Le Secrétariat technique du programme URBACT, le Département de l’Aménagement du territoire du Ministère du Développement durable et des Infrastructures et la Cellule nationale d’Information pour la Politique Urbaine (CIPU) avaient convié le 11 janvier à une journée d’information sur le programme URBACT et son 3e appel à projets.
Nombre de questions ont été abordées. Quelles sont les leçons tirées de la mise en œuvre du programme URBACT ? Comment l’échange d’expériences et de bonnes pratiques peut avoir des effets positifs sur les stratégies locales et nationales ? Comment développer et mettre à profit ses plans d’action locaux ? Quelles sont les possibilités de financement européen dans le domaine du développement urbain ?
On peut signaler d’emblée que, malgré un lancement à Luxembourg en 2007 et la désignation en 2010 de la Cellule nationale d’Information pour la Politique Urbaine (CIPU) comme "Point de diffusion national du programme européen URBACT", ce programme n’a pas encore connu de participation luxembourgeoise.
Mais d’abord, qu’est-ce donc qu’URBACT ? Comme l'a exposé Melody Houk, qui est "project and capitalisation manager" au secrétariat technique d’URBACT, il s’agit d’un programme cofinancé par le FEDER et les Etats membres de l’UE doté pour la période 2007-2013 d’un budget de 69 millions d’euros qui veut promouvoir dans sa version actuelle le développement urbain intégré et durable. Ces principaux objectifs sont de faciliter un échange et un processus d’apprentissage entre des villes de l’UE et deux pays partenaires, la Suisse et la Norvège. Il s’agit ensuite de capitaliser ces échanges et de tirer des leçons pratiques de ce qui a pu être acquis au cours de ces échanges. Finalement il s’agit de diffuser ce que l’on a appris vers d’autres acteurs et partenaires. Le tout devrait déboucher sur l’amélioration des qualifications à divers niveaux des acteurs impliqués et de leurs partenaires sur les questions de développement urbain intégré et durable. En somme, la méthode d’URBACT mise sur la triade échanges-capitalisation-diffusion.
En recourant à la triade méthodique échanges-capitalisation-diffusion, il s’agit d’abord, en termes d’échanges, d’organiser des échanges transnationaux basés sur l’apprentissage et le soutien mutuels. Ensuite, en guise d’action, tout partenaire présentera par rapport au thème abordé un plan d’action local. Cela n’est possible qu’à travers une approche participative, qui implique que chaque partenaire mettra en place un groupe de soutien local. Chaque réseau sera soutenu par des experts. En termes de capitalisation, l’on essaiera de créer des "clusters" de projets tournant autour d’une thématique similaire ou proche, de partager les résultats des propres expériences à travers des sites web, des articles ou publications, comme URBACT Tribune. En termes de diffusion, chaque projet est en charge de sa propre communication. Le site d’URBACT est un des ces instruments de diffusion, et les points de diffusion nationaux, comme le CIPU au Luxembourg, sont eux aussi censés jouer leur rôle avec leurs sites et avec des événements, comme cette journée d’information.
Jusque là, suite à deux appels à projets, 28 réseaux et 7 groupes de travail thématiques ont pu être créés. 280 villes ont participé, 14 autorités régionales ou nationales, douze universités ou centres de recherche, et les groupes de soutien locaux ont impliqué 4 500 personnes. Finalement, il y a eu trois conférences annuelles entre 2008 et 2010, et une université d’été pour les groupes de soutien locaux en 2011.
Dans le contexte actuel, les objectifs de la stratégie Europe 2020 servent de principe directeur à la mise en œuvre de tous les programmes liés à des fonds structurels de l’UE. Il en est ainsi d’URBACT, dont les objectifs prioritaires sont basés sur deux axes : le fait que les villes sont des moteurs de croissance et d’emploi et qu’elles doivent être attractives et miser sur la cohésion sociale. Dans la mire du programme s’inscrivent donc des initiatives liées à l’entrepreneuriat, à l’innovation et à l’économie de la connaissance, à l’emploi et au capital humain, à un développement intégré des quartiers délaissés ou à risque, à l’inclusion sociale, à l’environnement et à l’aménagement urbain.
Dans le cadre du 3e appel à projets, qui porte sur des projets de 33 mois qu’il faudra formuler avant le 15 mars 2012, il s’agit de manière plus spécifique de huit priorités qui s’articulent autour de trois concepts :
Des projets combinant ces trois aspects sont aussi recevables, à condition qu’ils soient liés à la gestion urbaine en temps de crise, à des approches intégrées du développement urbain et au développement de partenariats efficaces dans le cadre de gouvernances multi-niveaux.
Les bénéficiaires d’URBACT peuvent être des villes des Etats membres, de Suisse et de Norvège, des autorités publiques ou équivalentes, des agences de développement local, des entreprises publiques, des autorités régionales et nationales compétentes et des universités ou centres de recherche. Le leader d’un partenariat URBACT qui se concentrera sur la tâche de constituer un réseau thématique doit être une ville. L’idéal est d’avoir des partenariats de 8 à 12 participants, avec un maximum de trois partenaires qui ne sont pas des villes.
La moitié des partenaires doivent venir des zones de convergence, en gros des territoires plus défavorisés, donc les nouveaux Etats membres, les nouveaux Länder allemands, le Sud de l’Italie et de l’Espagne, le Portugal, une partie de la Grèce, une bande frontalière entre la France et la Belgique, le pays de Galles et les Cornouailles, et les zones de compétitivité, parmi lesquelles on compte le Luxembourg. Les projets, d’une durée de 33 mois, sont dotés de 800 000 euros. L’objectif est d’arriver à créer jusqu’à la fin du programme qui expire avec la période financière pluriannuelle 2007-2013 (+ 1 an) jusqu’à 19 nouveaux réseaux. Les contributions locales sont de 30 % dans la zone de compétitivité et de 20 % dans la zone de convergence. Le financement d’un soutien d’experts, notamment d’un expert-référent, est assuré pour 166 jours au-delà des 800 000 euros.
Pour en savoir plus sur les procédures de candidature, le lecteur pourra se référer aux parties consacrées à URBACT sur le site de la CIPU, en particulier sur la page liée à la participation au programme, et ensuite à une présentation en annexe sur le 3e appel.
Ce fut ensuite au tour de Christian Lamour, chercheur au CEPS/INSTEAD et expert associé au projet "GECT" (pour groupement européen de coopération territoriale, un instrument auquel le Luxembourg a recours à Esch-Belval et dans la Grande Région avec Interreg IVA et éventuellement un GECT plus institutionnel) d’aborder la question de la gouvernance dans les conurbations transfrontalières en Europe dont le projet s’est occupé.
Le partenariat de ce projet "GECT" était formé par la Mission opérationnelle transfrontalière (MOT), un organisme français spécialisé dans l'appui au montage de projets transfrontaliers, l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai (F et B), la communauté de coopération Frankfurt/Oder-Slubice (D et PL), l’Eurocidade Chaves-Verin (PT et ES), le GECT Esztergom et d’Ister-Granum (HU et SK), le Canton de Bâle-Ville et l’Eurodistrict Trinational (CH, D, F), la communauté urbaine de Strasbourg et l’Eurodistrict Strasbourg-Ortenau (Fet D).
Les objectifs du projet "GECT" ont été de renforcer l’efficacité de la gouvernance urbaine transfrontalière multi-niveaux par le biais d’une série d’échanges entre acteurs en charge de projets d’agglomération transfrontalière, la définition d’un Plan d’Actions Local dans chaque territoire impliqué dans le projet et enfin l’établissement de recommandations à l’attention des autorités nationales et européennes sur base du ressenti des acteurs locaux.
Deux thèmes étaient au centre des travaux : les outils du leadership transfrontalier et les enjeux de communautés.
Le premier thème a été abordé sous l’angle de la stratégie individuelle des leaders politiques, indispensable pour que ceux-ci développent un agenda politique et se fassent élire dans leur entité territoriale. L’autre pôle de cette approche était l’institutionnalisation du leadership collectif, par exemple à travers un GECT, personne morale qui permet de capter des budgets européens et nationaux sur des coopérations transfrontalières et qui permet des décisions politiques communes, qui sont souvent d’ordre technique. D’où un autre sujet abordé, à savoir l’articulation entre la sphère politique et technique de la gouvernance transfrontalière collective.
Les enjeux de communautés ont été abordés sous l’angle de la nécessité de faire participer la société civile à des projets transfrontaliers. Le projet a aussi exploré le rôle potentiel des médias dans la connexion entre les leaders et les publics de part et d’autre des frontières. Mais il s’est aussi penché sur les formes de démocratie participative qui pourraient contribuer à ce que se développe un sentiment communautaire.
Les principaux résultats de ce projet ont été que les acteurs impliqués ont pu faire un bilan et prendre du recul par rapport à leur activité quotidienne. Ils ont aussi pratiqué des évaluations locales pour voir l’impact de la coopération transfrontalière sur les leaderships et les communautés. Il y a aussi eu une réflexion sur les réussites locales qui a misé sur une vision extravertie du management urbain transfrontalier : l’on a fait connaissance des bonnes pratiques des autres, mais l’on a aussi comparé les échecs et les difficultés. Du point de vue méthode, et cela est très important pour les projets URBACT, l’on a ressenti la pression positive de l’agenda du projet et la contrainte de la visibilité commune. Cela a poussé les partenaires à établir un planning commun pour produire une stratégie, à organiser des colloques européens où les motivations politiques locales avaient leur place, à élaborer un projet qui a participé à la diffusion et à l’acceptation d’outils comme le GECT. Finalement, l’esprit de ce projet a contribué à raffermir le rôle de la société civile dans la gouvernance transfrontalière.
En conclusion, Christian Lamour a mis en évidence que l’européanisation du management transfrontalier est en marche, car un tiers de la population de l’UE vit en zone transfrontalière, qu’il existe quelque 60 grandes agglomérations transfrontalières dans l’UE et qu’un dialogue permanent et structuré entre ces territoires est devenu nécessaire. La gouvernance transfrontalière a donc bien des objectifs pratiques, qui touchent au quotidien des citoyens, et qu’il faut donc des coopérations thématisées où chacun est gagnant ("win-win") et qui tiennent compte des temporalités opérationnelles différentes selon les partenaires. Les thématiques qui se sont par ailleurs imposées dans le cadre du projet GECT sont dans le "hard" les questions d’accessibilité (transports, services publics, l’emploi), dans le "soft" l’image, la culture et le marketing territorial et le développement urbain durable.
Pour Christian Lamour, les atouts du programme URBACT sont un rapprochement entre acteurs situés dans des contextes nationaux différents, une réflexion réaliste – l’orateur a souligné cette dimension - sur les résultats accomplis et en fin de compte une opportunité pour démarrer ou accroître la dynamique partenariale urbaine.