la réponse à la question grecque".
Lorsque les journalistes allemands font remarquer que le premier plan d’aide était déjà censé apporter cette réponse, Jean-Claude Juncker note que l’effondrement des recettes fiscales grecques n’était alors pas prévisible. Aussi, ce qui est désormais nécessaire, c’est, selon le Premier ministre luxembourgeois, de stimuler l’économie grecque. "Son potentiel de croissance doit être développé, et pour cela les entreprises provenant d’autres régions de la zone euro doivent y contribuer et s’engager", plaide Jean-Claude Juncker qui juge par ailleurs que l’UE doit renoncer temporairement à la règle du cofinancement, c’est-à-dire donner à la Grèce les moyens de son développement économique sans attendre d’elle une contribution propre.
Jean-Claude Juncker reconnaît que le système de perception de l’impôt ne fonctionne pas pleinement en Grèce. Pour autant, il ne s’agit pas selon lui d’offenser les Grecs, mais bien de les aider. Le Premier ministre souligne qu’ils se sont d’ailleurs dits prêts à accepter une expertise venant de la zone euro. Et il concède à ce titre que "la souveraineté de la Grèce sera énormément restreinte". La vague de privatisations à venir nécessitera par exemple de son point de vue une solution basée sur le modèle de la Treuhandanstalt allemande. Dans ce cadre, explique Jean-Claude Juncker, toutes les régions de la zone euro vont envoyer des experts.
"Il faut expliquer aux Grecs que les vautours ne vont pas tout à coup débarquer de Washington et de Bruxelles pour s’accaparer les richesses du pays", souligne Jean-Claude Juncker qui rappelle que la crise grecque trouve en grande partie ses origines dans les politiques menées en Grèce : entre 1999 et 2006, les salaires ont augmenté de 106,6 % rappelle-il, soulignant que l’économie n’a pas connu la même croissance dans la même période. "La politique salariale a échappé à tout contrôle, sans tenir compte de la productivité", explique le président de l’Eurogroupe.
Pour le président de l’Eurogroupe, la Grèce a grandement profité de l’euro pendant plusieurs années, et c’est en s’endettant qu’elle a fait déraper un certain nombre de choses. Pour les remettre en ordre, une réponse collective est nécessaire, et les Grecs doivent le comprendre, selon Jean-Claude Juncker. Peu lui importe que ce type de sorties ne lui apporte pas que de l’amitié en Grèce : "Je fais ce qui est mon devoir, c’est-à-dire exiger des Grecs le maximum de solvabilité et des Européens la solidarité maximale". C’est donc un changement total de cap de la politique grecque qui est exigé en expliquant que la zone euro est une communauté de destin.