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Parlement européen
A mi-mandat, le Parlement européen doit veiller, selon les eurodéputés luxembourgeois, à rester dans le jeu de la négociation d’un traité intergouvernemental à 26, faute de traité à 27
16-12-2011


Les eurodéputés Astrid Lulling, Charles Goerens, Claude Turmes et Georges Bach, au milieu le journaliste Roy Grotz (Maison de l'Europe, 16 décembre 2011)La rencontre entre quatre des six eurodéputés luxembourgeois et la presse, le 16 décembre 2011, à la Maison de l’Europe, pour faire le bilan de la première mi-temps de leur mandat – qui va de juillet 2009 à juin 2014 -  a été l’occasion pour Georges Bach, Charles Goerens, Astrid Lulling et Claude Turmes d’un large tour d’horizon de la crise européenne qui a marqué dès le premier jour le mandat des parlementaires.

Après le Conseil européen

Commentant les résultats du Conseil européen du 9 décembre 2011, le libéral Charles Goerens a regretté que la méthode communautaire ait été jetée par-dessus bord et que les 26 aient laissé sortir le Royaume Uni de la solidarité européenne. Ce sera pour lui un grand problème de ne pas l’inclure dans le traité intergouvernemental qui se prépare dans une Europe qu’il ressent comme de plus en plus gouvernée par quelques capitales qui n’ont guère d’intérêt pour l’impact que leurs idées ont dans les petits Etats de l’UE.

Astrid Lulling, la doyenne du PE et membre du groupe PPE, pense quant à elle qu’une modification des traités européens n’est pas nécessaire, même pas pour introduire l’automaticité des sanctions en cas de violation des règles convenues dans le pacte de stabilité ou le six-pack. Ce sera selon elle un "casse-tête juridique" que d’arriver à ce changement de traité. Partisane du semestre européen, elle ne voit aucun mal à ce que les Etats membres soumettent leurs grandes orientations budgétaires à l’examen de la Commission et de leurs pairs et qu’ils reçoivent une réponse. Elle a commenté le budget luxembourgeois 2012 avec l’expression "sont-ils devenus fous ?", du fait de la croissance de 6 % des dépenses de l’administration centrale alors que la croissance économique s’annonce autour de 1 % seulement.        

Claude Turmes, des Verts européens, n’est pas satisfait de ce qu’il appelle le "Merkozy Show" et du départ du Royaume Uni qui pose aussi selon lui des problèmes insolubles. Du fait que le Parlement européen a réussi à introduire dans le six-pack le principe de la majorité inversée pour constater un non-respect des règles de stabilité, il n’y a pratiquement pas de différence entre les mesures du six-pack entrées en vigueur le 13 décembre et les idées retenues au Conseil européen et sur base desquelles le traité intergouvernemental devrait être négocié. Le seul effet positif du Conseil européen du 9 décembre pourrait être selon lui qu’il arrive "à calmer les marchés". Mais il juge le tandem germano-allemand fragile. Berlin et Paris ont soumis l’Europe à une "religion de l’austérité qui est de droite", ce qui fait que leurs leaders sont contestés chez eux, à l’instar des frondes que le Premier ministre britannique doit affronter chez lui. C’est pourquoi Claude Turmes mise sur un changement de leadership en France – où des présidentielles auront lieu en mai 2012 – et en Allemagne – où il espère des législatives anticipées. La grande victime de cette crise européenne a été selon lui la justice. Il pense que les citoyens ne sont pas prêts à serrer la ceinture si ceux qui ont été à l’origine de cette crise et qui en ont aussi bénéficié ne sont pas obligés à contribuer à la sortie de crise. Or, au Conseil européen, cette option a été laissée tomber.

Pour Georges Bach, eurodéputé PPE avec un passé de leader syndicaliste, le manque de confiance entre Etats membres et entre banques a des effets dévastateurs. Il en est de même du chômage, notamment celui des jeunes qui a fait surgir l’idée de génération perdue, de la désindustrialisation, des obstacles bureaucratiques dressés devant les PME, du manque de dynamique pour mettre en marche les grands chantiers d’infrastructures dont l’UE a besoin, du manque de réponse aux défis migratoires. L’UE stagne, craint-il, et la confiance dans les leaders en place est tout sauf évidente.

Le futur de l’euro

hallefzait-beim-epInterrogée sur les chances de survie de la monnaie commune, Astrid Lulling a clairement répondu que l’euro survivra, "sinon cela ira mal". Le problème n’est pas la monnaie unique, mais les budgets nationaux, et ceux-ci ne peuvent être redressés que si des réformes profondes sont menées, comme celles qui devraient selon elle être menées au Luxembourg.

Claude Turmes a salué la baisse des taux par la BCE à 1 %, qui permettra aux banques de bénéficier "d’infinies liquidités" et aux créanciers de sortir du jeu des dettes. Si les banques ont une attitude responsable et utilisent ces fonds pour racheter et acheter des obligations d’Etats, soutenir le secteur des assurances et l’économie réelle, ce sera une chose positive. Mais il faudra selon lui surveiller cela de près et prévenir les spéculations, tout en veillant aussi à ce que les banques soient recapitalisées.

Pour Charles Goerens, 40 ans d’errements budgétaires et d’endettement continus de certains Etats ne pourront pas être redressés de sitôt. Comme Claude Turmes, il est satisfait que la BCE ne se soit pas laissée paralyser par "le juridisme monétaire". 

Le rôle du PE lors des négociations du traité intergouvernemental

La Conférence des Présidents des groupes politiques du Parlement européen vient de désigner le 15 décembre 2011 quatre députés européens pour participer aux premiers travaux sur le nouveau traité. Il s’agit de l’Allemand Elmar Brok, un poids-lourd du PPE, du Belge Guy Verhofstadt, le chef de file des libéraux et grand défenseur de la méthode communautaire, de Roberto Gualtieri (S&D), et comme suppléant prendra part aux délibérations Daniel Cohn-Bendit des Verts.

Claude Turmes a cependant mis en garde devant le fait que les députés sont associés, mais ne prendront pas part aux discussions "quand cela deviendra sérieux", suivi en cela par Astrid Lulling. Mais il a confiance. Le PE est devenu de plus en plus fort depuis les années 80, et sur le traité intergouvernemental, il y a un accord sur la manière de procéder entre plus de deux tiers des eurodéputés. S’y ajoute que le prochain président du PE, selon toute évidence le socialiste Martin Schulz, et ce suite à un accord entre PPE et S&D, et avec le soutien des Verts, n’est non plus homme à tergiverser sur les droits du PE.

Pour Charles Goerens par contre, l’on ne peut pas changer un traité ratifié à 27 avec 26 Etats membres. Si le PE veut garder son influence, il faudra un accord à 27 qui garde l’UE unie.

Y a-t-il un risque que la crise s’aggrave ?

A cette question, Charles Goerens a répondu par un « oui » très clair, si les politiques d’austérité deviennent "trop violentes", comme en Espagne. Sans solidarité en Europe, les citoyens s’en détourneront.

Claude Turmes a de son côté constat que le recours à des "boucs émissaires" devient de plus en plus fréquents chez des leaders des partis traditionnels : les Grecs soi-disant paresseux en Allemagne, Les Allemands pour le dirigeant socialiste français Arnaud Montebourg. Mais il y a de l’espoir pour l’eurodéputé vert, comme la nouvelle Présidence danoise de l’UE du premier semestre 2012, menée par un gouvernement de centre-gauche qui a succédé à un gouvernement soutenu par l’extrême-droite, qui veut miser sur l’investissement et l’économie verte, notamment en unifiant les moyens de l’UE, de la BEI et des fonds structurels pour investir. Mais ce genre de politiques montre selon lui que les Etats doivent augmenter leurs recettes, augmenter les impôts, miser sur es instruments comme la TTF et surtout orienter leurs politiques vers plus de justice.

L’introduction d’une TTF dans la seule zone euro est par contre pour Astrid Lulling une "hérésie". Ce sont les clients qui paieront la note, elle fera fuir les investisseurs et si Astrid Lulling dit cela, c’est parce qu’elle "n’a pas envie de jouer à l’hypocrite" comme ceux qui soudain sont devenus des partisans d’une taxe dont ils ne voulaient pas auparavant. Les Etats devraient d’abord exploiter leur potentiel d’économies, en procédant de manière socialement sélective, comme cela est prévu au Luxembourg, avant d’augmenter les impôts.

Quant à Georges Bach, il a mis en garde contre des réformes fiscales qui peuvent avoir pour conséquence des délocalisations, comme celles des entreprises grecques qui se sont déplacées vers la Bulgarie.