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Discours sur l’état de la nation 2012 : Les groupes politiques à la Chambre cherchent leurs marques dans un cadre décisionnel européen
09-05-2012


Le 9 mai 2012, la Chambre des députés a discuté le discours du Premier ministre Jean-Claude Juncker sur l’état de la nation que ce dernier avait prononcé la veille.

Marc Spautz : Un appui presqu’inconditionnel au gouvernement dans le "cadre décisionnel européen

CSVMarc Spautz, qui a pris la parole au nom du groupe politique CSV, le parti du Premier ministre, a d’emblée placé toutes les décisions à prendre pour le futur du Luxembourg "dans le cadre décisionnel européen", à l’instar de ce qu’il avait déjà fait lors du débat à la Chambre sur le programme national de réformes (PNR) fin mars 2012. En même temps, "ces mesures doivent s’adapter aux données macroéconomiques nationales, et celles-ci ne nous laissent plus que peu de marges de manœuvre." Le porte-parole a fait ensuite sienne l’affirmation que les chiffres du Luxembourg dans le domaine des systèmes de pensions sont parmi les plus mauvais de l’UE, donnant ainsi crédit à la thèse de la Stiftung Marktwirtschaft sur la dette cachée, mise en avant par le président de la BCL lors de sa conférence en décembre 2011, mais rejetée par la Chambre des salariés. Affirmer cela ne relève pour l’ancien syndicaliste en rien du néolibéralisme.

Le système de pensions luxembourgeois basé sur la répartition a des réserves qui sont selon Marc Spautz minées par plusieurs périls : le changement démographique, le fait que la vie active débute souvent plus tardivement et que la longévité des personnes conduit à ce qu’ils perçoivent plus longtemps une pension. Il ne suffit donc pas de mettre plus d’argent dans le système pour qu’il marche durablement. Au nom du CSV, Marc Spautz a donc prôné, sans trop préciser, des mesures autres que des hausses de cotisations pour assurer la durabilité du système.        

Comme le gouvernement, il est pour mettre fin à une hausse des dépenses de l’Etat et pour que l’équilibre des finances publiques soit rétabli à court terme, cela pour préserver le contrat intergénérationnel et éviter l’implosion de la société luxembourgeoise. Pour y parvenir, il défend un "mix" entre des mesures de consolidation budgétaire et des mesures fiscales assorti de réformes structurelles et d’investissements orientés vers le futur. Les mesures proposées par le gouvernement correspondent selon lui à ces exigences dans un contexte de crise.

Dans un discours axé sur la défense des entreprises et de leur contribution à l’assainissement des finances publiques, Marc Spautz a posé la question "quel est l’institut financier ou la banque ici au Luxembourg qui serait responsable pour la crise financière qui a ébranlé l’économie mondiale ? Et ne sont-ce vraiment que les banques et instituts financiers qui sont responsables ? N’est-il pas ainsi que derrière les banques et la spéculation, il y a des êtres humains ? Des gros et des petits actionnaires, des gros et des petits clients ? Alors, de qui parle-t-on ? Des déclarations qui généralisent n’apportent rien à la solution de nos problèmes ni ne contribuent au débat sur notre situation budgétaire." Et ici, a mis en garde Marc Spautz, quand on a recours à des impôts qui grèvent les entreprises, "il faut toujours avoir à l’œil la concurrence de l’étranger".

Exprimant son accord avec les grandes mesures proposées par le gouvernement, Marc Spautz a fait un éloge appuyé de l’accord trouvé avec la CGFP sur la fonction publique. Une autre idée a émergé de ses propos: la mise en place d’un système fiscal qui ne serait plus couplé à l’institution du mariage, mais au nombre des enfants. Reste que pour lui toutes les mesures envisagées par le gouvernement ne suffiront pas selon lui au-delà de 2013. D’autres mesures devront donc être envisagées.

Claude Meisch se demande si les politiques de rigueur prescrites par l’UE sont tenables sur le plan démocratique et appelle le gouvernement à sortir d’une logique purement comptable

dpClaude Meisch, qui parlait au nom de la DP, n’a pas mâché ses mots pour critiquer le gouvernement. Il a commencé par souligner qu’il n’est pas possible de faire le point sur la situation au Luxembourg sans regarder un peu plus loin. Et il n’est pas possible de le faire non plus sans prendre en considération la crise financière, dans la mesure où le secteur financier est toujours fragile, mais aussi la crise économique, certains pays de l’UE faisant face à une profonde récession. Il s’agit de ne pas perdre de vue non plus la crise de la dette : après les élections grecques, Claude Meisch se demande en effet si les politiques de rigueur prescrites par l’UE sont tenables sur le plan démocratique.

Tout cela a un impact direct sur le Luxembourg, car si les pays du Sud ne peuvent tenir la rigueur qui est de mise, si l’on ne peut les garder dans l’Euro, cela aura des conséquences sur les engagements du Luxembourg dans l’ESM et l’EFSF, mais aussi, plus largement, sur la place financière et la politique d’exportation du pays. "Il y a un an de cela, j’avais appelé à une stratégie de croissance pour l’Europe, et notamment pour le Sud de l’Europe", a rappelé Claude Meisch. Pour lui les réformes difficiles qui sont requises sont nécessaires, mais sans impulsions de croissance concrète, il ne voit pas comment il sera possible de sortir de la crise. Le risque est en effet que les réformes structurelles demandées, si elles ne sont pas tenables démocratiquement, ne puissent pas être menées Claude Meisch a insisté sur l’urgence qu’il y a pour l’UE à s’en préoccuper. Car si le Sud devait déraper, cela impliquerait l’échec du projet européen, la misère sociale, mais aussi l’instabilité politique. Sans consolidation, une croissance durable n’est pas possible. Mais l’essentiel est, aux yeux de Claude Meisch, de parvenir à renforcer la confiance par des réformes structurelles intelligentes.

Et cela vaut aussi pour le Luxembourg, qui ne peut pas se permettre de faire comme si de rien n’était dans cette tempête. Dans les débats des dernières semaines, il a beaucoup été question de prévisions et de chiffres. Mais Claude Meisch appelle, dans ce contexte, à se concentrer sur les faits : un budget de l’Etat central déficitaire, des emprunts à hauteur d’un milliard par an, une explosion des dépenses alors que certaines recettes sont appelées à disparaître, un chômage qui atteint des records, notamment chez les jeunes, et un énorme besoin d’investissements dans les transports publics et les infrastructures.

Pour le député de la DP, nombre de ces problèmes existaient avant que n’explose la crise. Il en était déjà question en 2006, et le gouvernement avait alors engagé des réformes pour y faire face. Mais quels en sont les résultats, les objectifs ont-ils vraiment été atteints ? Entretemps, loin d’être résolus, ces problèmes, pour beaucoup "faits maison", sont devenus plus conséquents, s’inquiète Claude Meisch.

Le député a ainsi mené une attaque en règle contre le "chaos gouvernemental" et une "politique qui a mené au déficit". À ses yeux, le gouvernement, en renonçant à des mesures vraiment politiques, a perdu toute crédibilité et ne saurait inspirer la moindre confiance.

Lorsqu’il analyse les mesures de consolidation présentées par le gouvernement, Claude Meisch appelle à sortir d’une logique purement comptable, à s’assurer de l’efficacité des réformes, du bien-fondé des mesures, et surtout des choix politiques qu’il s’agit de faire. A ses yeux, il ne s’agit pas d’un paquet de consolidation, mais d’un paquet fiscal.

Ainsi par exemple, il ne se réjouit pas d’une augmentation de l’impôt de solidarité qui va "financer la politique de l’emploi inefficace du gouvernement", alors qu’il faudrait mener un vrai débat sur le marché de l’emploi. De même, il ne voit pas d’un bon œil l’idée d’un impôt minimal sur les entreprises, dans la mesure où cette mesure n’est pas sélective. Là aussi, Claude Meisch aspire à un débat plus vaste sur l’imposition des entreprises qui tiendrait compte des potentiels de croissance et de création d’emplois. Pour ce qui est de l’ajustement des pensions, il s’agissait là d’une idée défendue par la DP de longue date, et Claude Meisch regrette que, plutôt que de reporter cet ajustement, on ne le remette pas en question dans la réforme des pensions à venir.

Au-delà du screening des dépenses, il faut passer en revue les politiques, exige la DP. Ainsi, face à une politique fiscale basée sur des recettes incertaines et sur des niches fiscales et accompagnée de subventions finançant toute sorte de choses et leurs contraires, la DP appelle de ses vœux une réforme fiscale à la fois favorable à la croissance et socialement juste. Une condition pour pouvoir discuter des questions de fiscalité au-niveau européen.

En bref, la DP appelle le gouvernement à faire des choix et à présenter une ligne politique claire jusqu’à 2014 plutôt que de venir chaque année avec de nouvelles mesures pour quelques petites économies.

Pour ce qui est de la croissance, Claude Meisch a mis en garde le gouvernement. Si la dette continue d’augmenter, cela laissera une marge de manœuvre toujours plus serrée aux générations à venir. Pour stimuler la croissance, il faut investir dans les infrastructures, et pour ce faire, il faut des priorités claires, préconise la DP qui se réjouit de voir l’importance accordée à la mobilité, à l’éducation, à l’université et à la recherche. Mais il faut aussi une stratégie de croissance concertée. Car ce que demande la DP, c’est "un paquet pour l’avenir".

Lucien Lux  a salué la "fin de l'ère Merkozy", se dit opposé à l'austérité et prône une "nouvelle culture des recettes", en complément à la nouvelle culture des dépenses défendue par Luc Frieden

 

LSAPLe président de la fraction parlementaire socialiste s'est satisfait du travail de la coalition CSV-LSAP qui n'a "pas mené de politique d'austérité, ni dans la fonction publique où au contraire il y a un renforcement du personnel et des services, ni dans le système social, ni même dans la politique d'investissement. "Nous avons depuis le début emprunté la voie que nous exigeons pour toute l'Europe." Et le mérite en revient surtout au LSAP qui "est le partenaire de coalition, qui s'est le plus opposé à l'austérité". 

Lucien Lux salue dans le même sens l'élection française qui signifie la "fin de l'ère Merkozy". Il souhaite que l'Europe profite de ce "moment" pour compléter son pacte fiscal avec un pacte d'investissement et de croissance. Il met en garde contre toute tentative de dérégulation ou de flexibilisation qui pourrait intervenir dans ce contexte. Il se satisfait ainsi "du discours résolument européen" tenu par Jean-Claude Juncker et cautionne son tryptique  consolider - réguler – croître, lequel passe par le recours à des moyens européens et à la Banque européenne d'investissement.

Concernant la situation financière du pays, Lucien Lux considère que le gouvernement se déplace sur une bande étroite où il s’agit de concilier consolidation et défense de l'Etat social.

Il est d'accord avec les objectifs de résorption du déficit budgétaire.

L'objectif visant à revenir à l'équilibre en 2014 ne sera certes pas atteint. "Le LSAP a toujours dit que l'équilibre en 2014 était un objectif mais qu'il n'était pas sacro-saint", rappelle-t-il. Toutefois, il faut contrôler la forte hausse du déficit, qui doit passer de 6,7 % en 2007 à 26 % en 2015, avec un service de la dette qui aurait alors progressé de 89 à 328 millions dans le même temps, en raison des trois emprunts d'un milliard nécessaires en 2012, 2013 et 2014. "Epargner n'est pas un objectif en soi, mais un moyen. Seul un Etat qui a une marge de manœuvre financière est capable d'agir."

Le LSAP invite également à une "nouvelle culture des recettes", en complément à la nouvelle culture des dépenses prônée depuis plusieurs mois par le ministre des Finances, Luc Frieden. Lucien Lux souligne que 83 % des sociétés à capital ne paient plus d'impôt sur le revenu des collectivités. IL prêche pour l'augmentation l'impôt de solidarité.  Il considère par ailleurs, que dans la prochaine législature, une grande réforme fiscale sera inévitable.

Pour autant, Lucien Lux souligne l'importance de l'Etat social et de la notion de justice à laquelle les socialistes veulent donner un nouveau souffle. Ainsi, appellent-ils à une  "nouvelle culture de la justice" qui orienterait toute décision en fonction de cette exigence, de même à une défense de droits sociaux plutôt qu'une mise en place d'une politique de l'aumône. Parmi les catégories les plus exposées, il cite les parents qui élèvent seul leur(s) enfant(s), les ménages avec trois enfants et plus, les hommes célibataires. Le nombre des bénéficiaires du RMG a progressé de 8000 en l'an 2000 à 18000 aujourd'hui, souligne-t-il encore. Toutefois, les classes moyennes ne doivent pas être exclues de la redistribution.

Il fait remarquer que le risque de pauvreté augmente avec la hausse des prix du logement et qu'après avoir parié sur le soutien à la demande par des subsides qui "sont allés dans les poches des promoteurs", il s'agit désormais de stimuler l'offre alors qu'il manque 26 000 logements sociaux selon la Caritas. Ainsi, l'Etat pourrait préempter des terrains.

La croissance et la création d'emplois sont des éléments décisifs aussi pour mener ces combats. Pour cela, il faut appliquer les cinq priorités fixées par le gouvernement dans le PNR : recherche et innovation, éducation, énergie, emploi et inclusion sociale.

Lucien Lux considère que les socialistes au gouvernement ont démontré leur capacité à mener des réformes structurelles et ainsi à participer au maintien sinon l'amélioration de la compétitivité. Ainsi nomme-t-il les réformes du système de santé, de la fonction publique, de l'école ainsi que la modulation temporaire de l'indexation. La réforme des pensions actuellement en discussion relèverait elle aussi de l'audace : "C'est une voie équilibrée. C'est évident que les gens qui vivent cinq, six, sept années de plus ne voient pas leur retraite calculée avec le même agrégat qu'il y a trente ans. Ca ne peut pas aller. Les gens le savent. Nous leur faisons une offre favorable, aux gens ensuite de décider. "

Lucien Lux appelle par ailleurs à une définition large de la compétitivité, dans laquelle la "paix sociale" est un critère de premier choix. Il considère que la compétitivité du Luxembourg est "intacte". En effet, le pays est toujours bien placé dans les classements internationaux en la matière. Le député socialiste fait remarquer que les pays disposant d'un Etat social fort, comme la Suède, le Danemark, la Finlande et la Suisse, sont toujours en haut dans les classements. Cela démontre que "de hauts standards sociaux et une haute compétitivité ne s'excluent pas."

De même, il souligne que le Luxembourg est très bien placé en termes de coûts sociaux du travail. Selon une étude du 24 avril 2012 du Service allemand de statistiques le coût horaire du travail y est de 29,6 euros, contre 34,3 en Allemagne, 35,6 en France et 40,6 en Belgique. De même, pour 100 euros de bénéfices, les charges liées au travail s'élèvent au Luxembourg à 15 euros, en Allemagne à 28, en France à 50, dans l'Eurozone à 36 euros.

Il souligne encore que le Luxembourg dispose dans la Grande Région, du temps de travail le plus long, de conditions fiscales attractives pour les entreprises et les personnes physiques qui donnent des avantages au Luxembourg.

Enfin, Lucien Lux voit un moyen d'améliorer la compétitivité dans la réduction de la longueur et la simplification des procédures pour ce qui est notamment de l'aménagement du territoire. "Des chemins courts et des procédures efficaces comptent parmi le peu d'avantages sur lesquels nous pouvons encore décider nationalement et souverainement", fait-il remarquer. C'est la deuxième fois que Jean-Claude Juncker hisse ce sujet au rang de priorité: "Il faut que ce soit la bonne, que chaque responsable politique ou administratif sache que toute décision repoussée nuit à la compétitivité", considère le député.

François Bausch (Déi Gréng) s’en prend à "une navigation à vue chaotique" et à un "Jean-Claude Juncker (qui) dit une chose en tant que chef de l'Eurogroupe, mais son ministre des Finances dit, au nom du Luxembourg, le contraire."

déi GréngFrançois Bausch a commencé sa tirade en exposant les enseignements à tirer des trois élections du 6 mai 2012 (Italie, Grèce, France). Si elles marquent toutes trois la désaffection pour un "style politique" qui détourne la fonction politique "pour se servir soi-même plutôt que de servir les citoyens", elles illustrent également "le rejet d'une austérité partiale".

"Les citoyens ne comprennent pas qu'une politique soit menée sous l'impulsion de quelques Etats", a souligné encore le député écologiste en dénonçant "l'arrogance et la suffisance" de Nicolas Sarkozy. "Les citoyens européens sont prêts à ouvrir de nouveau les bras, si on leur offre une vision positive. La vision d'une Europe qui ne s'oriente pas seulement en fonction du désir du monde financier et des banques mais qui s'attaque au chômage et à la précarité sociale tout en investissant dans le développement durable".

Le député écologiste considère que ces valeurs sont aussi celles prônées par le nouveau président français. Ainsi, la nouvelle séquence politique qui s'ouvre en France fait figure de "test pour l'Europe". Si le président français échoue, alors "le peuple d'extrême-droite s'en prendra aux institutions démocratiques", parie-t-il.

François Bausch doute de la crédibilité du Premier ministre lorsque, durant son discours sur l'Etat de la nation, il a affirmé être sur la même longueur d'onde que François Hollande. Juncker souhaite ainsi comme ce dernier une stratégie de développement durable pour l'Europe fondée notamment sur un pacte de croissance et la mutualisation des risques liés à la dette via les eurobonds. Toutefois, "le ministre des Finances et son successeur désigné défendent le contraire en permanence au conseil des ministres Ecofin à Bruxelles".

De surcroît, le ministre des Finances, Luc Frieden, serait "le meilleur élève des alliés les plus proches de madame Merkel, qui fait tout pour bloquer une stratégie de croissance durable soutenue par des moyens financiers européens". "Jean-Claude Juncker dit une chose en tant que chef de l'Eurogroupe, mais son ministre des Finances dit, au nom du Luxembourg, le contraire"

Concernant la situation financière du Luxembourg, François Bausch considère qu'elle est le résultat d'une politique gouvernementale incohérente. Il articule sa critique notamment autour du "problème dans les recettes". Celui-ci serait à résoudre par la mise sur pied d'un système fiscal plus équilibré en termes écologiques et sociaux qui renforce la capacité d'investissement de l'Etat et qui œuvre à davantage de justice dans la redistribution.

François Bausch critique la baisse massive d'impôts opérée par le parti chrétien-social depuis 1990. La plus spectaculaire d'entre elles est celle opérée en 2001-02, quand le CSV était en coalition avec les libéraux, en 2001/02. Les recettes étatiques perdaient alors une entrée annuelle de 40 milliards d'anciens francs luxembourgeois (NDLR: environ un milliard d'euros actuellement).

Il dénonce l'absence de stratégie gouvernementale pour compenser les 500 millions de recettes qui à partir de 2015. Bausch considère qu'il ne faut pas attendre les prochaines élections pour agir. Il serait possible d'employer cet argent durant les deux dernières années de sa perception à des projets tournés vers l'avenir.

"Ce gouvernement s'est trop longtemps reposé sur la vache à lait qu'est le secteur financier." Bausch reproche l'absence de diversification économique, de stratégie et ironise sur la création récente d'un fonds pour le futur, "quand la vache n'a plus de lait à donner".

Du côté des dépenses, il y aurait lieu de placer des priorités dans les investissements. La réalisation d'infrastructures sportives telles que le vélodrome devrait être différée. Il faudrait encore freiner les coûts de fonctionnement de l'Etat. "Nous devons également analyser le degré d'efficacité et la sélectivité de différents transferts sociaux. "

Il ironise sur la "course en zigzag du gouvernement" concernant les chèques services créés malgré la crise avant l'échéance électorale de 2009. En 2008, Juncker soulignait que l'objectif à long terme était la gratuité de la prise en charge des enfants.  Aujourd'hui, le gouvernement recule sur cette mesure. François dénonce "une navigation à vue chaotique" qui a pour conséquence qu' "on recherche autant que possible des coupables afin de détourner de cette politique désastreuse. On en a déjà eu la preuve hier quand le Premier ministre est tombé dans le populisme primitif, au lieu de proposer des solutions. (…) Nous perdons un temps précieux."

Pour Gast Gibéryen, le Luxembourg est confronté à un problème non des recettes, mais des dépenses

ADRGast Gibéryen, qui s’exprimait au nom de l’ADR, s’est livré à une attaque en règle contre la politique du gouvernement. La déclaration du Premier ministre lui est apparue comme une "déclaration de résignation", notamment au vu de la lecture qu’il a faite a posteriori de toutes les déclarations de Jean-Claude Juncker sur l’état de la nation. Les problèmes constatés de façon systématique au fil des ans ont grossi d’année en année, et pour Gast Gibéryen, qui dénonce "un échec sur toute la ligne" de la politique menée par Jean-Claude Juncker, "la réalité de cet échec apparaît maintenant qu’il n’y a plus autant d’argent".

Premier constat du député ADR, malgré les prévisions de croissance établies dans la 13e actualisation du Programme de stabilité et de croissance, qu’il juge "extrêmement positives", et malgré les mesures de consolidation annoncées, le déficit va rester jusqu’en 2014. Pourtant, rappelle Gast Gibéryen, en citant la déclaration du Premier ministre de 2011, le Luxembourg avait comme objectif d’arriver à l’équilibre des finances en 2014.

Lorsqu’il fait l’analyse des derniers chiffres concernant les finances publiques, Gast Gibéryen observe que le problème relève en premier lieu non des recettes, mais des dépenses. "Le gouvernement doit maîtriser les dépenses", lance le député qui estime que, de ce point de vue, le gouvernement a "tout simplement mené la mauvaise politique" et est donc "responsable du désastre financier actuel". Pourtant, rappelle Gast Gibéryen en citant cette fois le discours sur l’état de la nation de 2006, Jean-Claude Juncker était alors déjà conscient que "les finances publiques évoluaient dans la mauvaise direction" parce que "les dépenses publiques croissaient plus vite que la croissance économique nominale et plus vite que les recettes".

Mais Gast Gibéryen ne se satisfait pas pour autant des mesures de consolidation choisies. Il dénonce notamment l’accord salarial trouvé avec la fonction publique, certes reporté, mais qui va pour autant à l’encontre de l’orientation discutée en 2010 à la Chambre à l’occasion du discours sur l’état de la nation. "Le gouvernement n’a pas de mandat pour une augmentation, ou plutôt, il a un mandat pour aucune augmentation." Autre grief du député, le fait que le barème d’imposition ne soit pas adapté malgré l’inflation. Ce qu’il faut en premier lieu, préconise Gast Gibéryen, c’est mettre fin au principe de l’arrosoir. Mais il plaide aussi pour une plus grande sélectivité sociale, notamment pour les parents isolés et tous ceux qui sont les plus faibles socialement. "Quand il s’agit de prendre des mesures impopulaires, Jean-Claude Juncker et Luc Frieden appellent tous les partis à prendre ensemble la responsabilité", dénonce par ailleurs Gast Gibéryen dans sa charge contre le CSV qu’il appelle à "l’honnêteté à l’égard des citoyens".

Mais, dénonce Gast Gibéryen, la question de la dette n’est pas le seul problème du Luxembourg. Il évoque ainsi la réforme de l’école, le chômage, les transports publics ou encore la réforme de l’administration publique. Autre problème d’importance à ses yeux, la question du logement : la situation est "catastrophique", se loger étant "devenu un luxe grâce à la politique de Juncker et du CSV ". Pour ce qui est de la réforme des pensions et de l’ajustement des pensions, Gast Gibéryen propose de mettre en place un système dégressif.

Serge Urbany appelle à tout repenser, au Luxembourg, mais aussi en Europe où ce ne sont pas les fonctionnaires qui gouvernent, mais les chefs d’Etats et de gouvernements nationaux

déi LénkPour Serge Urbany, le député Déi Lénk, pour que le dialogue social soit possible, il est nécessaire de s’interroger sur les inégalités économiques et sociales : car si nous traversons une crise, c’est bien celle de la répartition des richesses. Mais, déplore-t-il, le gouvernement n’y veut rien changer, il faudrait pour cela qu’il intervienne activement dans l’économie. Or, fustige Serge Urbany, quand le gouvernement s’y essaie, c’est toujours de façon négative, en facilitant la vie des grandes entreprises.

Quant à la politique sociale du gouvernement, elle consiste à aller chercher l’argent du salariat, dénonce le député de la Gauche qui appelle de ses vœux une réorientation de la politique fiscale dans son ensemble plutôt que d’introduire un impôt minimal sur les entreprises.

Pour ce qui est de la crise de la dette, Serge Urbany a insisté sur l’importance de la dette privée, dont personne ne parle. Le fardeau de la dette est en effet apparu avec la crise financière et il est lié aux aides apportées en soutien au secteur bancaire, explique le député qui voit en fin de compte dans la crise de la dette publique le fruit d’une "socialisation de la dette privée". Le solde structurel de l’Etat répond aux critères européens, dit-il encore.

En dénonçant la baisse continue de l’imposition pour les riches, Serge Urbany appelle le Luxembourg à se donner les moyens d’une vraie politique économique. Il plaide pour des prises de participation dans le secteur privé afin d’accroître l’influence publique sur l’économie. Autre suggestion du parlementaire, cesser de "laisser vagabonder l’argent des fonds de pension sur les marchés" pour l’investir plutôt dans l’économie.

Serge Urbany dénonce l’idée de cimenter la politique européenne d’austérité en introduisant un frein à la dette par un traité. Il appelle à tout repenser, au Luxembourg, mais aussi en Europe où, a-t-il rappelé, ce ne sont pas les fonctionnaires qui gouvernent, mais les chefs d’Etats et de gouvernements nationaux !

Un dernier mot très européen de Jean-Claude Juncker

A la fin du débat, le Premier ministre a de nouveau pris la parole, notamment pour contrer les reproches qui ont fusé à son encontre dans la presse et du côté de l’opposition. Un des reproches qui l’ont touché a été selon lui celui que son discours n’aurait contenu aucune nouveauté. Et de décliner ses vues sur l’Europe dans le futur proche.

Or, pour lui, l’annonce qu’il irait plaider pour une augmentation de capital de la BEI, un capital auquel le Luxembourg contribuerait donc sa part, et qui aurait un effet de levier pour 180 milliards d’investissements, est pour lui une chose complètement nouvelle.

Il a exprimé dans ce contexte son accord avec les propos de Claude Meisch sur la nécessité d’établir en Europe un équilibre entre les mesures d’économie et de croissance. Pour la même raison, le Luxembourg ne veut pas que le budget de l’UE soit baissé, comme le veulent d’autres Etats membres. "Le Luxembourg n’est pas sur ce dossier dans le camp de l’Allemagne, du Danemark, des Pays-Bas et du Royaume Uni, mais avec ceux qui veulent renforcer les moyens d’action solidaire de l’UE."

Autre nouveauté qui n’a pas encore exprimée telle quelle : Le Luxembourg est également pour des euro-bonds, pas les mêmes que le Premier ministre à déjà défendus pour mutualiser la partie des dettes publiques européennes qui se situeraient dans le cadre des critères de Maastricht (60 % du PIB), mais des euro-bonds qui seraient destinées à financer de grands investissements européens qui feront avancer la croissance sur le continent.

Il a regretté devoir prendre ses distances avec la TTF, qu’il n’est pas possible de faire passer en Europe, mais il continue de penser à un autre instrument de régulation qui demeure nécessaire.

Le Luxembourg continuera par ailleurs à défendre la nécessité de ratifier le pacte budgétaire, car de ce processus selon lui la crédibilité de la zone euro. A ces pourparlers à Paris avec le nouveau président élu, le 10 mai, il dira clairement que le gouvernement  luxembourgeois veut cette ratification "même si certains ministres ne pipent mot quand il s’agit d’en parler". De l’autre côté, le gouvernement luxembourgeois soutiendra les efforts pour coupler le pacte budgétaire à une stratégie de croissance, une position que d’autres gouvernements ne partagent pas. Mais c’est là "un engagement définitif du Luxembourg".