En amont de son académie d’été sur l’avenir de l’Europe, le parti socialiste consacre sa deuxième interview estivale à l'eurodéputé Robert Goebbels, après avoir interrogé Ben Fayot.
Présenté comme quelqu'un qui n'a pas peur de s'attaquer aux pays voisins, Robert Goebbels commence par y faire hommage à la "prise de position courageuse" de Jean-Claude Juncker et Jean Asselborn au sujet de la crise de l'euro. "L'UE est arrivée à un tournant, où on doit s'épargner les formules de politesse diplomatiques et les considérations partisanes."
Robert Goebbels s'en prend à son tour à la qualité du débat allemand sur la crise de l'euro et le sauvetage de la Grèce. Il remarque que ce débat "repose sur des bases de pure politique intérieure". Il conteste à l'Allemagne le statut de "plus grand contributeur net" de l'Union européenne, souvent convoqué dans les discussions. En dépense par habitant, les Luxembourgeois contribueraient davantage à la caisse commune que les Allemands. Surtout, Luxembourgeois et Allemands partageraient aussi la particularité de devoir leur haut niveau de vie à l'intégration européenne. "Celui qui, au-delà de la moyenne, profite beaucoup du marché commun, doit être aussi prêt à exercer sa solidarité." Et les moyens de l'exercer ne manquent pas : les garanties bancaires, les transferts financiers et de plus grandes contributions budgétaires sont "incontournables, si l'UE veut se développer comme une communauté solidaire", juge Robert Goebbels.
Interrogé sur le temps perdu par le recours à la Cour constitutionnelle sur des décisions européennes, dont le dernier exemple en date est la ratification de l'ESM, Robert Goebbels souligne que si un tel procédé relève d'un Etat de droit, "les juges de la Cour constitutionnelle peuvent se tromper". Or, la Cour constitutionnelle allemande serait "un refuge d'eurosceptiques". "Comment peut-on juger sans une grande portion d'europhobie que la clause des 5 % soit légale aux élections pour le Bundestag et illégale pour le Parlament européen ?", interroge Robert Goebbels qui avait alors déjà dénoncé ce jugement qu'il considère toujours aujourd'hui comme "un clair mépris des traités européens". Conclusion : "Les plus hauts juges devraient se défendre, de laisser s'immiscer leurs propres vues politiques dans leur jurisprudence."
Robert Goebbels n'en reste pas moins convaincu du caractère inévitable de la remise à flots des budgets nationaux des Etats endettés. "Toutes les réformes sont discutables, pourtant quand un Etat s'est endetté, l'économie ne crée plus d'emplois et à peine encore de la valeur ajoutée, qui puisse être redistribuée, les mesures structurelles sont incontournables, même si les concernés les vivent comme trop dures." L'obtention de résultats qui en résulte serait la condition du renouvellement de la confiance des citoyens dans la politique. Or, "l'UE, et avant tout les dames et messieurs qui prétendent nous gouverner, ne se donnent pas les moyens d'une politique ambitieuse."
Il faudrait simultanément aux efforts budgétaires, soutenir la croissance, "pour que le désendettement soit supportable socialement". Par ailleurs, le poids des intérêts doit rester supportable. "Dans cette perspective, la faute cardinale de l'union monétaire, le manque de possibilités d'action de la BCE, doit être corrigé", dit-il. "Pour remplir cette mission, aucune frontière ne devrait être posée" à la Banque centrale.
Concernant plus largement les institutions, Robert Goebbels réitère son appel à une réorganisation de l'UE. "J'appartiens au petit nombre de députés au Parlement européen, qui n'ont pas voté pour l'élargissement précipité de 15 à 25 puis 27 membres", rappelle-t-il. Ainsi, l'accueil de la Croatie, de la Serbie et d'autres candidats n'est à ses yeux pas envisageable tant que l'UE ne s'est pas "donné des règles internes qui permettent un fonctionnement ordonné à 27 et plus". Et "cela présuppose plus et non pas moins d'intégration", prévient-il.
L'eurodéputé considère que l'UE doit être dotée d'un budget plus conséquent. Ses recettes directes pourraient être augmentées en se reposant sur une solidarité interne "incontournable", et par le biais de transferts budgétaires des plus riches vers les plus pauvres.Celui qui s'y opposerait devrait quitter l'Union.
De même, Robert Goebbels estime-t-il "inacceptable" qu'un Etat comme la Grande Bretagne puisse tirer d'une part le meilleur du marché intérieur, de l'autre pratiquer "l'opt out" et l'obstruction. Goebbels imagine ainsi que, dans dix ans, l'UE sera constituée "d'un noyau fort et d'un groupe lâche d'Etats associés". Dans tous les cas, il y aura toujours l'euro. Il n'y aurait en effet pas d'alternative à une monnaie commune. "Qui veut retourner à une monnaie nationale, paiera pour cela un prix élevé."
Interrogé sur le Parlement européen, Robert Goebbels décèle dans le recul de la méthode communautaire la preuve de la montée en puissance du Parlement européen, " devenu le plus important législateur d'Europe" : "Les tentatives constantes des capitales européennes, d'agir de manière bilatérale, en négligeant les traités européens, prouvent l'influence croissante de la représentation démocratiquement légitime des peuples d'Europe." Robert Goebbels formule à ce titre l'espoir que " les politiciens nationaux comprennent, que dans le monde d'aujourd'hui, dans lequel les 27 Etats de l'Union composent seulement 7% de la population mondiale, seule une action solidaire sur la base de traités légitimés démocratiquement est dans l'intérêt commun."