Le 22 novembre 2012, l’UEL a présenté son annuaire de la compétitivité 2012, une publication qui entend offrir un panorama synthétique de la situation du Luxembourg en termes de compétitivité à travers 24 indicateurs répartis en trois catégories : la compétitivité-coût, la compétitivité hors coût et le niveau de vie/cohésion sociale.
La lecture qu’en font les patrons luxembourgeois est sans appel : "le Luxembourg est en perte de compétitivité". "Alors que notre revenu par habitant est de loin le premier en Europe, que nous continuons à créer des emplois et que nos prestations sociales sont les plus généreuses, le Luxembourg perd lentement mais sûrement sa capacité à pérenniser cette situation enviable, qui assure aux habitants une qualité de vie matérielle des plus élevées sur notre continent", déplore ainsi le président de l’UEL, Michel Wurth.
Dans un premier temps, l’UEL se penche sur les indicateurs éclairant la compétitivité coûts-prix, saisissant l’occasion pour réitérer son appel à "mettre en place à court terme des réformes structurelles de fond".
Ce que pointe dans un premier temps l’UEM, c’est l’inflation, qui "demeure systématiquement supérieure à l’inflation moyenne dans les pays voisins" et qui est supérieure à la moyenne de l’UE. Pour l’UEL, ce phénomène "fragilise le Luxembourg, notamment du fait de sa petite économie très ouverte sur l’extérieur" : "cette situation d’extrême ouverture de l’économie, dont plus de 80 % des biens et services produits sont exportés, donne lieu à une perte de compétitivité continue, et ce d’autant plus que les prix pratiqués par les entreprises nationales sont largement dépendants de la pression des consommateurs étrangers", explique l’UEL. Les patrons luxembourgeois s’attaquent, passant, à l’indexation automatique des salaires qui "transforme la hausse des prix en une hausse des coûts de production" et ils appellent le Luxembourg à "se donner les moyens d’une politique anti-inflationniste volontariste".
Le deuxième indicateur relevé par l’UEL, c’est l’évolution des coûts salariaux unitaires (CSU) nominaux, qui ont augmenté de 41,9 % au Luxembourg entre 2000 et 2011 alors qu’ils ont connu une hausse de 18,7 % en moyenne dans les trois pays voisins, et 5,7 % seulement en Allemagne. "Cette évolution traduit une période au cours de laquelle la rémunération des travailleurs au Luxembourg a évolué beaucoup plus rapidement que la productivité", constate l’UEL qui insiste sur le fait que l’écart cumulé avec l’Allemagne, 1er partenaire commercial du Grand-Duché, est de 36,2 points de pourcentage. "Cette détérioration des CSU nominaux a encore été amplifiée par la nouvelle tranche indiciaire du mois d’octobre 2012", glisse encore l’UEL qui revient à la charge pour plaider une politique de modération salariale dont elle a fait son leitmotiv, dénonçant "la pression importante sur les marges des entreprises" qu’implique l’évolution du coût salarial. L’UEL demande que l’Observatoire de la formation des prix réalise une étude sur la désindexation généralisée de l’économie luxembourgeoise pour en analyser les effets micro et macro économiques. Mais l’UEL suggère aussi d’augmenter la productivité, notamment en investissant davantage dans la formation continue du personnel et dans la recherche et l’innovation.
L’UEL observe ensuite que la productivité globale des facteurs (PGF) a connu une détérioration au Luxembourg, et qu’une amélioration n’est pas en vue à en croire les prévisions de la Commission européenne et du STATEC : "Pour 2012, l’évolution de la productivité sera de l’ordre de -1,7 % pour le Luxembourg qui se trouvera en queue du peloton en matière de productivité", note l’UEL.
En ce qui concerne les termes de l’échange, indicateur qui désigne le pouvoir d’achat de biens et services importés qu’un pays détient grâce à ses exportations, le Luxembourg voit sa position en 2011 se détériorer par rapport à l’année précédente, mais une légère amélioration semble pointer à l’horizon 2012 selon les prévisions de la Commission européenne, relève l’annuaire de la compétitivité de l’UEL.
Pour ce qui est de l’environnement fiscal, l’UEL souligne qu’une "législation fiscale attrayante est de nature à pérenniser les activités existant au Luxembourg, voire à en attirer de nouvelles". Les patrons sont conscients que le Luxembourg affiche le taux de TVA standard le plus faible d’Europe, mais ils nuancent aussitôt le propos en avançant que "cet avantage est largement contrebalancé par une évolution de l’inflation structurellement plus élevée au Luxembourg et par un coût des facteurs de production plus élevé que dans les autres pays de l’Union européenne au cours de la décennie passée".
En matière d’impôt des sociétés, la pression fiscale au Luxembourg est de 28,8 % en 2012. Un chiffre que l’UEL présente comme "bien au-delà du taux moyen de l’Union européenne (22,75 %)" tout en admettant toutefois que ce taux reste inférieur à celui des pays voisins : Allemagne (29,48 %), France (33,33 %) et Belgique (+33,99 %). L’UEL précise aussi qu’il faut également tenir compte de l’assiette imposable et des abattements éventuels, dimension dans laquelle "le Luxembourg a traditionnellement pu conserver un environnement plutôt favorable".
En ce qui concerne les prélèvements obligatoires sur les salaires, le Luxembourg se présente comme un pays à faibles charges fiscales et sociales, relève ensuite l’UEL. Mais l’UEL, qui considère que les mesures annoncées de hausses fiscales nuisent à la prévisibilité et à la stabilité du cadre fiscal, met en garde et plaide pour le maintien des charges sociales à leur niveau actuel "sous peine de compromettre l’attrait que constituent des rémunérations nettes élevées pour de nombreux résidents étrangers qui travaillent au Luxembourg".
Pour ce qui est du coût de l’énergie, l’UEL note qu’il est "élevé au Luxembourg". L’UEL tient compte des prix pour l’industrie qui étaient en 2011, pour l’électricité, de 0,0960 euros par kWh hors taxe (contre 0,0936 euros en moyenne dans l’UE, et pour le gaz, de 11,58 euros par Giga-Joule hors taxes (contre 8,8357 euros en moyenne dans l’UE). "Cette évolution n’est pas de nature à attirer de nouveaux investissements industriels", relève l’UEL.
Dans un second temps, l’UEL s’est intéressée à la compétitivité hors coût, qui est essentiellement basée sur la qualité des produits et des services, l’innovation ou encore le niveau de compétences. Sur ce plan, l’UEL appelle à créer des niches de compétences et à mettre en place une stratégie de développement compétitif s’appuyant non seulement sur le renforcement de sa compétitivité-coût, mais également sur d’autres facteurs tels le développement de l’esprit d’entreprise, l’amélioration qualitative des systèmes d’éducation, la formation et l’apprentissage, l’encouragement à l’innovation sous toutes ses formes et le soutien à la recherche-développement dans les secteurs publics et privés.
Les indicateurs pris en compte par l’UEL dans cette catégorie relèvent notamment de l’éducation et de la formation. Ainsi, l’UEL note que 77,3 % de la population luxembourgeoise âgée de 25 à 64 ans dispose d’un niveau de formation de deuxième cycle du secondaire en 2011, une proportion supérieure à la moyenne de l’UE (73,4 %), mais qui reste inférieure, relèvent aussi les auteurs de l’annuaire, à celle des pays germaniques (86,3 % en Allemagne et 82,5 % en Autriche) et des pays scandinaves (82 % en Suède et 83,7 % en Finlande). Pour l’ensemble de la population, le taux d’obtention d’un diplôme de fin d’études secondaires est de 70 % en 2010 alors que la moyenne OCDE s’élève à 84 %, un taux qui se réfère à l’ensemble de la population résidente du pays dont une part considérable n’a pas été formée au Luxembourg.
L’UEL note aussi que les dépenses annuelles par étudiant demeurent les plus élevées au Luxembourg (28 022,6 en euros, SPA, en 2009) et sont plus de deux fois supérieures à la moyenne de l’UE (11 634,6 en euros, SPA). "Alors que la formation initiale réussie pour chaque élève doit être la priorité absolue, le rapport entre le nombre de personnes disposant d’un niveau d’éducation secondaire et le niveau de dépenses publiques en matière d’éducation doit être amélioré", est-il plaidé, l’UEL appelant pour la suite à poursuivre les dépenses à coût constant et dans l’optique d’une meilleure intégration des populations issues de familles socio-économiquement défavorisées.
En ce qui concerne la proportion de la population au Luxembourg disposant d’un niveau d’étude universitaire qui est de 37 %, elle s’est améliorée en 2011 et dépasse largement la moyenne de l’UE (26,8 %). Par ce résultat, le Luxembourg rejoint les pays scandinaves (33,7 % au Danemark, 35,2 % en Suède et 39,3 % en Finlande), anglo-saxons (37 % au Royaume-Uni et 37,7 % en Irlande) et la Belgique (34,6 %). "Ces efforts sont louables et doivent être continués dans une optique d’excellence du Luxembourg dans ce domaine", salue l’UEL sans plus de commentaire.
Enfin, en matière de formation tout au long de la vie, les performances du Luxembourg (13,6 % en 2011) se sont améliorées depuis 2008 (8,5 %), salue l’UEL qui insiste sur le rôle joué par les entreprises en la matière.
En ce qui concerne la recherche et le développement (R&D), la dépense intérieure brute de R&D demeure relativement faible au Luxembourg (1,68 % du PIB, en 2010) comparée à la moyenne de l’Union européenne (2,01 % du PIB), constate l’UEL. L’annuaire souligne donc que le Luxembourg devra intensifier ses efforts s’il veut atteindre les objectifs qu’il s’est fixé dans le cadre de la stratégie Europe 2020, et le discours sur l’état de la Nation de 2012 est longuement cité à ce sujet. L’UEL pointe cependant aussi la nécessité de "maximiser l’efficacité des dépenses consacrées à la R&D", et il est suggéré de réaliser une évaluation des dépenses publiques en R&D en 2016, mais aussi une étude de faisabilité sur l’apport d’un effort supplémentaire en fonction de l’évolution du paysage national en matière de R&D. Corollaire des dépenses en matière de R&D, le nombre de chercheurs pour 1000 actifs est également relativement faible au Luxembourg (6,80 pour 1 000 actifs en 2009), bien loin des pays scandinaves (16,60 en Finlande, 12,30 au Danemark et 10,40 en Suède) et des pays voisins (8,90 en France, 8,40 en Belgique et 7,70 en Allemagne). "Les résultats de la recherche s’en ressentent très fortement", note l’UEL qui constate aussi que le nombre de publications scientifiques par million d’habitants au Luxembourg (127 en 2005) est un des plus faibles d’Europe (477 en moyenne).
En ce qui concerne la propension à entreprendre, l’UEL constate qu’entre 2000 et 2009 le pourcentage des personnes interrogées dans l’UE et aux Etats-Unis diminue au bénéfice du nombre de personnes aspirant à prendre le statut de salarié. Alors que l’écart entre "être salarié" ou "être indépendant" demeure plus ou moins constant sur la période 2000 à 2007 tant pour l’UE15 que pour les Etats-Unis, celui-ci est beaucoup plus important pour le Luxembourg, note l’UEL qui souligne aussi qu’en 2009, 44 % des personnes interrogées au Luxembourg ont répondu en faveur du statut de l’indépendant, alors qu’en 2007 ce taux s’élevait seulement à 35 %.
Dans le troisième volet de son analyse, l’UEL s’intéresse au niveau de vie et de cohésion sociale. L’UEL affiche clairement son crédo : "la compétitivité permet de maintenir durablement le niveau de vie de ses habitants, de créer des emplois, de proposer des salaires attractifs et apporte un niveau élevé de cohésion sociale".
Lorsqu’elle constate que le revenu national brut par habitant du Luxembourg est "largement supérieur" à celui des autres Etats membres, l’UEL l’explique "au regard de l’important différentiel de croissance économique entre le Luxembourg et les autres pays de la zone euro ayant prévalu au cours des dernières décennies". Pour ce qui est de la situation de l’emploi, l’UEL met en regard le fait qu’en 2011, le Luxembourg s’est caractérisé par un des taux de croissance de l’emploi les plus élevés au sein de l’Union européenne avec les risques d’augmentation du taux de chômage envisagés dans toutes les prévisions. "Le gouvernement luxembourgeois devra rapidement mettre en place les mesures nécessaires visant à améliorer l’intermédiation sur le marché du travail", considère l’UEL.
En ce qui concerne la législation de protection de l’emploi, selon l’OCDE, le degré de protection de l’emploi en 2008 est de 3,4 pour le Luxembourg sur une échelle allant de 0 à 6 (avec 0 le moins restrictif et 6 le plus restrictif) qui reste ainsi en tête du peloton, alors que dans les pays voisins, cet indicateur est moins élevé, à savoir 3 pour la France et 2,6 pour l’Allemagne et la Belgique. "Un degré élevé de protection de l’emploi réduit la capacité des entreprises à s’adapter à un environnement qui évolue rapidement sous l’effet de la mondialisation et des nouvelles technologies", commente l’UEL qui estime que "les systèmes économiques et sociaux devront se mettre davantage au service de la compétitivité pour permettre aux entreprises de gérer les transformations rapides et profondes auxquelles elles doivent faire face et permettre aux travailleurs de se positionner favorablement dans un environnement de travail en pleine mutation". "Le droit du travail doit davantage adopter des éléments de flexibilité, sans pour autant provoquer une dérégulation excessive et préjudiciable à l’équité sociale", en conclut l’UEL.
L’UEL considère par ailleurs que "le Luxembourg offre un système social très généreux" en se basant sur les prestations de protection sociale, et notamment les allocations familiales. Une fois exprimées par habitant et en standards de pouvoir d’achat, ces dernières s’élèvent, pour l’année 2009, à 14 246 (en SPA) au Luxembourg et sont donc presque 2 fois plus élevées que dans les pays voisins où les dépenses de prestations de protection sociale sont de 8 159 (en SPA) en Allemagne, de 7 933 (en SPA) en Belgique et de 7 947 (en SPA) en France. "Cette situation signifie une position privilégiée des résidents en termes de pouvoir d’achat, mais implique un coût élevé pour la société", juge l’UEL en expliquant que ce coût "ne peut être financé que par une croissance économique dynamique qui a pour fondement des entreprises compétitives". Conclusion, "pour assurer la pérennité du système social, il faut le moderniser et mieux cibler les dépenses sociales vers les personnes les plus défavorisées".
Dans un contexte où la croissance est à la peine, l’UEL pointe le fait que "les recettes publiques ont chuté drastiquement tandis que les acquis sociaux en question sont restés inchangés". Du point de vue de l’UEL, il en résulte "une situation de déséquilibre des finances publiques". L’UEL met ainsi l’accent sur un de ses leitmotivs, à savoir le fait que la dette publique a augmenté pour atteindre 18,3 % du PIB en 2011, alors qu’au cours de la période 2000-2007, elle était toujours restée inférieure à 7 %. L’UEL pointe en conséquence "un risque accru de dégradation de l’attractivité du site d’implantation luxembourgeois". D’autant que le ralentissement de la croissance dans la zone euro a été plus prononcé que prévu et que les grandes économies de la zone doivent se contenter d’une quasi-stagnation de leur PIB. "L’impact des récentes évolutions économiques sur les finances publiques ne peut en aucun cas être sous-estimé", insiste l’UEL pour recommander une fois encore au Luxembourg de mener une politique des finances publiques plus équilibrée.
En guise de conclusion, l’UEL se réfère dans un premier temps aux recommandations adressées au gouvernement luxembourgeois dans le cadre du semestre européen, auxquelles l’UEL dit souscrire "entièrement".Au-delà de ces recommandations qui "devraient être prises en compte par le gouvernement", l’UEL propose ses propres mesures de réforme.
Tout d’abord, une désindexation généralisée de l’économie. L’UEL appelle à "substituer au système de l’indexation de l’économie tel que nous le connaissons actuellement un nouveau mode de dynamisation reposant sur des critères autres que l’évolution du coût de la vie".
Ensuite, l’UEL plaide pour une modernisation du système éducatif dont l’objectif est d’offrir aux jeunes la meilleure perspective de vie active possible et d’éviter qu’ils ne se retrouvent dans une situation d’exclusion du marché primaire du travail avec toutes les conséquences sociales que cela implique.
L’UEL se prononce aussi en faveur d’une plus grande sélectivité des transferts sociaux, nécessaire selon elle pour "sauvegarder le modèle social".
Reprenant une formule des recommandations exprimées dans le cadre du semestre européen, l’UEL appelle à "prendre des mesures afin de réformer, en consultation avec les partenaires sociaux et conformément aux pratiques nationales, le système de négociation et d’indexation des salaires". L’UEL propose dans un premier temps de maintenir le délai actuel d’un an à l’autre entre chaque indexation au-delà de 2014 et de réduire l’incidence de l’énergie et d’autres éléments fluctuants sur l’indice de référence.
Enfin, toujours en écho aux recommandations, l’UEL appelle à poursuivre des efforts pour réduire le chômage des jeunes en renforçant la participation des parties prenantes et en adoptant des mesures supplémentaires en matière d’éducation et de formation, en particulier à l’égard de ceux ayant un faible niveau d’études, afin de mieux aligner les compétences et les qualifications des jeunes aux besoins du marché du travail.