Au lendemain du dernier jour du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, la presse luxembourgeoise se faisait l’écho des commentaires du Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, sur les résultats de ce sommet. Et notamment sur l’impact que certaines décisions auront sur le Luxembourg.
Dans l’ensemble, ce sommet a été aux yeux de Jean-Claude Juncker "l’un des plus utiles pour la zone euro de l’histoire récente", comme le rapporte le Tageblatt dans son édition datée du 30 juin 2012. "Nous trouvons en temps de crise des décisions bien plus vite que lorsque les eaux sont calmes", a-t-il encore commenté dans un entretien accordé au Luxemburger Wort. "Nous avançons sur un chemin plus sûr, mais il reste pierreux", résumait encore le président de l’Eurogroupe, expliquant que l’Espagne et l’Italie font face à des coûts de refinancement "injustement élevés" dans la mesure où ces deux pays s’en tiennent à leurs engagements budgétaires et ont mené d’ambitieuses réformes.
Mais au-delà des décisions importantes prises dans le souci de garantir la stabilité financière de la zone euro, ce Conseil devait aussi être le moment de résoudre d’importantes questions de mandats. Celui de Jean-Claude Juncker à la tête de l’Eurogroupe expire en effet d’ici quelques semaines et le Premier ministre luxembourgeois avait indiqué à plusieurs reprises ne pas vouloir le renouveler. A l’issue du sommet, Herman Van Rompuy a expliqué à la presse qu’une décision serait prise début juillet dans la mesure où les chefs d’Etat et de gouvernement n’étaient pas "au complet" au moment de statuer. Quelques heures plus tard, Jean-Claude Juncker expliquait pour sa part à la presse que la décision de prolonger son mandat avait été décidée à l’unanimité mais qu’il l’avait refusée.
Le Premier ministre s’en est expliqué dans son interview au Luxemburger Wort. Il rappelle ainsi avoir répété constamment qu’il ne briguait pas un renouvellement de son mandat. "Mais les chefs d’Etat et de gouvernement de la zone euro sont d’avis qu’en raison de la crise, il serait opportun que, si je n’aspirais plus à un plein mandat, je le prolonge de six mois de plus", raconte le Premier ministre.
"J’ai donné mon accord de principe pour continuer six mois de plus, jusqu’à ce que le rapport sur l’avenir des quatre présidents soit conclu et les mesures à court terme décidées mises en œuvre". Mais il précise aussi avoir donné son accord de principe à cette prolongation à condition qu’Yves Mersch soit nommé au directoire de la Banque centrale européenne. L’agence de presse allemande dpa rapporte aussi qu’il a proposé dans le même contexte que Klaus Regling, actuel directeur de l’EFSF, prenne la direction de l’ESM.
Jean-Claude Juncker compte sur une décision sur la nomination d’Yves Mersch au plus tard pour la réunion de l’Eurogroupe du 9 juillet prochain.
Une fois cette condition remplie, Jean-Claude Juncker entend donc annoncer à la Chambre qu’il a accepté la prolongation de six mois qui lui a été proposée, mais qu’il n’ira pas au-delà de ce mandat.
Les rumeurs annonçant qu’il reconduirait son mandat n’avait pas manqué de faire des remous au Luxembourg, où l’ADR avait pris position sur la question dans un communiqué de presse diffusé le 27 juin : "Nous avons besoin d’un Premier ministre tout entier présent pour le Luxembourg", revendiquaient ses auteurs. En réponse à ces critiques, Jean-Claude Juncker souligne qu’il assume sa double charge de travail à ses frais, et non à ceux du pays. "Si un parti d’opposition exige, dans le cas de la prolongation de mon mandat de président de l’Eurogroupe, ma démission, il faut se demander ce qu’il veut", ajoute Jean-Claude Juncker. Car, souligne-t-il, le fait que le Premier ministre ait présidé l’Eurogroupe ne s’est pas avéré être un inconvénient pour le Luxembourg.
Par ailleurs, Jean-Claude Juncker rappelle qu’il plaide depuis des mois pour que le mandat de président de l’Eurogroupe soit un mandat à plein temps. Mais il observe que d’autres chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE ne partagent pas son point de vue. Et il précise d’ailleurs que si le poste avait été à plein temps, il ne l’aurait plus exercé.
Autre sujet abordé par les chefs d’Etat et de gouvernement, la question de l’introduction d’une taxe sur les transactions financières. Ils ont en effet validé la décision des ministres des Finances de lancer une procédure de coopération renforcée afin d’introduire une telle taxe. "Pour y parvenir il faut au moins neuf Etats-membres", souligne Jean-Claude Juncker, qui précise que le Luxembourg n’en sera pas. "J’étais en faveur d’une telle taxe sur le principe", rappelle le Premier ministre luxembourgeois. Mais il explique que la Grande-Bretagne ne participera pas, ce qui pourrait avoir pour conséquence une délocalisation de certains pans importants de la place financière luxembourgeoise vers la place londonienne. Par ailleurs, indique Jean-Claude Juncker, la taxe d’abonnement rapporte environ 1,2 % du PIB et il faudrait renoncer à cette ressource en cas d’introduction d’une TTF.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont par ailleurs résolu le dernier litige qui bloquait l’introduction d’un brevet unitaire européen. Jean-Claude Juncker se félicite que le Luxembourg ait été reconnu comme capitale européenne de la juridiction : la Cour d’appel du brevet unitaire européen va en effet siéger à Luxembourg, ainsi qu’il en avait été décidé "tout naturellement" au niveau des ministres en charge de la compétitivité en décembre dernier.