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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
"Il serait sage de confier au Parlement européen une partie du contrôle budgétaire" de l’UEM, a confié au Spiegel Jean-Claude Juncker, qui plaide, à long terme, pour la création d’un poste de président européen élu par les citoyens de l'UE
16-07-2012


Quelques jours à peine après le renouvellement de son mandat à la tête de l’Eurogroupe, le Premier ministre Der Spiegelluxembourgeois Jean-Claude Juncker répondait aux questions de la rédaction du Spiegel pour un premier article paru sur le site web de l’hebdomadaire le 14 juillet 2012, avant la publication de l’entretien dans son intégralité dans son édition datée du 16 juillet.

Le Conseil européen a permis d’atteindre de "bons résultats, élaborés collectivement, et pour lesquels les chefs d’Etat et de gouvernement sont responsables collectivement"

Premier sujet abordé par le Spiegel, le Conseil européen de la fin juin, qui, estime Jean-Claude Juncker, a permis d’atteindre de "bons résultats, élaborés collectivement, et pour lesquels les chefs d’Etat et de gouvernement sont responsables collectivement". Jean-Claude Juncker a confié aux journalistes allemands qu’il ne pouvait pas dire que la chancelière avait donné sa bénédiction à tout ce qu’on avait pu lui soumettre sans mot dire, contrairement aux reproches qui ont pu lui être faits en Allemagne de s’être "pliée" devant les autres Etats membres de l’UE.

"C’est une mauvaise habitude que d’utiliser les sommets de l’UE pour la mise en scène de défaites ou de victoires politiques", a dit le Premier ministre luxembourgeois, répétant une formule qu’on lui connaît déjà : "en Europe, il s’agit de gagner tous ensemble ou de perdre ensemble". Mettant en garde contre les estimations à court terme des marchés financiers, Jean-Claude Juncker estime que le résultat le plus important du sommet est le fait que les chefs d’Etat et de gouvernement aient pu s’entendre sur l’ébauche d’une structure à long terme de la zone euro, à savoir une surveillance bancaire commune et une coopération renforcée en matière de politique financière et budgétaire.

Les juges de Karlsruhe "savent dans quels délais maximaux nous devons agir", estime Jean-Claude Juncker

Le Premier ministre luxembourgeois a ensuite été invité à parler de la ratification de l’ESM en Allemagne, qui est suspendue au jugement de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, saisie de six nouvelles plaintes. L’inquiétude quant aux incidences sur la démocratie de l’ESM qu’expriment ces plaintes, Jean-Claude Juncker la juge "justifiée", et il observe d’ailleurs que ce n’est pas une exclusivité allemande puisque la Cour constitutionnelle estonienne a eu elle aussi à en faire l’examen avant de confirmer l’ESM. "Je ne pars pour autant du principe que les juges de Karlsruhe vont stopper" l’ESM, indique le président de l’Eurogroupe.

Si l’examen de ces plaintes a commencé le 10 juillet 2012, le président de la Cour, Andreas Voßkuhle a assuré qu’il prendrait le temps nécessaire à "un examen raisonnable" des plaintes. Une déclaration interprétée par beaucoup comme l’annonce que la Cour ne se prononcera pas avant l’automne, alors qu’un délai court, de quelques semaines, était escompté. Le 16 juillet, la Cour a d’ailleurs confirmé qu’elle statuerait le 12 septembre 2012. A l’idée que la Cour puisse reporter jusqu’à l’automne sa décision, Jean-Claude Juncker admet que ce ne va pas beaucoup aider. Mais, relève-t-il, "qui suis-je pour me permettre de critiquer les juges constitutionnels allemands ?" "Ils sont les maîtres de la procédure et je pense qu’ils savent dans quels délais maximaux nous devons agir", a expliqué Jean-Claude Juncker, ce qui revient pour les journalistes du Spiegel à "presser" les membres de la Cour constitutionnelle à agir vite.

"Le gouvernement grec n’a en effet pas appliqué le programme comme convenu", reconnaît Jean-Claude Juncker

Si Jean-Claude Juncker "n’a pas pu répondre encore concrètement à la question d’une sortie de la Grèce surendettée de la zone euro", rapporte la rédaction, il a convenu que "le gouvernement grec n’a en effet pas appliqué le programme comme convenu", ce qui est lié aux élections et à l’arrêt du programme de privatisations. "Il est clair aussi que cela coûtera plus cher si nous laissons plus de temps à la Grèce pour remplir les objectifs convenus", a-t-il confié aux journalistes. Pour Jean-Claude Juncker, deux questions en résultent, qui restent encore ouvertes : "Les Européens sont-ils prêts à mobiliser les moyens supplémentaires ?" et "Le FMI va-t-il rester à bord ?". Mais la troïka ne rendra son rapport d’évaluation qu’en septembre. Il sera alors temps de s’occuper de la question.

Lorsque les journalistes lui demandent d’expliquer ce qu’entend Luc Frieden lorsqu’il appelle à réfléchir à "la composition géographique de l’euro", Jean-Claude Juncker les invite à s’adresser à l’intéressé. "Il y a la proposition de séparer l’union monétaire en un euro du Sud et un euro du Nord, il y a aussi l’idée d’établir un noyau dur de l’union monétaire au centre de l’Europe", rapporte Jean-Claude Juncker qui ne voit rien de bon dans ces débats. "Nous devrions maintenant travailler d’urgence à compléter l’union monétaire avec une union politique", juge-t-il en effet préférable.

"Il serait sage de confier au Parlement européen une partie du contrôle budgétaire" de l’UEM

Pour ce qui est de cette future union politique et monétaire sur laquelle il a planché avec Herman Van Rompuy, José Manuel Barroso et Mario Draghi, Jean-Claude Juncker précise à la rédaction du Spiegel qu’il va falloir repenser ses structures parlementaires. "Il serait sage de confier au Parlement européen une partie du contrôle budgétaire" de l’UEM, estime en effet Jean-Claude Juncker qui est toutefois conscient de la réticence de la plupart des chancelleries à cette idée. "Il faut donc que les parlements nationaux soient impliqués plus fortement dans cette tâche", suggère-t-il par conséquent. Et si les députés directement élus dans les circonscriptions décident de ce qui advient de l’argent du contribuable, cela aura l’avantage de mieux passer auprès des citoyens.

Plus largement, pour rapprocher l’Europe des citoyens, Jean-Claude Juncker a par ailleurs plaidé pour la création, "à la fin du processus", d’un "poste de président européen qui serait élu directement par les citoyens de l’UE". Le Premier ministre luxembourgeois imagine au préalable une fusion des fonctions de président du Conseil européen et de président de la Commission européenne, ce que le traité de Lisbonne n’exclut pas et qui pourrait être une étape intermédiaire.

De même, Jean-Claude Juncker juge que l’idée de créer un poste de ministre européen des Finances ferait sens et il imagine à cette fin la possibilité de fusionner les postes de commissaire en charge des affaires monétaires et de président de l’Eurogroupe. Un travail qui serait un grand défi pour celui qui en assumerait la charge, car il s’agirait d’un côté de faire des propositions et d’un autre de négocier des compromis avec ses collègues européens.