L’état des lieux d’Alex Bodry après le 9 décembre 2011 est virulent.
Il reproche à l’UE de chercher son salut dans "des accords intergouvernementaux imparfaits, politiquement et juridiquement plus que contestables" et d’obéir au diktat des marchés financiers et de l'idéologie libérale-conservatrice au lieu de faire face à la crise budgétaire, économique et sociale dans le cadre d'une union économique, financière et politique.
Il reproche à l’UE de miser sur un "tour de vis budgétaire supplémentaire" et d'institutionnaliser l'austérité au lieu de miser sur une "gouvernance économique européenne fondée sur une véritable solidarité, une union des transferts".
Il reproche à l’UE de pratiquer une politique qui risque de faire sombrer "les pays les plus vulnérables de la zone euro (…) profondément et durablement dans la récession et la misère sociale".
Mais c’est surtout l’effet des décisions du Conseil européen sur l’'Europe politique qu’Alex Bodry critique. Il s’agit pour lui d’une véritable "automutilation" qui passe par le fait que les "responsables politiques européens" ont décrété "un abandon de souveraineté politique dans les domaines clés de la politique budgétaire et financière". Alex Bodry, qui est député à la Chambre, estime que "les élus abandonnent une partie importante de leurs compétences au profit d'institutions non-élues comme la Commission européenne ou les juges de la Cour européenne de justice." Pour lui, les élus nationaux sont en train de devenir "avant tout responsables devant des institutions supranationales alors qu'ils doivent surtout des comptes à leurs populations qui les ont élus". Dans le déploiement du dispositif anti-crise de l’UE, "l'indispensable implication des parlements nationaux dans le nouveau schéma de la gouvernance européenne reste floue" pour l’élu socialiste. Sa conclusion est virulente : "La prise en otage des pouvoirs constituants européens notamment au sujet de la "règle d'or" budgétaire est méprisabl", écrit-il après avoir rejeté dans une tribune précédente l’inscription d’une telle règle d’or budgétaire dans la Constitution luxembourgeoise.
S’ajoute à ce tableau le fait que, selon le député socialiste, "le Parlement européen (élu au suffrage universel, ndlr) reste lui aussi largement exclu du système", que "la stratégie Europe 2020 fondée sur l'emploi et la croissance s'éclipse derrière la priorité absolue accordée au désendettement rapide et à l'équilibre budgétaire à court terme" et que "les plans d'austérité sont pour la population et les plans de soutien pour les banques". "Le modèle social européen pourrait bien être la prochaine victime de la politique menée actuellement en Europe", conclut le député, pour qui le Conseil européen des 8 et 9 décembre 2011 "apparaît avec le recul comme un énorme gâchis".
Voilà la question que se pose le dirigeant socialiste, qui se demande aussi si "le Luxembourg peut s'opposer aux choix fondamentaux imposés par le couple germano-français et la majorité politique de droite au Conseil, au Parlement européen et à la Commission".Pour Alex Bodry, "faire complètement bande à part est difficilement envisageable". Il se place derrière le Premier ministre du gouvernement de coalition,Jean-Claude Juncker, et regrette que les propositions de ce dernier "dans un sens de renforcement de la solidarité européenne n'ont pas connues l'adhésion souhaitée". À ses yeux, il importe d’utiliser "correctement et de façon intelligente la marge de manœuvre politique restante pour ne pas tomber dans le piège de la spirale rigueur budgétaire - récession - chômage mis en place au niveau européen."
Les atouts du Luxembourg sont un budget 2011 de l'administration publique "proche de l'équilibre sinon équilibré", un endettement public en dessous de 20 % du PIB, et une approche budgétaire de la part du Gouvernement de réduire le déficit public à zéro d’ici "sans coupes budgétaires radicales". A l’instar du budget de l'Etat pour 2012, "discipline budgétaire, consolidation du pouvoir d'achat et investissements publics" iront de pair. La progression des dépenses publiques sera atténuée, il sera tenu compte"des charges futures liées à l'évolution de notre régime de protection sociale", le tout dans un esprit de "solidarité intergénérationnelle", de "bon sens élémentaire" et de responsabilité. Les salaires progresseront, le secteur public continue d’engager, l’Etat-providence luxembourgeois est tout sauf démantelé, relève-t-il encore.
"Non", conclut Alex Bodry, "ni le budget de l'Etat pour 2012, ni les décisions récentes du gouvernement ne sont synonymes d'austérité". Pour l'heure, le Luxembourg n'applique pas à ses yeux "les remèdes extrêmes préconisés par les médecins européens". "Les fondamentaux de notre système social ne sont pas remis en cause", estime Alex Bodry qui souligne que "les adaptations structurelles indispensables sont en préparation" et que "ces réformes se font dans le respect de notre modèle social". "Veillons à ce qu'il en reste ainsi dans les années à venir!", lance-t-il enfin.