Le 13 mars 2012, le ministère de l'Education nationale a publié son étude annuelle, la sixième du genre, sur le décrochage scolaire. Il en ressort que le Luxembourg est parvenu à honorer son objectif visant à maintenir sous la barre des 10 % la part de ses élèves qui "quittent l'éducation ou la formation en n'ayant achevé que l'enseignement secondaire du premier cycle ou moins et ne poursuivent ni études, ni formation", selon la définition de l'"abandon scolaire" reprise par la recommandation du Conseil européen du 28 juin 2011 concernant les politiques de réduction de l'abandon scolaire.
La réduction de l'abandon scolaire est en effet l'un des "objectifs phares" de la stratégie Europe 2020 qui entend atteindre un taux d’emploi de 75 % pour les femmes et les hommes âgés de 20 à 64 ans. Dans une communication de janvier 2011, la Commission européenne présentait la lutte contre l'abandon scolaire comme "une contribution essentielle" à cette stratégie visant une croissance intelligente, durable et inclusive. Six millions de jeunes arrêtaient alors prématurément l'école chaque année, soit environ 14 % de l'ensemble des élèves. Or, la sortie précoce du système d'éducation fait, selon les termes de la Commission, "obstacle à une croissance intelligente, durable et inclusive".
Couplée à la poursuite de l'objectif "qu’au moins 40 % de la jeune génération dispose d’un diplôme de l’enseignement supérieur ou d’un équivalent", la lutte contre l'abandon scolaire participerait à une croissance dite "intelligente", "en améliorant les niveaux de compétence", mais aussi "inclusive" "en s'attaquant à l'un des plus importants facteurs de risque de chômage et de pauvreté". Le chômage des jeunes qui atteignait alors 20 % en 2009, s'élevait à 52 % parmi les décrocheurs.
Selon l'étude publiée par le ministère de l'Education nationale, à l'issue de l'année scolaire 2009-10, 1 660 élèves avaient quitté l'école sans diplôme ni certificat. Le Luxembourg atteint ainsi un taux de 9 %, en rapportant le nombre de décrocheurs au nombre d'élèves entrés en classe de 7e. Ce résultat est égal à celui observé durant l'année scolaire précédente, soit "le niveau le plus bas depuis la première édition de l’étude, en 2003-2004", souligne le ministère de l'Education nationale dans son communiqué.
En effet, en 2003-04, le taux de décrochage était de 17,2 % et avait baissé à 14,9 % en 2004-05 puis 9,4 % en 2006-07. Ce taux de 9 % atteint donc l'objectif fixé par le gouvernement dans son programme national de réforme (PNR) adopté le 12 novembre 2010: maintenir le décrochage scolaire en-dessous des 10 %. Le Luxembourg figure ainsi dans le peloton de tête, constitué de huit pays ayant déjà atteint l'objectif moyen fixé par la stratégie Europe 2020.
L'étude s'intéresse aussi aux raisons d'un tel décrochage, par l'entremise de l’Action locale pour Jeunes (ALJ) qui entre en contact avec chaque décrocheur ou leurs proches pour connaître les motifs de l'abandon de l'école. Il ressort de cette enquête que
- 666, soit 40,1 % d'entre eux, étaient des "décrocheurs temporaires", dans le sens où ils se sont inscrits dans une autre école, au Luxembourg (pour 528 d'entre eux) ou à l’étranger (138), le plus souvent en Belgique.
- 596 (35,9%) étaient des "décrocheurs permanents": 158 avaient un emploi; 52 étaient inscrits dans une mesure d’emploi, 110 s’étaient réinscrits dans une école et ont à nouveau décroché et 276 étaient sans aucune occupation.
- 398 (24 %) n’avaient pas pu être joints malgré les efforts de l’ALJ. Le ministère estime que la "grande majorité" de ces élèves a "très probablement" quitté le pays.
Parmi les motifs les plus couramment évoqués pour justifier le décrochage, on retrouve l'échec scolaire ou l'anticipation d'un tel échec (dans 17,9% des cas), l'incapacité à trouver un poste d’apprentissage (11 %), un désintérêt pour la voie de formation choisie (11,1 %) ou encore des raisons personnelles, familiales ou financières (10,7 %).
Le ministère a identifié à partir de ces données plusieurs "groupes à risque" qui ne varient d'ailleurs pas par rapport à l'étude, présentée en 2011.
Le ministère observe par contre une tendance inversement grandissante dans le décrochage répété. 371 des 1 660 décrocheurs (22,3%) avaient déjà décroché au cours des années précédentes. Ce taux atteignait 20 % l'année précédente et 15% la pénultième.
Lors d'un débat à la Chambre des députés le 10 février 2011, la ministre de l'Education nationale avait évoqué trois mesures ayant contribué à la réduction du décrochage scolaire : "focalisation et médiatisation de la problématique du décrochage, suivi et prise en charge systématique des décrocheurs, offre de cours d’orientation et d’initiation professionnelles pour leur permettre de réintégrer les cursus normaux ou d’envisager une autre formation".
Certes satisfait de voir le taux de décrochage stabilisé dans la nouvelle édition de l'étude, le ministère entend toutefois le "réduire davantage", explique-t-il dans le communiqué de presse diffusé à cette occasion. Pour cause, "les conséquences du décrochage scolaire affectent autant les jeunes sur le plan individuel que la collectivité dans son ensemble. Souvent perçu comme un échec personnel, il est synonyme d’incapacité de remplir les exigences sociales fondamentales. Comme l’accès au marché de l’emploi s’avère souvent difficile pour ces jeunes sans formation complétée, le décrochage scolaire a aussi d’énormes conséquences sur le plan économique", rappelle le préambule de l'étude.
Le ministère entend ainsi agir par "des actions préventives, visant les racines du décrochage, notamment le suivi des élèves dès leurs premières difficultés". Ce serait "l’ambition des réformes scolaires en cours", dont la réforme des lycées qui "prévoit de généraliser le tutorat dans les classes inférieures".
Dans sa communication de janvier 2011, la Commission conseillait d'agir à trois niveaux : celui de la prévention par une éducation et un accueil préscolaires de bonne qualité, des mesures de discrimination positive dans les établissements défavorisés ou encore des parcours éducatifs flexibles ; celui de l'intervention qui repose notamment sur une meilleure collaboration avec les parents et la mise en réseau avec intervenants hors de l'école ; celui de la compensation avec les écoles de la seconde chance ou des aides financières ou d'autres types de soutiens visant à favoriser la réinsertion des jeunes dans l’enseignement ordinaire. C'est d'ailleurs au titre de cette dernière compensation que le gouvernement a ouvert en mars 2011, une école de la seconde chance.