Dans ce contexte, le Conseil économique et social (CES) a invité le 14 octobre 2011 plusieurs parties prenantes à une réunion d’information sur "l’avenir de la politique européenne de cohésion au Luxembourg" avec les responsables de la gestion des différents fonds européens. Le temps de faire un bilan et de scruter les perspectives.
Elisabeth Mannes-Kieffer, responsable du FEDER au Luxembourg, a décrit les deux axes prioritaires du FEDER au Luxembourg : contribuer à rendre le site luxembourgeois plus attractif pour les investissements et l’emploi et améliorer la connaissance et l’innovation, qui sont des facteurs de croissance.
Après cinq appels à projets, et 87 projets déposés, 57 ont été retenus qui ont permis d’absorber jusqu’en 2011 22,13 millions d’euros, soit plus de 87 % de l’enveloppe prévue entre 2007 et 2013, ce qui est pour Elisabeth Mannes-Kieffer "très considérable".
La Recherche et développement technologique (RDT) et l’énergie ont été avec 57,5 % et 25,8 % les pôles principaux des projets luxembourgeois. Seuls 3 projets ont dépassé le million d’euros, des projets avec le Syndicat intercommunal Minett-Kompost – une installation de compostage et de biogaz à Mondercange - et le Fonds Belval – la création d’un incubateur d’entreprises à Belval. La plupart des projets se situaient dans des fourchettes entre 100 000 et 250 000 euros – 23 projets – et 250 000 et 500 000 euros - 16 projets, notamment avec des centres de recherche publics, les CRP-Gabriel Lippmann (12 projets) et CRP-Henri Tudor (20 projets). Luxinnovation a participé à 11 projets. Le secteur privé n’a pas été autant présent dans les programmes FEDER dans la mesure où certains soutiens de l’Etat découlant de mesures nationales ont épuisé la capacité des entreprises à demander d’autres soutiens découlant de mesures européennes.
Pour 2014-2020, les responsables du FEDER ne disposent pas encore d’informations sur le montant de l’enveloppe qui sera mise à disposition du Luxembourg. Pour eux, il faut néanmoins d’ores et déjà scruter les pistes à suivre au cours de la prochaine période budgétaire. Ils veulent miser sur la continuité du programme et travailler sur plusieurs plans : l’utilisation plus rationnelle des ressources, la réduction des émissions à gaz à effet de serre, le soutien à la recherche et au développement et à l’innovation (RDI), l’amélioration de l’environnement des entreprises et la modernisation de la base industrielle du pays, se concentrer sur la recherche de l’effet de levier à travers les cofinancements, gérer les contraintes d’un budget limité et simplifier, voire réduire les charges administratives liées aux projets des fonds européens, qui sont avec 10 à 13 %, particulièrement élevés par rapport à une moyenne UE de 3 à 5 %.
Abilio Fernandes, du Ministère du Travail et de l’Emploi, qui est l’autorité nationale de gestion du FSE, a expliqué que l’enveloppe financière 2007-2013 du FSE est de 50,5 millions d’euros, cofinancement luxembourgeois compris. 20 millions sont destinés à l’axe 1 du programme, l’amélioration de l’accès à l’emploi et l’inclusion durable dans le marché du travail, 20 autres millions vont à l’axe 2, l’augmentation de l’adaptabilité des travailleurs et des entreprises, et 10 millions à l’axe 3, i.e. le renforcement du capital humain. 28 projets ont été adoptés pour 2011-2013 et 14 autres, nouvellement acceptés, seront bientôt lancés.
Concernant le taux de consommation du budget disponible pour la période 2007-2010, soit 28 millions d’euros, celui-ci est de 46 %. Ce faible taux s’explique par le fait que peu de projets ont pu être lancés en 2007. Si l’on ne considère que la période 2008-2010, le taux de consommation monte à 61 %. Toutefois, Abilio Fernandes a précisé que le budget disponible pour 2010 a été consommé à hauteur de 98 %, soit 7 millions d’euros sur les 7,2 millions disponibles.
Parmi les derniers projets mis en œuvre, Abilio Fernandes a mentionné la création d’un réseau d’étude sur le marché du travail et de l’emploi du Luxembourg – RETEL – Observatoire de l’emploi. Il s’agit ici d’organiser et d’animer un travail de réseau des producteurs, analystes et utilisateurs des études de marché du travail et de l’emploi au Luxembourg et plus largement dans ses bassins de recrutement, les zones frontalières allemande, belge et française. D’autres exemples sont des projets lancés avec Colabor, dont INOVE 2, la mise en place d’une structure d’initiation et d’orientation aux emplois destinée à des jeunes, et Bio-Sol 2, dans le cadre duquel une commune met à disposition des parcelles ou des jardins délaissés où sont employés des demandeurs d’emploi. La production de fruits et de légumes qui résulte du projet est consommée dans la restauration collective de la commune.
Christiane Fortuin, du Ministère de l’Intérieur et de la Grande Région, a expliqué la structure des programmes Interreg, qui visent la coopération territoriale européenne, avec pour but, entre 2007 et 2013, de renforcer la compétitivité des régions, de réduire les effets négatifs des frontières et de mettre en réseau les acteurs et les citoyens de part et d’autre des frontières.
Les programmes Interreg se déclinent en trois volets :
Les 106 millions d’euros se répartissent entre 2007 et 2013 entre trois axes thématiques :
90 projets ont été approuvés, 55 avec une participation luxembourgeoise, en pratique une implication de 71 opérateurs du Grand-Duché. 75,9 % des crédits pour 2007-2013 ont déjà été engagés. Les projets de l’axe "espace", figurent avec 27 projets et 90 % des crédits engagés. L’axe "les hommes" a vu 35 projets approuvés et 101 % des crédits engagés. L’axe « économie », le mieux doté, a eu moins de succès, avec seulement 50,7 % de fonds engagés.
Christiane Fortuin a procédé à un bilan très franc des forces et faiblesses de la programmation Interreg A.
Les projets ont permis une action importante dans les domaines de l’environnement, de l’innovation et du tourisme. Elle a cité les contrats de rivière, la gestion commune des eaux usées. Des projets d’infrastructure comme la Vennbahn-Route (promotion du cyclotourisme dans la région Eifel-Ardennes) ou le ISKFZ Rosport – Ralingen (un centre de sports et de loisirs transfrontalier pour Ralingen en Allemagne et Rosport au Luxembourg) ont amélioré la qualité de vie des citoyens. Espace culturel Grande Région et plurio.net ont mis en relation les acteurs de la culture et leur public. MAG-net http://mag-net.eu/ est une nouvelle expérience dans le domaine de la santé, et les réseaux de parcs naturels le sont dans le domaine de l’environnement.
Mais la programmation a aussi eu ses points de faiblesse. L’axe "économie" a connu un succès plus que mitigé. L’accueil des entreprises, le secteur automobile, la logistique, la diversification économique des zones rurales, des enjeux majeurs de la Grande Région, n’ont pas été l’objet de projets stratégiques. Le secteur privé ne se laisse pas aisément mobiliser. Les difficultés de trésorerie, les lourdeurs administratives ou tout simplement les règles qui gèrent les aides d’Etat nationales retiennent les acteurs du privé. Et si l’axe "espace" a connu un grand succès, les responsables du programme regrettent qu’il n’y ait pas eu de projets de réseau de villes et de communes, ou concernant le changement climatique, ou dans le domaine du transport, alors que la Grande Région connaît de grands problèmes de mobilité, ou bien de projet lié au maintien des services en territoires ruraux. L’axe "hommes" quant à lui n’a pas eu de projet d’envergure qui concernait le multilinguisme. Il n’y pas plus eu de projet de coopération stratégique dans le domaine de la santé, notamment en termes de coopération hospitalière. Et la coopération entre médias n’a pas fait d’émules non plus. Autre problème important : la majorité des projets est resté limitée en bilatéral à une seule frontière. Le chômage des jeunes, les services à la personne, la santé, les hautes technologies, les écotechnologies et les emplois verts n’ont pas suscité de projet, alors qu’ils constituent des thèmes à la fois d’actualité et d’avenir pour la Grande Région.
Pour Jean-Claude Sinner, conseiller de gouvernement à l’Aménagement du Territoire, c’est là que réside toute l’ambiguïté des programmes Interreg comme des fonds structurels. Des stratégies sont décidées, les Etats membres élaborent des programmes nationaux, mais à la fin, ce sont les promoteurs des projets qui sont les moteurs du programme. Bref, sans promoteurs, les programmes ne se réalisent pas.
Mais partant de ces faiblesses, Christiane Fortuin a clairement nommé les domaines où il faudrait agir entre 2014 et 2020 : l’accueil des entreprises, les transports, le multilinguisme et l’accès aux soins à travers la coopération hospitalière.
Ce fut ensuite au tour de Sabine Stölb, en charge des programmes Interreg B et C à l’Aménagement du Territoire, d’exposer les résultats et perspectives d’Interreg B, un programme auquel participent la Belgique, le Luxembourg, le Royaume Uni, l’Irlande, des parties des Pays-Bas, le Nord de la France, une partie de l’Ouest de l’Allemagne et la Suisse.
90 projets qui impliquent 780 partenaires ont entraîné l’engagement de 75 % des 355 millions d’euros dont le programme est doté. 16 projets connaissent une participation de 20 acteurs luxembourgeois. Le Luxembourg est par ailleurs la région participante qui reçoit le plus de dotations par tête d’habitant, devant Bruxelles-Capitale, avec en tout 4,53 millions d’euros, donc autour de 9 euros par habitant. Cinq des 16 projets auxquels des promoteurs luxembourgeois participent sont consacrés à l’innovation, cinq autres aux ressources naturelles, deux à la connectivité et quatre à des projets communautaires. Un de ces projets, PILLS, pour "Pharmaceutical Input and Elimination from Local Sources", est consacré aux risques des résidus pharmaceutiques dans les eaux évacuées, notamment dans les circuits publics et mise sur des installations pilotes dans des hôpitaux, dont le Centre Hospitalier Emile Mayrisch d’Esch-sur-Alzette, et un transfert de connaissances entre acteurs du secteur santé, personnel médical comme patients et industrie pharmaceutique.
Le programme a été présenté comme un succès pour le Luxembourg, tant en ce qui concerne le développement de stratégies macro-régionales qu’en ce qui concerne la complémentarité entre programmes nationaux et programmes européens. Pour le prochain exercice, on cherchera, comme pour Interreg A, à miser plus sur les transports et la mobilité. Il s’agira aussi de recourir aussi plus aux données territoriales produites par des programmes tels qu’ESPON.
Interreg C inclut tous les Etats membres de l’UE ainsi que la Norvège et la Suisse. Au niveau européen, 66 % des fonds ont été engagés jusqu’à ce jour. Seul un projet a été mis en en route avec une participation luxembourgeoise : "EU2020 Going local" qui réunit des acteurs régionaux et locaux suédois, allemands, slovènes, lettons, britanniques, belges, néerlandais et portugais et qui scrute plusieurs pistes pour faire des autorités locales et régionales des acteurs-clés de la mise en œuvre de la stratégie Europe 2020. La référence, ce sont les méthodes de gestion locale, notamment en matière de déchets et de transports, développées dans la région suédoise du Sörmland. Les partenaires luxembourgeois sont le Ministère du Développement durable et des Infrastructures de concert avec le syndicat intercommunal ProSud. Europaforum.lu a rendu compte de cette initiative dès ses débuts dans des articles de février 2010 et janvier 2011.
Sabine Stölb a néanmoins dû faire remarquer que la participation du Luxembourg aux échanges sur un plan européen est bien faible, ce qui est dû au « nombre restreint d’acteurs éligibles », et qu’il serait dans ce cas plus judicieux de mettre l’accent sur la Grande Région et l’Europe du Nord-Ouest, donc sur Interreg A et B, et ce avec des actions et des investissements concrets.
Un des projets que l’équipe autour de Sabine Stölb aimerait mettre en œuvre est une plateforme des programmes de l’UE au Luxembourg. Car finalement, a-t-elle signalé, ce sont 300 projets à participation luxembourgeoise qui bénéficient de financements européens, dans le cadre du FSE, du FEDER, d’Interreg, du programme cadre de recherche, du FEADER, etc. Une telle plateforme permettrait de procéder à des analyses plus ciblées des contenus et des financements, servirait de base factuelle aux nouvelles périodes de programmation, pourrait générer des capacités de développement de projets et de conseil, et surtout observer voire orienter les programmations luxembourgeoises.
Sabine Stölb a finalement rappelé que le 7 novembre 2011, les projets qui impliquent des acteurs luxembourgeois seront présentés de manière divertissante au Carré Rotondes dans le cadre du First European Project Slam.
Ce fut ensuite au tour de Thiemo Eser de présenter le programmes ESPON, le Réseau de l'Aménagement du Territoire européen. Ce programme a été créé par les ministres européens de l’Aménagement du territoire et conçu comme un réseau d’étude destiné à l’observation de l’espace communautaire européen. Sa coordination se fait depuis Esch/Alzette. Doté de 47 millions d’euros, il explore des questions qui intéressent directement le Luxembourg, comme celle de savoir où se prennent les décisions stratégiques en Europe et qui contrôle le capital qui y circule, celle de savoir quel sera l’effet des migrations en Europe sur les territoires et la démographie, celle de connaître la vulnérabilité des régions européennes dans le cadre du changement climatique, celle d’avoir une cartographie des défis sociaux et des groupes vulnérables en Europe, ou bien celle des régions transfrontalières. C’est avec ESPON qu’a été élaboré dans le cadre de "Metroborder" le concept de région métropolitaine polycentrique transfrontalière qui s’applique à la partie de la Grande Région qui gravite autour de Luxembourg et de Sarrebruck comme pôles économiques complémentaires et qui est l'objet d'importantes discussions pour l'orientation future de la Grande Région. .
Urbact, le programme européen d’échanges pour un développement urbain durable, n’inclut pas directement de projet luxembourgeois, même si un projet luxembourgeois, la Cellule nationale d’information pour la politique urbaine (CIPU), s’inspire des méthodes d’Urbact dans son travail de réseautage national et européen, dans son travail aussi d’échanges et de transferts de connaissances en politique urbaine.
André Loos, conseiller auprès du Ministère de l’Agriculture et du Développement rural, a présenté le FEADER, qui se décline entre 2007 et 2013 sur trois axes :
L’axe 1 a soutenu l’installation de 18 jeunes agriculteurs en moyenne par an. 3000 demandes d’aide ont été traités jusqu’à la fin de 2010 pour la modernisation des exploitations, avec une dépense publique de 106 millions d’euros. Il a soutenu des investissements dans les entreprises agroalimentaires et la valeur économique des forêts.
L’axe 2 a été la source d’indemnités compensatoires, notamment en ce qui concerne les zones défavorisées et les primes à l’entretien du paysage et de l’espace naturel.
L’axe 3, qui concerne 90 % des superficies du pays, 50 % de la population et 103 communes sur 116, a vu la présentation de 73 projets. 11 projets touchaient des fermes d’accueil et des locaux de dégustation. Il y a eu la création d’un guichet unique pour les PME. 25 projets avaient pour objet des services de base pour la population, services de proximité, d’accueil, des activités culturelles ou des centres sociétaires. 27 projets ont eu pour objet la restauration et le développement des villages, 6 projets ont visé la conservation et la mise en valeur du patrimoine rural.
Le programme LEADER est mené par 5 groupes d’action locale, 85 organisations et 67 communes qui contribuent. Il touche 125 000 habitants sur une superficie de 1629 km2. Parmi ces projets, on trouve la Landakademie interrégionale et le Système d’information géographique régional Nord (SigNord), les activités autour du Mullerthal Trail, le vélo le long de la Moselle et le paquet de mesures pour la commercialisation directe des produits régionaux.
Une évaluation à mi-parcours en 2010 est mitigée. Le FEADER a réussi à maintenir l’emploi agroalimentaire, mais n’arrive pas à redresser la réduction structurelle du nombre des agriculteurs. Les mesures prisent n’arrivent pas à freiner le déclin de la biodiversité, mais sont un succès en termes de réduction des émissions de CO2.
Et après 2013 ? La Commission vient de présenter ses propositions. Le FEADER y intègre un cadre stratégique commun et aura pour tâche de financer le travail sur certaines priorités :
Les Etats Membres qui seront responsables de traduire la stratégie Europe 2020 et les priorités de développement rural en actions, en tenant compte des besoins spécifiques à l’échelon local/régional/national. La programmation au niveau national ou régional déterminera des cibles quantifiées liées aux priorités. L’allocation des enveloppes nationales sera basée sur des critères objectifs et les montants de l’allocation actuelle. Mais on n’en sait pas plus.