Le 4 décembre 2012, faute de parvenir à un accord sur le mécanisme de surveillance unique (MSU) qui doit constituer la première pierre d’une future Union bancaire, les ministres des Finances s’étaient donné rendez-vous le 12 décembre 2012 avec pour ambition de parvenir à définir la position que le Conseil défendra dans les négociations qu’il va mener avec le Parlement européen à ce sujet.
Finalement, c’est le 13 décembre au petit matin, à l’issue de quatorze heures de discussions, qu’ils ont pu annoncer avoir trouvé un accord. Des négociations qui ont été difficiles, comme l’a indiqué le ministre des Finances Luc Frieden, qui y représentait le Luxembourg.
La pression en termes de calendrier était forte, car les conclusions du Conseil européen d’octobre dernier avaient fixé une adoption du paquet législatif proposé par la Commission en septembre pour la fin de l’année 2012. Il convient de rappeler qu’en juin, les chefs d’Etat et de gouvernement avaient décidé que l’ESM serait en mesure de contribuer directement à des recapitalisations bancaires une fois que le MSU serait en place. Ce qui était une des décisions phares dans la lutte contre la crise de la dette, et ce notamment pour briser le cercle vicieux entre crises bancaires et dette souveraine.
Pour rappel, le paquet législatif contient deux règlements, l’un conférant à la BCE la mission de surveiller les institutions bancaires, et l’autre modifiant le règlement établissant l’Autorité bancaire européenne (EBA).
En termes de calendrier, la supervision par la BCE va se mettre en place courant 2013. Elle va dans un premier temps porter sur les établissements de crédit qui auront reçu une aide financière, puis sera étendue d’ici juillet 2013 aux institutions systémiques et, d’ici début 2014, à tous les établissements de crédit, indique le communiqué du Conseil.
Les Etats membres qui ne font pas partie de la zone euro qui souhaitent participer au mécanisme de supervision pourront passer des accords de coopération, précise aussi le communiqué du Conseil.
L’accord trouvé, un "accord acceptable" à ses yeux, aura une grande incidence sur le Luxembourg, a expliqué Luc Frieden, car il va falloir revoir toute l’organisation de la supervision bancaire. Mais il aurait préféré avoir plus de temps pour négocier, a-t-il confié au micro de Michel Delage, journaliste de la radio 100,7. La CSSF et la BCL vont garder certaines de leurs tâches, mais elles vont aussi devoir travailler plus étroitement avec la BCE, qui va avoir le dernier mot sur un certain nombre de questions dans le nouveau système, plus intégré, qui va être mis en place. Le ministre n’a pas manqué de rappeler que le mécanisme de surveillance unique n’est qu’une partie d’un tout et qu’il va falloir mettre en place au plus vite un mécanisme européen de résolution des crises bancaires pour lui faire pendant.
Les deux points qui restaient à discuter portaient sur l’étendue du champ d’application du MSU et sur des modalités de décision, ce qui reflète l’articulation entre les différents acteurs impliqués dans la surveillance, à savoir les autorités nationales, la BCE et l’EBA.
Sur la question du champ d’application de la supervision directe par la BCE, les ministres ont pu trouver un compromis : seules environ 200 banques seront supervisées directement par la BCE, notamment celles dépassant 30 milliards d'euros d'actifs, ou bien affichant une importance systémique pour leur pays d’origine. Les autres resteront du ressort des superviseurs nationaux, mais la BCE pourra traiter, au cas par cas, tout établissement si elle le juge nécessaire.
Le communiqué du Conseil évoque "une surveillance différenciée" de toutes les banques de la zone euro par la BCE en étroite collaboration avec les autorités nationales de supervision. La BCE aura la responsabilité des principales tâches de supervisions, à savoir de détecter les risques portant sur la viabilité des banques et d’exiger de leur part les actions nécessaires. Elle sera compétente pour accorder licences et autorisations aux établissements de crédit, évaluer les participations qualifiées, vérifier le respect des exigences en termes de capitaux minimums et de fonds propres et assurer une surveillance sur une base consolidée. En ce qui concerne les conglomérats financiers, la BCE assumera les tâches de surveillance, indique encore le communiqué du Conseil.
La BCE devra aussi assurer que les critères en matière de levier et de liquidités soient respectés, appliquer les fonds propres et mener, en coordination avec les autorités de résolution, les mesures d’intervention précoces en cas de violation, ou de violation potentielle, des exigences réglementaires en termes de fonds propres.
Luc Frieden a expliqué sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg qu’au Luxembourg, cette décision impliquerait que la moitié des banques tomberaient sous la surveillance de la BCE, et l’autre moitié resteraient sous celle de la CSSF. Une particularité qui s’explique notamment du fait que nombre de banques installées au Luxembourg sont certes petites, mais sont des filiales de grands groupes internationaux. La BCEE devrait elle aussi être surveillée par la BCE du fait de son importance dans l’économie luxembourgeoise.
Luc Frieden s’est réjoui d’avoir pu conserver dans le giron des autorités nationales la possibilité d’octroyer ou de retirer une licence bancaire.
Pour ce qui est de l’autre grand sujet de discussions, les ministres se sont entendus pour faire en sorte que les modalités de vote assurent une prise de décision équitable et effective au sein du marché unique. Les amendements au règlement établissant l’EBA devraient donc assurer que les pays participant au MSU n’auront pas un droit de veto automatique au sein du conseil des autorités de surveillance de l’EBA.
Il est aussi prévu que la BCE accomplisse son mandat en étroite coopération avec les autorités nationales de supervision et avec l’EBA. Les autorités nationales de surveillance continueront d’assurer les tâches qui n’auront pas été confiées à la BCE, par exemple ce qui relève de la protection des consommateurs, du blanchiment d’argent ou encore des filiales de banques de pays tiers. Pour ce qui relève de la BCE, les autorités nationales opèreront en tant que parties intégrantes du MSU. L’Autorité bancaire européenne gardera sa compétence pour ce qui est de poursuivre le développement du règlement uniforme et d’assurer la convergence et la cohérence dans la pratique de la supervision.
Le communiqué du Conseil indique encore que les tâches monétaires de la BCE seront strictement séparées de ses fonctions de supervision afin d’éviter d’éventuels conflits d’intérêts entre les objectifs de la politique monétaire et la supervision prudentielle. C’est à cette fin que sera mis en place au sein de la BCE un conseil de surveillance qui sera chargé de préparer les missions de supervision.
Le Luxembourg, qui défendait le principe d’un pays, une voix, a réussi, non sans peine, à obtenir gain de cause face à des pays qui souhaitaient un mécanisme de majorité qualifiée qui aurait donné plus de poids aux grands pays.