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Economie, finances et monnaie - Marché intérieur
Jean-Claude Juncker, faisant écho à l’indignation suscitée en Europe par la dégradation de la note des obligations portugaises, a appelé les agences de notation à "un comportement plus responsable"
08-07-2011


Depuis la baisse brutale de la note du Portugal par l’agence de notation Moody’s, qui a classé dans la soirée du 5 juillet 2011 les obligations émises par ce pays au niveau des investissements "spéculatifs", les réactions indignées ne manquent pas.

D’autant plus que cette décision a été annoncée dans un contexte tendu puisque la veille, l’agence Standard and Poor's avait menacé de déclarer la Grèce en défaut de paiement provisoire si la proposition française de participation des banques privées à une nouvelle aide à la Grèce était adoptée. La chancelière allemande avait déjà alors souligné combien il importait de ne pas se laisser "priver de notre liberté de jugement".

La décision de baisser de quatre crans la note à long terme du Portugal - qui est donc passée à Ba2 - est basée selon l’agence Moody’s sur l’idée que le pays pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide avant de pouvoir retourner sur les marchés pour emprunter. Les conséquences ont été immédiates sur les marchés.

Indignation dans les capitales

A Lisbonne, Fernando Faria de Oliveira, président de la banque publique Caixa geral de depositos (CGD), a par exemple jugé la décision de Moody's "immorale et insultante". Pour le président portugais Anibal Cavaco Silva, "il n'y a aucune justification à une telle baisse de la note à long terme du Portugal", a indiqué son cabinet à l'agence Lusa.

Le ton est donné, et l’argument avancé de toute part est celui de la détermination du nouveau gouvernement portugais à appliquer rapidement l’accord conclu en mai avec l’UE et le FMI. "Qu'est-ce que les agences de rating veulent de plus ? Que nous fassions le poirier?", s'est interrogé le président de la Confédération industrielle portugaise, Antonio Saraiva, qui a estimé qu'il s'agissait d'"un problème lié à la zone euro et à l'Union européenne".

A Athènes, le ministre grec des Affaires étrangères, Stavros Lambrinidis, s’est insurgé lui aussi contre une dégradation qui "n'est pas basée sur le fait que le Portugal ne fait pas son travail de réformes mais sur l'hypothèse que le pays va à nouveau avoir besoin d'aide". "Voyez-vous la folie de cette prophétie auto-réalisatrice?", s'est-il demandé.

La nouvelle directrice du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a souligné elle aussi que le Portugal "s'est engagé dans un programme extrêmement courageux, soutenu par l'ensemble de sa classe politique". Christine Lagarde a exhorté à ne pas "tomber à bras raccourcis sur tout pays" qui engagerait un programme de redressement de ses finances publiques en exigeant des résultats "pour le lendemain matin".

La Commission réagit en force alors qu’une proposition sur les agences de notation est attendue pour l’automne

Du côté européen, les représentants de la Commission sont montés au créneau sans tarder.

 "Cet épisode malheureux soulève une fois de plus la question du comportement des agences de notation et de leur soi-disant clairvoyance", a estimé le porte-parole de l'exécutif européen pour les questions économiques, Amadeu Altafaj.

Quant à Michel Barnier, il a invité le 6 juillet 2011 les agences de notation à "être extrêmement vigilantes au plein respect des règles en vigueur et à évaluer avec objectivité et lucidité la situation des pays qu'elles notent".

Le commissaire en charge du marché intérieur, qui doit mettre sur la table à l’automne des propositions concernant les agences de notation dont le rôle est critiqué depuis l’éclatement de la crise financière, a expliqué à cette occasion que son objectif est de créer plus de concurrence et de diminuer le "rôle quasi-institutionnel des agences de notation" dans notre système réglementaire. "Nous ne devons écarter aucune piste de réflexion notamment sur la dette souveraine. On peut même s'interroger sur l'opportunité de noter des pays sous programme international, vu qu'ils bénéficient de ces mécanismes de soutien et d'encadrement", a avancé Michel Barnier.

Le président de la Commission européenne et ancien Premier ministre portugais José Manuel Barroso a dit pour sa part "regretter particulièrement" la décision de Moody's, qui selon lui "ajoute un élément spéculatif" à une situation déjà compliquée.

Le président de la BCE se montre critique à l’égard du fonctionnement des agences de notation et ignore la dégradation prononcée par Moody’s

Jean-Claude Trichet, qui préside la Banque centrale européenne (BCE) n’a pas mâché ses mots lui non plus, estimant le 7 juillet 2011 qu'une "petite structure oligopolistique" n'était "pas souhaitable". "Il est clair qu'il y a un élément de procyclicité inhérent au fonctionnement des agences de notation qui n'est pas optimal", a-t-il encore indiqué.

Et ses paroles ont été suivies d’effet puisque la BCE a décidé de continuer à accepter les titres de dette portugaise dans ses échanges avec les banques du pays alors qu’en temps normal, la BCE n'accepte ces titres que s'ils sont bien notés par  les agences, afin de ne pas prendre de risques. Cela revient tout bonnement à ignorer la notation donnée par Moody’s. Le président de la BCE a annoncé que son institution avait levé "jusqu'à nouvel ordre" toute condition relative à la notation de crédit pour les titres de dette portugais qu'elle accepte en contrepartie de  prêts, dits "collatéraux". Une décision justifiée par le fait que le Portugal a engagé des  réformes jugées "appropriées" par la BCE.

Jean-Claude Juncker appelle les agences à la responsabilité et plaide pour la création d’une agence de notation européenne

Le président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois a apporté sa contribution à la charge européenne contre les agences de notation, jugeant le 7 juillet 2011 à Berlin "irrationnelle et déraisonnable" la dégradation de la note de pays de la zone euro qui sont soutenus par leurs partenaires et qui mènent des programmes de réformes.

"On ne peut pas dire dès le début que cela ne cela ne mènera à rien", estime en effet le président de l’Eurogroupe qui s’est montré particulièrement choqué du fait que Moody’s a pris sa décision précisément à un moment où le Portugal a annoncé des mesures significatives. C’est à ses yeux typiquement le genre de pratiques qui pourraient décourager les gouvernements d’entreprendre des réformes.

Le président de l’Eurogroupe a donc appelé les agences de notation à "un comportement plus responsable". "Si les agences de notation continuent d’agir ainsi, elles vont perdre de l’influence", a encore mis en garde Jean-Claude Juncker qui rappelle qu’il a "toujours plaidé pour une agence de notation européenne". Certes, il reconnaît qu’elle ne sera pas aisée à mettre en place, mais cela permettrait "de mieux juger des perspectives à moyen terme des Etats européens".

José Manuel Barroso a soutenu le 8 juillet 2011 l'idée d'une agence de notation basée en Europe. "Il y a en Europe de l'expertise sur ce sujet et certains acteurs sont en train d'envisager la création d'une telle agence ou de plusieurs agences", a-t-il déclaré. "C'est au marché qu'il appartient de décider, mais il me semble étrange qu'il n'y ait pas une seule agence venant d'Europe", avait-il déjà indiqué dans le courant de la semaine, accusant celles qui ont aujourd'hui pignon sur rue d'avoir "un parti pris" contre l'Europe.