Dans une lettre qu'il lui a envoyée le 15 mars 2012, l'eurodéputé écologiste Claude Turmes prie le Premier ministre, Jean-Claude Juncker, de s'employer à ce que le gouvernement ne mette pas en danger la proposition de directive sur l'efficacité énergétique dont il est le rapporteur. Cette proposition entend permettre à l'Union européenne de se rapprocher de son engagement pris dans le cadre des négociations sur le climat, qui est que 20 % d'énergie primaire soient économisées d'ici 2020 à travers l'amélioration de l'efficacité énergétique.
Le texte a pu être adopté par la commission de travail Industrie du Parlement européen le 28 février 2012 et fait l'objet désormais de discussions au sein du Conseil.
L'eurodéputé commence sa lettre rédigée en allemand en mettant le gouvernement luxembourgeois face à ses contradictions. "Le gouvernement, à travers de nombreuses prises de position publiques, rend attentif à la haute importance qu'il faudrait accorder à l'efficacité énergétique dans le cadre de la lutte contre la pauvreté liée aux prix de l'énergie et de l'implication en faveur d'une protection plus forte du climat et davantage d'innovation" rappelle-t-il d'abord. Pour mieux déplorer ensuite qu'au sein du Conseil, "le Luxembourg est devenu l'un des plus dangereux opposants à cette nouvelle directive".
Pour cause, le gouvernement y aurait proposé une modification de la directive qui l'"affaiblit hautement". Sa revendication consiste à ce que des mesures d'efficacité énergétique menées par un Etat membre à l'étranger puissent être décomptées en vue de la réalisation de son objectif national. Cette position créerait une "brèche" dans l'architecture de la directive et en menacerait l'objectif originel. "En pratique cela provoquerait la naissance d'un commerce européen de certificats d'efficacité à la définition floue", dénonce Claude Turmes.
L'eurodéputé comprend d'autant moins cette position qu'elle aurait des conséquences néfastes pour l'industrie, l'artisanat et les citoyens du Luxembourg. Le gouvernement dépenserait l'argent des contribuables à l'étranger quand il y aurait au contraire lieu d'investir dans le tournant énergétique du Luxembourg, lequel serait vecteur d'innovation dans l'industrie, de nouvelles opportunités pour l'artisanat et de protection des ménages contre la pauvreté liée aux prix élevés de l'énergie. Cette dernière pauvreté est d'autant plus menaçante, ajoute l'eurodéputé, dans un pays qui, comme le Luxembourg, est "fortement dépendant" des importations de gaz et de pétrole.
Reprenant un argument déjà présenté lors du 3e stress test du gouvernement mené par Déi Gréng, Claude Turmes ajoute que l'efficacité énergétique est également "l'instrument le plus important" dans la lutte contre la poursuite de l'aventure nucléaire. En conséquence, "si le gouvernement veut être un pionnier dans la lutte contre la centrale nucléaire de Cattenom, il doit soutenir fortement cette directive." Combinée à la directive sur la promotion des énergies renouvelables 2009, cette directive rendrait "superflu" tout nouvel investissement dans les centrales nucléaires.
Au vu de ces arguments, Claude Turmes partage son impression que le gouvernement "n'est pas conscient des dommages politiques qu'engendre sa position actuelle au Conseil". Il fait remarquer au Premier ministre que cette posture place le Luxembourg du côté de la Pologne et de la "posture de blocage" de ce pays qui s'exprime "contre tout objectif clair de protection du climat". De même rend-elle plus difficile les discussions entre le Parlement européen et "la présidence danoise progressiste de l'Union européenne".
En conclusion de sa lettre, l'eurodéputé en appelle à "la sagesse et la responsabilité du gouvernement", afin qu'il revienne sur sa position et qu'il le "soutienne avec force", lui, Claude Turmes, en tant que rapporteur de ladite directive. Claude Turmes rappelle que son rapport a été adopté à la faveur d'un large consensus réunissant les différents partis. "Nous pouvons appliquer des mesures prometteuses pour plus d'emploi, davantage de protection du climat et des prix de l'énergie abordables", affirme-t-il. Et pour convaincre davantage, il se dit disposé à discuter plus en profondeur de la question.