Le 28 février 2012, les eurodéputés de la commission Industrie, Recherche et Energie ont pris position au sujet de la directive sur l’efficacité énergétique, une proposition mise sur la table par la Commission européenne en juin 2011 de laquelle Claude Turmes (Verts/ALE) a été nommé rapporteur au Parlement européen en juillet 2011. C’est maintenant au tour du Conseil de donner mandat à la présidence danoise afin d’entamer les négociations avec le Parlement européen sur ce texte jugé essentiel au regard des ambitions de l’UE en matière d’économies d’énergie dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. La première réunion du trilogue sur ce dossier est prévue dès le 11 avril 2012.
Le 3 avril 2012, la présidence danoise s’est vu donner son mandat en vue de ces négociations. C’est ce que rapporte le site Euractiv.com dans un article daté du 5 avril 2012 qui se fait l’écho des critiques de certaines ONG au sujet de ce mandat obtenu après de rudes discussions entre les représentants des Etats membres. Le mandat est décrit comme "faible" et "vague" par les militants approchés par Euractiv, les Etats membres ayant selon eux "affaibli les principales dispositions du projet de directive".
"Les Etats membres ont affaibli le texte de façon drastique : il est tout simplement impossible que leur version de la directive puisse permettre d’obtenir l’objectif de 20 % d’économies d’énergies", juge Erica Hope, de Climate Action Network Europe (CAN-E), une fédération d’ONG environnementalistes. "Le texte est si flexible qu’il est désormais dénué de tout sens", ajoute-t-elle encore.
Monica Frassoni, présidente de l’Alliance européenne pour les économies d’énergie (EU-ASE), organisation rassemblant entreprises multinationales, politiques et militants dans le but de soutenir l’efficacité énergétique en Europe, évalue qu’avec ce texte, l’UE reverrait à la baisse ses ambitions en termes d’économie d’énergie de près d’un tiers.
D’après Euractiv, la Belgique et l’Irlande ont compté parmi les plus réticents à donner à la présidence danoise le mandat de conduire les négociations avec le Parlement européen, tandis que l’Allemagne, l’Autriche, la France et le Luxembourg ont fait fort de limiter la portée de certaines dispositions clefs du projet de directive. Ce mandat présenté comme "exploratoire" implique que les Etats membres restent ouverts à des discussions ultérieures et que la présidence danoise va faire rapport aux représentants des Etats membres de ses réunions informelles et techniques avec le Parlement européen.
Monica Frassoni relève l’attitude "trop prudente" du Conseil sur le sujet, qu’elle explique par sa volonté d’avoir une position de négociation forte vis-à-vis du Parlement. Mais, souligne-t-elle, "ils sont en désaccord sur presque tout avec le Parlement".
Le texte voté au Parlement européen laisse aux Etats membres la possibilité de choisir leurs objectifs contraignants dans le cas où les mesures proposées sont trop rigides pour être adaptées au niveau national. Mais dans le mandat donné à la présidence danoise, les Etats membres demandent à ce que les objectifs ne restent qu’indicatifs et, s’ils maintiennent la plupart des mesures contenues dans le texte, ils les ont "plafonnées", explique Monica Frassoni. "Cela crée des limitations dans la portée du texte et des échappatoires", dénonce-t-elle.
Ainsi par exemple, la proposition de rénover chaque année 3 % des bâtiments publics a été maintenue. Mais, selon Euractiv, les Etats membres ont demandé à ce que cette disposition ne s’applique qu’aux bâtiments détenus, mais aussi occupés, par des organismes publics, ce qui réduit considérablement le nombre de bâtiments concernés par cette disposition.
Une autre demande des Etats membres assouplirait les obligations d’économies d’énergie des distributeurs en rendant plus flexible leur mode de calcul. Ainsi, alors que le Parlement soutient l’idée d’engagements annuels d’efficacité s’appliquant aux sociétés de détail et aux distributeurs d’énergie, équivalent à 1,5 % de leurs ventes d’énergie, le Conseil proposerait, selon les informations du site www.europolitique.info, d’introduire un taux progressif pour atteindre l’objectif de 1,5 % pour les Etats membres. "Cela impliquerait d’économiser 1 % d’ici 2015, 1,25 % jusqu’à la fin de 2017 et 1,5 % en 2020, pour un taux d’économies de quelque 1,3 % sur l’ensemble de la période", explique l’auteur de ce billet daté du 3 avril, Tamás Kugyela. Euractiv indique par ailleurs que les grandes entreprises de détail participant au système communautaire d’échange de quotas d’émission (EU ETS) pourraient déduire 40 % de leurs économies d’énergie des obligations qui leur incombent dans le cadre de l’ETS.
Le seul espoir exprimé par Monica Fassoni est donc que le Parlement arrive à "remettre quelque chose ressemblant à de l’ambition et du contenu" dans l’accord qu’il va falloir trouver avec le Conseil. "La vraie lutte entre le Parlement et les Etats membres va commencer à partir de maintenant et va durer jusqu’en juin", a confié à Euractiv Claude Turmes, qui avait déjà interpellé le gouvernement luxembourgeois dans une lettre datée du 15 mars 2012.
Les inquiétudes des ONG portent notamment sur l’ambition affichée par la présidence danoise d’obtenir un accord d’ici la fin du semestre, c’est-à-dire avant le 1er juillet 2012. "Ma crainte est qu’ils acceptent tout de façon à avoir une directive à tout prix", a confié Monica Frassoni à Euractiv. A ses yeux, arriver à avoir une directive ambitieuse pourrait prendre du temps, ce qui limiterait donc les chances de la présidence danoise de pouvoir se targuer d’avoir arraché un accord. Elle espère donc que la présidence danoise ne perdra pas de vue l’objectif principal de la directive, qui est de rattraper le retard pris en matière d’économies d’énergie.