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Énergie - Environnement - Santé
Déi Gréng présentent le bilan de leur troisième "stress-test" de la politique antinucléaire du gouvernement
09-03-2012


Le 9 mars 2012, à l'approche du premier anniversaire de la catastrophe de Fukushima, Déi Gréng ont présenté le bilan de leur troisième "stress-test" de la politique antinucléaire du gouvernement. Il en ressort que le parti écologiste considère cette politique comme "inconséquente et malhonnête".Henri Kox et Claude Turmes

Le député Henri Kox a d'abord commencé par revenir sur le stress-test auquel a été soumise la centrale de Cattenom pour souligner son manque d'exhaustivité déjà mis en exergue lors de précédentes prises de position, notamment pour ce qui est des différents matériaux et constituants de la centrale. Il constate que l'observateur des gouvernements du Luxembourg, de Rhénanie-Palatinat et de Sarre, Dieter Majer, recommande la fermeture de la centrale. Cette dernière permettrait de mener une inspection complète, étant donné que les déficits de sécurité seraient dans les faits plus importants que ceux relevés par le rapport. "Au vu des résultats du stress-test, la centrale de Cattenom devrait être fermée. Et elle devrait l'être définitivement", en déduit Henri Kox, allant ainsi plus loin que la fermeture provisoire demandée par les gouvernements du Luxembourg, de Rhénanie-Palatinat et de la Sarre, le 5 mars 2012.

Les adaptations techniques ne peuvent, aux yeux des Verts, être suffisantes pour pouvoir prolonger la vie de la centrale. "Dieter Majer ne peut pas garantir que la centrale de Cattenom pourra fonctionner durant soixante ans sans incident." "La politique luxembourgeoise doit clairement affirmer qu'on ne peut accepter ni le manque de sécurité ni l'adaptation de la centrale".

"Il y a une collusion entre ceux qui contrôlent et ceux qui exploitent les centrales nucléaires"

A une philosophie de sécurité insuffisante, s'ajoute selon Henri Kox le caractère douteux des contrôles effectués par l'Autorité de sûreté nucléaire française (ASN). L'incident survenu le 26 janvier en serait la parfaite illustration. Un déficit de ventilation n'aurait pas été relevé par l'ASN durant plusieurs décennies et à l'occasion de deux visites décennales. "Il y a une collusion entre ceux qui contrôlent et ceux qui exploitent les centrales nucléaires en France", dénoncent Déi Gréng.

Henri Kox constate que l'ASN concède, dans un rapport daté du 3 janvier 2012, qu'il n'est pas possible d'exclure tout accident. "La catastrophe survenue à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi confirme que, malgré les précautions prises pour la conception, la construction et le fonctionnement des installations nucléaires, un accident ne peut jamais être exclu."

Henri Kox s'oppose à toute "minimisation de la situation de la sécurité à Cattenom" : cette centrale a pour particularité d'être nichée au cœur d'un territoire peuplé par plus d'un million d'habitants. De surcroît, la perspective d'un accident majeur qui imposerait l'évacuation dans un rayon de 30 kms autour de la centrale signifierait pour le Luxembourg que "le fonctionnement de la vie politique et économique ne serait plus possible" puisque les trois premières communes, Luxembourg, Esch et Differdange sont comprises dans ce rayon.

Le député y voit une menace contre la souveraineté du pays, qui devrait pouvoir être opposée au danger que fait encourir la prolongation de la vie de la centrale nucléaire de Cattenom. "Tous les moyens politiques et juridiques devraient être employés pour obtenir la fermeture définitive de Cattenom", mais également des centrales belges de Chooz et Tihange, considèrent les Verts. Henri Kox invite le gouvernement à mener une enquête sur les moyens juridiques européens et internationaux, que ce soit en invoquant l'argument de la souveraineté nationale menacée ou en étudiant la légalité d'un prolongement de la durée de vie de la centrale nucléaire alors que, par exemple, l'enquête qui avait autorisé à l'origine sa construction ne mentionnait pas une si longue durée de vie.

"Nous allons à Paris pour défendre notre secret bancaire. Nous devons également y aller pour défendre notre existence"

Henri Kox attaque une nouvelle fois la position gouvernementale exposée le 5 mars 2012 en demandant à ce que la question fasse l'objet d'une initiative diplomatique plus engageante que celle exigée alors sous la forme d'un sommet de la Grande Région. Selon lui, une mission constituée de députés et de membres du gouvernement, en collaboration avec la Sarre et la Rhénanie-Palatinat, devrait se rendre directement à Paris auprès du président français et du gouvernement afin d'y étayer la revendication d'une fermeture. "Nous allons à Paris pour défendre notre secret bancaire. Nous devons également y aller pour défendre notre existence", a-t-il dit. Déi Gréng comptent Henri Koxprochainement déposer une motion en ce sens à la Chambre des députés.

Déi Gréng s'agacent donc du manque d'implication diplomatique du gouvernement mais aussi des contradictions qui se manifestent en son sein, notamment entre le ministre socialiste de la Santé, Mars Di Bartolomeo, qui a demandé la fermeture de Cattenom, et le ministre de l'Economie, tout aussi socialiste, Etienne Schneider, qui a évoqué l'idée que le Luxembourg pourrait se relier à une tranche d'une centrale nucléaire raccordée au Luxembourg, au profit notamment d'entreprises privées telles ArcelorMittal. L'argument avancé est celui du maintien de l'industrie. Les écologistes soulignent que c'est l'argument financier d'une énergie qui deviendrait ainsi moins chère qui en est le moteur. Or, le prix de l'électricité d'origine nucléaire ne prend pas en compte la gestion des déchets et fait porter les risques d'un accident aux contribuables. La politique gouvernementale sur l'énergie nucléaire serait ainsi "un jouet au service des intérêts des entreprises". Le député européen Claude Turmes invite les chefs de file des deux partis membres de la coalition, le Premier ministre Jean-Claude Juncker, et le président du parti socialiste, Alex Bodry, à rappeler à l'ordre leurs ministres respectifs. Ces derniers devraient être contraints à s'en tenir à l'accord de coalition des deux partenaires.

En finir avec le "mythe" ITER

Henri Kox voit également une contradiction dans la posture adoptée par le gouvernement sur la scène européenne vis-à-vis du projet de recherche du réacteur à fusion nucléaire ITER. Bien que le Premier ministre ait promis à la Chambre que le gouvernement n'apporterait pas de soutien au projet, les Verts n'ont pour l'heure constaté aucune opposition du Luxembourg, notamment lors de la planification financière pluriannuelle discutée à l'automne 2011. La matière étant votée à l'unanimité, le gouvernement aurait pu s'opposer à un crédit de 1,3 milliards d'euros. Ils soulignent encore que l'énergie nucléaire reçoit cinq fois plus d’aides financières que les énergies renouvelables et condamnent le fait que le gouvernement continue d'y investir à travers le budget communautaire. Déi Gréng invitent ainsi le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, à s'exprimer en faveur d'un veto durant les négociations actuelles sur les finances de l'Union européenne pour 2014-2020. En tout cas, pour les Verts, le projet ITER est "un mythe" dont la traduction finale par la mise en route d'une centrale sur ce modèle, n'interviendrait qu'après 2050, soit bien après les défis qui sont actuellement à relever.

Les dangers d'une dérogation accordée au Luxembourg quant à l'application de la directive sur l'efficacité énergétique

En tant que rapporteur au Parlement européen du projet de directive sur l'efficacité énergétique, le député européen Claude Turmes est directement concerné par les contradictions du gouvernement entre le niveau national et le niveau international. Adopté dans la Commission parlementaire de l'industrie le 28 février 2012, ce texte doit permettre à l'Union européenne d’être en mesure de respecter ses engagements en termes d'efficacité énergétique, à hauteur de 20 % d'ici 2020. Le texte est actuellement discuté par le Conseil.

Or, au sujet de l'article 6 de ladite directive, le gouvernement a fait la proposition que le Luxembourg puisse atteindre son propre objectif national en finançant l'assainissement énergétique dans d'autres pays. Claude Turmes en est d'autant plus agacé que "d'autres pays pourraient reprendre maintenant cette demande". "Je me demande quelle est la réaction des artisans et ingénieurs à cette posture", s'interroge l'eurodéputé. Cette position est à ses yeux d’autant plus erronée que le pays est dépendant d'importations de gaz et de pétrole et qu'il aurait tout intérêt à s'engager dans la lutte contre le réchauffement climatique, via l'efficacité énergétiqueClaude Turmes mais aussi les énergies renouvelables.

La menace du lobby du nucléaire

En effet, la directive sur l’efficacité énergétique va de pair avec celle de 2009 sur les énergies renouvelables, et sur celle-ci, une menace pèse aussi, s’inquiètent les Verts. Il s'agit d'atteindre l'objectif pour 2030 d'une part de 20 % d'énergies renouvelables dans l'énergie consommée. Or, "grièvement atteint après la catastrophe de Fukushima", par des financements à hauteur de 6,6 milliards d'euros dans les projets ITER français et finlandais qui accusent de graves difficultés mais aussi par le fait que les agences de notation aient baissé la note du Français Areva à BB-, le "lobby du nucléaire" chercherait à transformer le texte afin qu'il devienne "favorable au nucléaire".

Claude Turmes condamne en la matière l'activité du président français, Nicolas Sarkozy, lequel a réuni, le 12 février 2012, quinze ministres européens de pays favorables au nucléaire, afin de réfléchir à la manière d'influencer la politique européenne pour que de nouvelles centrales nucléaires puissent continuer à être vendues. La directive prévoit en effet que l'énergie nucléaire n'appartienne pas aux mesures relevant des énergies renouvelables. Mais le lobby nucléaire essaierait d'en changer la teneur en y remplaçant le terme d'énergies renouvelables par celui d'"énergies décarbonées".

Le gouvernement devrait en conséquence changer sa position dans les négociations sur la "directive efficacité énergétique" mais également s'employer contre le lobby du nucléaire en lançant une initiative diplomatique en ce sens. Il déplore que, pour l'heure, le Luxembourg n'ait pas, en tant que pays antinucléaire, pris d'initiative avec d'autres pays défavorables à cette énergie tels l'Autriche, afin d'organiser une riposte. "Nous avons besoin d'un veto absolu", a-t-il fait savoir.