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Economie, finances et monnaie
Les vœux de fin d’année ont été l’occasion de revenir sur une année 2011 qui a laissé à Jean-Claude Juncker l’impression de beaucoup de confusion et de se préparer à 2012, année qui sera décisive pour l’euro selon Luc Frieden
01-01-2012


Les vœux de fin d’année offrent traditionnellement l’occasion de tirer un bilan de l’année écoulée. Les nombreux entretiens accordés par Jean-Claude Juncker fin 2011, ainsi que les interviews donnés par les ministres des Affaires étrangères et des Finances, Jean Asselborn et Luc Frieden, n’échappent pas à la règle. Or, l’année 2011 a été marquée par les turbulences sur les marchés financiers, la crise de la dette connue dans certains pays de la zone euro et ses conséquences. Il n’est donc pas étonnant que la crise et les solutions proposées pour lui faire face, notamment lors du sommet des 8 et 9 décembre dernier, aient pris une place importante dans ces entretiens.

Jean-Claude Juncker retient ainsi de 2011 "l’impression de beaucoup de confusion", comme il l’a confié à Max Lemmer sur les ondes de la radio DNR le 23 décembre 2011. Une remarque qui vaut tant pour la situation en Europe, dans le monde qu’au Luxembourg. Pour le Premier ministre, l’année 2012 "ne sera pas plus facile que 2011", ainsi qu’il l’a dit à Jay Schiltz, de la radio 100,7, le 31 décembre 2011. C’est donc la clairvoyance et le courage nécessaires selon lui pour mener une politique capable de laisser le pays sur des bases solides que le Premier ministre appelle de ses vœux.

 Pour l’actuel président de l’Eurogroupe, 2012 sera marquée par l’expiration de son mandat. "Si la présidence de l’Eurogroupe doit être exercée à temps plein, comme je l’ai proposé et comme le Conseil européen d’octobre en a retenu la possibilité, je ne suis plus disponible", a annoncé Jean-Claude Juncker au Luxemburger Wort dans son édition du 30 décembre 2011. Il lui faudrait sinon démissionner de son poste de Premier ministre, ce qui n’est pas "dans le spectre de ses plans pour les prochaines années". Quant à savoir comment sera organisé le mandat du président de l’Eurogroupe ensuite, la décision tombera en mai ou juin 2012.

Pour Luc Frieden, 2012 sera une année décisive pour l’euro

Pour Luc Frieden, qui répondait aux questions de Sanja Simic lors d’un entretien publié le 2 janvier 2012 dans les colonnes du Luxemburger Wort, à l’occasion du 10e anniversaire de l’euro, l’année 2012 sera "une année décisive" pour cette monnaie qui est à ses yeux bien plus qu’une monnaie. "Schengen et l’euro sont les symboles visibles de l’unité de l’Europe qui nous assurent la paix, la sécurité et le bien-être", a expliqué le ministre des Finances pour qui "une politique de croissance coordonnée et des finances publiques saines vont, par le biais de réformes difficiles, renforcer l’euro".

Comme il le répète à l’envi depuis de longs mois, la crise actuelle n’est pas une crise de l’euro, qui reste une monnaie stable et forte, a insisté une fois de plus Jean-Claude Juncker auprès des auditeurs de 100,7. Pour autant, cette crise omniprésente, Jean-Claude Juncker estime qu’elle est a une forme et une intensité sans précédent. Si la crise actuelle est si difficile à maîtriser, c’est, selon lui, qu’elle se compose d’une crise de la dette de certains pays, d’un affaiblissement de la conjoncture qui pourrait conduire à une récession en 2012, et d’une crise bancaire. "La crise de la dette et la crise bancaire conduisent à une telle concentration des problèmes que l’on ne sait par moments plus quel feu il convient d’éteindre d’abord", avoue ainsi le Premier ministre dans le Luxemburger Wort. Et comme il est très difficile de lutter contre les deux épicentres de crise en même temps, on peut avoir l’impression que la politique n’a pas de réponse globale toute prête à la crise globale, admet Jean-Claude Juncker qui juge tout aussi importante que la nécessaire consolidation budgétaire la mise en place d’une stratégie de croissance en Europe.

La coordination des politiques économiques n’est pas une promenade, met en garde Jean-Claude Juncker

Pour autant Jean-Claude Juncker estime, comme il l’a déclaré sur DNR, que, si toutes les mesures décidées lors du dernier sommet européen sont mises en œuvre rapidement et si on ne perd pas notre souffle, "cela devrait vraisemblablement passer". Mais le Premier ministre et président de l’Eurogroupe en appelle aussi à la responsabilité politique des institutions, mais aussi des gouvernements. En matière de coordination des politiques économiques, Jean-Claude Juncker a ainsi rappelé sur les ondes de 100,7 qu’il y a, depuis des années, des recommandations qui sont faites aux différents pays, sans que cela ait pour autant eu un effet décisif.

"Je constate qu’au Luxembourg aussi les recommandations faites par l’Eurogroupe et la Commission n’ont pas jusqu’ici suscité de grands débats", relève ainsi le Premier ministre qui rappelle que cela fait des années que le Grand-Duché est invité par exemple à modifier son système d’indexation des salaires. "Nous venons de le faire, mais pas seulement parce que l’Europe l’exige de nous du fait que nous sommes dans une Union monétaire, mais aussi parce que c’est bon pour notre économie", explique-t-il, avant de souligner que le Luxembourg est aussi invité depuis des années à changer son système de pensions, ce dont personne ne prend aussi intensément acte au Luxembourg d’après le Premier ministre. "La coordination des politiques économiques, ce n’est pas une promenade au cours de laquelle on s’amuse bien", résume-t-il ainsi pour dire combien lourde est la tâche.

Jean-Claude Juncker a d’ailleurs rappelé le 1er janvier 2012 devant les téléspectateurs de RTL que le plein respect du pacte de stabilité exige du Luxembourg un excédent budgétaire de 0,5 % du PIB pour 2014, un objectif qui va être repoussé après discussions à 2015-2016. "Nous devons savoir que, même si notre situation financière est bien meilleure que celle des autres, dans les 20,30 prochaines années notre situation risque de se dégrader de façon tout à fait dramatique en raison des contraintes que nous impose notre système de pension", met en garde le Premier ministre.

"Nous devons absolument respecter et continuer de défendre la méthode communautaire en Europe", plaide Jean Asselborn avec le plein soutien de son partenaire de coalition

Dans ce contexte, le sommet du 9 décembre 2011 a été largement commenté par les ministres.Sur le plan de la méthode notamment.

"Nous devons absolument respecter et continuer de défendre la méthode communautaire en Europe", plaide ainsi Jean Asselborn dans les colonnes du Lëtzebuerger Journal daté du 23 décembre 2011. Interrogé sur le duo "Merkozy", le ministre des Affaires étrangères explique que non seulement le Luxembourg, mais aussi bien d’autres pays, éprouvent une certaine crainte à l’idée que l’on s’éloigne de la méthode communautaire. Une inquiétude visiblement partagée par Jean-Claude Juncker qui a confié aux auditeurs de 100,7 que si la tendance à se mettre d’accord en dehors de la méthode européenne, communautaire se poursuivait, ce serait tout le mécanisme de décision de l’UE qui serait entamé. Il craint en effet, si la tendance persiste, que "les nouvelles gens qui animeront nos sociétés et gouverneront nos pays dans 20 ou 30 ans", ne soient plus en mesure de "retrouver la bonne méthode pour travailler ensemble". Un peu plus tard dans l’entretien, Jean-Claude Juncker explique que des arrangements entre les seuls gouvernements, sans le contrôle parlementaire nécessaire, ne sauraient être la voie à suivre. "Notre gouvernement démarche donc avec vigueur, avec le gouvernement belge et d’autres, pour assurer que tout ce qui a été décidé maintenant sur le plan intergouvernemental soit plus tard intégré au traité communautaire via un changement de traité", insiste ainsi le Premier ministre.

Jean-Claude Juncker estime que la position britannique lors de ce sommet ne signifie pas a priori que la Grande Bretagne prend pour autant "définitivement congé de tout ce qui a à voir avec l’unification européenne". Mais il a aussi mis en garde, sur les ondes de 100,7, contre la possibilité que ce qui s’est passé au sommet des 8 et 9 décembre 2011 puisse "faire école". "Les Britanniques ont déjà un opting out, comme les Danois d’ailleurs, sur l’euro. Les Britanniques et les Irlandais ont un opting out pour Schengen. La Pologne a un opting out en ce qui concerne la charte des droits fondamentaux", constate le Premier ministre luxembourgeois qui juge qu’à un moment, "il faudrait arrêter d’opt-outer".

Le nouveau traité contient "extrêmement peu de nouvelles règles", estime Jean-Claude Juncker, tandis que Jean Asselborn reste convaincu que sa ratification sera extrêmement difficile

Pour ce qui est du pacte budgétaire sur lequel se sont entendus les chefs d’Etat et de gouvernement le 9 décembre, Jean Asselborn estime que l’on aurait pu s’y prendre autrement, notamment sans que soit nécessaire une ratification de l’ensemble des Etats membres, un point sur lequel le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy a fait une proposition, comme le rapporte le ministre.

Le ministre des Affaires étrangères s’était exprimé avant le sommet contre une modification des traités. Il reste convaincu que la ratification sera extrêmement difficile. Et il a par ailleurs l’impression que les nuances entre sa position et celle du Premier ministre Juncker étaient limitées. Jean-Claude Juncker le rejoint d’ailleurs sur ce point quand il explique au Luxemburger Wort que, lorsqu’il s’exprime en tant que président de l’Eurogroupe, cela ne reflète pas à 100 % l’opinion du gouvernement luxembourgeois, ce qui ne conduit pas pour autant à des conflits. Jean Asselborn partageait son point de vue qui consistait à ne pas juger nécessaire une modification importante des traités, affirme ainsi le Premier ministre qui rappelle qu’il s’est toujours prononcé pour une modification limitée du traité.

Jean-Claude Juncker explique d’ailleurs sur les ondes de 100,7 que le nouveau traité contient "extrêmement peu de nouvelles règles". L’accord trouvé donne des précisions qui auraient pu selon lui être fixées par le droit secondaire. "Je n’appartiens pas à la catégorie des politiques européens naïfs", répond aussi le Premier ministre lorsque Jay Schilz lui demande si la signature de ce texte en mars va tout résoudre. "Un traité ne résout aucun problème", explique Jean-Claude Juncker : "il crée les conditions pour qu’un problème puisse peut-être être mieux traité, plus vite et plus en profondeur".

Le président de l’Eurogroupe, qui a l’impression, devant les hésitations qu’il a pu constater au cours des 18 derniers mois, que la crise n’a pas été bien comprise, dresse une liste rapide de ce qu’il aurait souhaité voir aboutir lors de ce sommet. Doter l’EFSF d’une licence bancaire par exemple, ou encore avancer en direction d’eurobonds. "Le paragraphe 7 des conclusions du Conseil européen des 8 et 9 décembre 2011 invite Monsieur Barroso, Monsieur Van Rompuy et moi-même à faire des propositions en matière d’eurobonds", a certes rappelé le Premier ministre, mais a-t-il aussi précisé, "le terme eurobonds n’a pas pu être évoqué en raison du risque d’infarctus politique en Allemagne". Il assure cependant que "le sujet reviendra", sans pour autant se faire d’illusions.

Une agence de notation européenne ? Jean-Claude Juncker est pour, sans pour autant en attendre de miracle

Lancé dans une critique sévère des agences de notation sur les ondes de DNR – si elles ont certes un rôle d’avertisseur, "il faut aussi mettre en garde contre les agences de notation et leur approche simplificatrice mégalomane", dit en bref le Premier ministre – Jean-Claude Juncker se dit pour une agence européenne de notation.

Un sujet sur lequel il dit mener des discussions. Pour autant, il prévient qu’une agence de notation européenne ne va pas arriver à la conclusion, juste parce qu’elle serait européenne, qu’il n’y a pas de problème dans la zone euro. A ses yeux, si une agence européenne se montrerait peut-être un peu plus sensible pour ce qui est du moment où elle prononcerait ses mises en gardes, elle n’en aurait pas pour autant nécessairement des évaluations globales extrêmement différentes. Ce qui a en effet contrarié Jean-Claude Juncker au cours de l’année 2011, c’est que les agences de notation ont toujours livré "leurs mises en gardes venimeuses juste après que des mesures d’austérité ont été décidées au Parlement d’un pays, juste avant une réunion importante, ou deux jours après une réunion importante".

Plaidoyer du Premier ministre pour "une responsabilisation financière du secteur financier", au nom de la justice sociale

Le Premier ministre plaide aussi pour l’introduction d’une taxe sur les transactions financières. "L’industrie de la finance doit contribuer dans une plus grande mesure qu’auparavant au financement de l’Etat social", estime en effet Jean-Claude Juncker qui rappelle que les contribuables et les Etats ont pris de grands risques en 2008 et 2009, et continuent de le faire en grande partie aujourd’hui. "Il n’est pas possible que l’industrie de la finance n’y contribue pas de façon substantielle", juge-t-il, et ce tout simplement parce que les produits financiers ne sont pas taxés. Faisant le parallèle avec la TVA, que tout un chacun trouve normal de payer sur des transactions du quotidien, Jean-Claude Juncker dit ne pas trouver normal que l’argent circule sur la planète à hauteur de 100 000 milliards par le biais de transactions financières qui ne sont pas taxées. En disant ne pas perdre de vue pour autant les intérêts de la place financière luxembourgeoise, Jean-Claude Juncker plaide pour une taxe "minimale" sur les transactions financières qui serait selon lui nécessaire en termes de justice sociale.

Pour autant, le Premier ministre se dit conscient des "problèmes objectifs qui se posent" et il rappelle donc son souhait que la taxe sur les transactions financières soit introduite au niveau mondial. A défaut, il appelle de ses vœux son introduction au niveau des 27. Sinon, il plaide pour une taxe sur les transactions financières au niveau des 17 pays de la zone euro. "Et si ce n’est pas une taxe sur les transactions financières, alors il faut une autre forme de responsabilisation financière du secteur financier", poursuit Jean-Claude Juncker. Sans pour autant mettre la place financière luxembourgeoise dans une position négative par rapport à la City londonienne.