A l’issue du Conseil Affaires générales qui a eu lieu le 26 juin 2012 à Luxembourg, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a expliqué que le Luxembourg, sans bloquer le processus de décision sur l’adoption par le Conseil des recommandations de la Commission européenne que celle-ci a livré en mai 2012 à l’attention des 27 Etats membres de l’UE et de la zone euro dans son ensemble dans le cadre du semestre européen, n’était pas d’accord avec la recommandation de la Commission au Luxembourg au sujet de l’indexation des salaires.
Ces recommandations sont basées sur l’analyse des programmes de stabilité et de croissance et des programmes nationaux de réforme transmis par les Etats membres à la lumière de l’examen annuel de croissance livré par la Commission en novembre 2011, mais aussi des recommandations qui leur avaient déjà été faites en 2011.
Pour 2012, les recommandations de la Commission s’étaient déclinées en 5 points :
Jean Asselborn a d’abord précisé qu’en 2011, la Commission avait recommandé au Luxembourg de réformer, "en consultation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques en usage dans ce pays", le système de fixation des salaires, l’objectif étant selon la Commission de faire en sorte que l’évolution des salaires reflète mieux l’évolution de la productivité et de la compétitivité.
Le Luxembourg avait pris au sérieux cette recommandation et, comme Jean Asselborn l’a rappelé, "le gouvernement a pris ses responsabilités". Après avoir constaté qu’il ne pouvait pas y avoir d’accord entre les partenaires sociaux, il a néanmoins fait adopter fin janvier 2012 par la Chambre des députés une loi qui prévoit une modulation du système d’indexation automatique des salaires pour les années 2012, 2013 et 2014. Pendant cette période, il n’y aura au maximum qu’une seule tranche indiciaire par an. D’autre part, la prochaine tranche indiciaire initialement prévue pour mars 2012 a été reportée au mois d’octobre 2012. L’adaptation suivante ne sera pratiquée qu’au moins 12 mois après octobre 2012.
Pour Jean Asselborn, il s’agissait de répondre à un problème conjoncturel par une loi dont l’effet est limité dans le temps, et non par une mesure structurelle contre le mécanisme d’indexation des salaires. Dans une intervention au Conseil, il a dit au sujet de l’indexation des salaires au Luxembourg : "Le mécanisme en place est partie intégrante de la politique sociale au niveau national." Sachant que ce domaine relève selon les traités européens de la compétence nationale. Lors de la conférence, il a également déclaré : "Nous ne sommes pas une machinerie. Nous défendons le droit des gens." Il a également dit que l’indexation des salaires n’était pas de nature à faire basculer l’économie de la zone euro.
Là où le bât blesse également pour le gouvernement, a ensuite expliqué Jean Asselborn à ses homologues comme à la presse, c’est que la Commission exige que cette loi soit prolongée au-delà de 2014 par le gouvernement actuel. Or, le gouvernement actuel, qui a mandat pour gouverner entre 2009 et 2014, ne veut pas engager sur ce dossier "sensible" selon Jean Asselborn et impliquant des équilibres complexes, le gouvernement qui sortira des urnes en juin 2014. C’est à ce gouvernement qu’il appartiendra de réexaminer la question de l’indexation des salaires, selon le vice-premier ministre, et de la traiter de la manière qu’il souhaitera.
C’est pourquoi le Luxembourg a clairement annoncé au cours de la session qu’il ne pouvait pas partager cette recommandation de la Commission et il a fait noter cette opposition dans le procès-verbal de la réunion. En outre, il a proposé une modification du texte des recommandations dont voici l’intitulé : « En vue de préserver la compétitivité de l’économie luxembourgeoise sur le long terme, il faudrait prendre des mesures en consultation avec les partenaires sociaux et en respectant les pratiques nationales pour s’assurer d’une démarche de modération salariale. » Jean Asselborn a cependant constaté l’existence, comme lors d’une Conseil Ecofin du 22 juin 2012, au cours duquel il n’y a pas eu d’intervention luxembourgeoise dans ce sens, d’une majorité qualifiée en faveur des recommandations de la Commission.
Le Luxembourg n’a pas voulu bloquer le processus de décision, a insisté le vie-premier ministre, et a dû constater qu’il était ici en minorité. Mais, a-t-il ajouté, d’autres Etats membres ont fait de semblables démarches. Pour Jean Asselborn, "nous serons dorénavant confrontés plus souvent à ce genre de questions. Nous ne serons pas forcés de nous exécuter, car il s’agit de recommandations. Le Luxembourg s’est ici singularisé sur une question sociale sensible, ce qui est rare, surtout face à la Commission. Reste que pour la Commission, la question sociale devrait avoir un statut plus important."
Jean Asselborn a également exprimé l’espoir que le Premier ministre Jean-Claude Juncker aura l’opportunité de s’exprimer au Conseil européen sur cette affaire.
Pour rappel : Le Premier ministre avait fait le 31 mai 2012 plusieurs déclarations au sujet des mécanismes des salaires au Luxembourg par rapport aux recommandations de la Commission. Il avait d’abord dit que le gouvernement prenait acte de la recommandation de discuter de la réforme de l‘indexation des salaires avec les partenaires sociaux. L’autre partie de la recommandation avait été interprétée par le Premier ministre comme un appel à la révision du système de fixation des salaires et surtout du salaire social minimum. Sa réaction : "Je dis clairement : il n’y aura pas de changement en ce qui concerne le salaire minimum. La cohésion sociale et le bon climat social sont aussi des atouts du site économique luxembourgeois. Il n’y a pas que la productivité qui compte pour la compétitivité. Il faut aussi lutter contre la pauvreté et le risque de pauvreté que de nombreux chiffres nous révèlent."
Dans un second temps, il avait également déclaré, de manière plus polémique, que si l’on n’écoutait que la Commission, et surtout le FMI, l’on supprimerait le salaire minimum, l’indexation des salaires, les ajustements des pensions, la préretraite, on augmenterait de manière drastique la durée de vie de travail et les prix de l’énergie. Le gouvernement n’ira pas dans cette direction, avait-t-il ensuite assuré, et défendra ce type de positions au Conseil et au Conseil européen. Selon lui, le Luxembourg "pourra compter sur le soutien d’autres pays".