Au lendemain d’une réunion de l’Eurogroupe qui s’est tenue sous la présidence de Jean-Claude Juncker, les ministres des Finances de l’UE se sont retrouvés à Bruxelles pour un Ecofin à l’ordre du jour pour le moins chargé. Le ministre Luc Frieden y a représenté le Luxembourg, ainsi que le représentant permanent du Grand-Duché, Christian Braun, pour la dernière partie de débats qui ont duré toute la journée du 4 décembre 2012.
Au cours d’un débat public qui a duré près de trois longues heures, les ministres des Finances ont discuté du mécanisme de surveillance unique (MSU) proposé en septembre 2012 par la Commission européenne en tant que première étape d’une Union bancaire que les chefs d’Etat et de gouvernement ont appelé de leurs vœux en juin 2012. Les discussions ont permis de dégager des "convergences de vues", note la présidence, mais un certain nombre de questions restent ouvertes.
Les ministres des Finances seront donc invités à se pencher sur le sujet à l’occasion d’un Conseil Ecofin extraordinaire qui se tiendra avant le Conseil européen des 13 et 14 décembre prochain.
L’objectif est en effet de parvenir à un accord sur une position qui permettrait de négocier avec le Parlement européen, de façon à pouvoir approuver les textes avant la fin de l’année. Le Conseil européen d’octobre avait en effet fixé la date du 1er janvier 2013 comme échéance pour un accord sur les deux règlements en discussion. Le règlement portant sur la surveillance par la BCE est basé sur l’article 127(6) TFUE et requiert l’unanimité au Conseil, après consultation du Parlement européen et de la BCE. Le règlement portant sur l’Autorité bancaire européenne a pour base juridique l’article 114 TFUE et nécessite une majorité qualifiée au Conseil, en accord avec le Parlement européen.
Les enjeux de la discussion portent notamment sur la répartition des compétences entre BCE et autorités nationales, la gouvernance du comité de supervision et les modalités de vote au sein de l’Autorité bancaire européenne.
Au cours de ce débat, Luc Frieden a attiré l’attention de ses pairs sur le fait d’une part que l’Union bancaire s’inscrivait dans une ambition plus large de renforcer l’intégration européenne, et qu’elle devait par conséquent être liée à l’intégration budgétaire et économique, mais aussi que le mécanisme de surveillance unique discuté n’était lui-même qu’un volet de cette Union bancaire. Or, a-t-il souligné, il n’existe pas à ce stade de système européen de résolution en cas de crise bancaire. De ce fait, il faut tenir compte de l’impact qu’auront les décisions prises dans le cadre du MSU sur les budgets nationaux. Et le choix des modalités de prises de décisions doit en tenir compte, a insisté Luc Frieden. Ainsi, s’il pourrait s’accommoder d’une supervision large de la part de la BCE, couvrant l’ensemble des banques, le ministre luxembourgeois demande à ce qu’on lui assure une juste représentation de tous les Etats membres participants : il a donc plaidé, comme il l'avait fait en novembre dernier, pour un système respectant le principe d’un pays, un vote, et pour un vote à la majorité simple au sein du comité de supervision.
L’idée d’adjoindre au comité de supervision un comité directeur ne l’a pas convaincu, car elle affaiblirait à ses yeux les décisions du comité de supervision. Si un tel organe devait toutefois rencontrer les faveurs d’une majorité d’Etats membres, Luc Frieden a insisté sur la nécessité pour les pays où les services financiers représentent une part importante du PIB d’y être représenté.
Plus largement, Luc Frieden a pointé la grande nouveauté que représente le mécanisme de supervision unique, et ce notamment pour la BCE qui a certes fait ses preuves en matière monétaire, mais n’a pas d’expérience en matière de supervision, surtout d’un si grand nombre de banques. Le ministre luxembourgeois a donc plaidé pour qu’il y ait une phase de transition dans sa mise en œuvre, de façon à permettre de rectifier le tir si nécessaire.
Sujet qui importait grandement à la Commission, comme l’avaient indiqué les déclarations d’Olli Rehn la veille à l’issue de l’Eurogroupe, les ministres ont discuté des négociations en cours avec le Parlement européen sur le two-pack, paquet législatif de deux règlements visant à renforcer la gouvernance économique dans la zone euro, en complément du six-pack qui est déjà en vigueur.
La présidence, qui avait fait de ce dossier une priorité, a informé les ministres du fait qu’un accord politique avec le Parlement semble désormais très proche. Le Conseil a par conséquent demandé au COREPER de finaliser l’accord dès que les négociations avec le Parlement européen auront abouti. Le Conseil s’était accordé sur une approche générale en février dernier, tandis que le Parlement avait adopté sa position de négociation le 4 juillet 2012. Les négociations ont commencé le 11 juillet 2012.
La présidence chypriote a par ailleurs fait état des progrès réalisés au sujet de révision de la directive relative aux exigences de fonds propres (CRD IV), un échange de vues ayant suivi au Conseil. L’objectif est de parvenir à conclure d’ici la fin de l’année un accord avec le Parlement européen sur les deux propositions (la directive et un règlement) que contient ce paquet législatif qui vise notamment à transposer dans le droit européen les accords Bâle III, trouvés au niveau du G20 en novembre 2010. Le commissaire en charge du dossier, Michel Barnier, a insisté sur la nécessité d’adopter ces deux textes de façon simultanée. Il a présenté les points qui sont encore l’objet de discussions : d’une part les questions de rémunérations des dirigeants des établissements financiers en vertu d’une demande faite par le Parlement européen de responsabiliser les actionnaires, et d’autre part la question de la marge de manœuvre laissée aux Etats membres pour avoir des exigences prudentielles plus strictes au niveau national.
Le Conseil s’est entendu sur une approche générale le 15 mai 2012, et de nouvelles réunions du trilogue sont prévues les 11 et 13 décembre prochain à Strasbourg. "Malgré le nombre de questions qui restent ouvertes", la présidence chypriote tient à faire tous les efforts pour que ce dossier soit conclu d’ici la fin de l’année.
Les ministres ont tenu un débat public sur la proposition de la Commission visant à établir un mécanisme de réaction rapide contre la fraude à la TVA, un texte mis sur la table le 31 juillet dernier.
La discussion a notamment tourné autour des pouvoirs que la proposition octroie à la Commission afin d’accélérer la procédure existant actuellement en cas de fraude à la TVA. Plusieurs voix se sont élevées au Conseil, le Luxembourg suivant dans ce sens la position britannique, pour faire en sorte que la procédure de décision soit accélérée, mais ne sorte pas du giron du Conseil en maintenant le principe de l’unanimité qui est d’usage en matière fiscale. Le Coreper est donc chargé d’explorer les différentes alternatives en vue de trouver un accord au plus vite. Sur ce dossier qui relève de la fiscalité, l’unanimité est requise.
Les ministres ont par ailleurs constaté que Malte avait corrigé de façon soutenable son déficit excessif, et le Conseil a donc adopté la proposition de la Commission visant à mettre fin à la procédure de déficit excessif qui était ouverte contre Malte.
Les ministres ont aussi avalisé l’octroi de deux années supplémentaires à la Grèce pour corriger son déficit excessif, ainsi que le prévoyait l’accord trouvé par la troïka et les autorités grecques qui est à la base de l’accord trouvé à l’Eurogroupe le 26 novembre 2012. Le gouvernement grec doit réduire son déficit et le porter en-dessous du seuil de 3 % non plus en 2014, mais en 2016. Cette décision tient compte des efforts faits par la Grèce pour réduire son déficit, mais aussi de la révision à la baisse des prévisions économiques pour ce pays.
Les ministres ont par ailleurs approuvé, sans débat, un accord politique conclu avec le Parlement européen concernant une réforme de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) destinée à renforcer ses moyens de lutte antifraude. La réforme a pour objectif principal de renforcer l'efficacité de l'activité d'enquête de l'OLAF, la coopération entre celui-ci et les autorités compétentes des États membres et des pays tiers, ainsi que sa responsabilité.