Le 12 décembre 2012, le Parlement européen, réuni en plénière, a rejeté la proposition de la Commission européenne sur une nouvelle libéralisation des services d’assistance en escale (SAE) dans les aéroports de l´UE. Les députés européens ont en effet décidé de renvoyer le texte vers la commission Transports du Parlement, dans le but de renégocier une nouvelle prise de position du PE. Ce choix s'inscrit à la suite du vote de la Commission des Transports et du Tourisme qui, le 6 novembre 2012, avait rejeté, par 22 voix contre et 20 pour, la proposition du rapporteur polonais, l'eurodéputé Artur Zasada (PPE).
La proposition avait été adoptée par le Conseil Transports le 22 mars 2012, comme partie du "Paquet aéroports" présenté fin 2011 par la Commission européenne, afin de lutter contre la saturation des aéroports européens. Selon la Commission, 70 % des retards seraient dus à l'assistance au sol. La proposition de règlement consistait, pour y remédier, à porter de deux à trois, dans les aéroports de plus de 5 millions de passagers par an, le nombre de fournisseurs de services d'assistance en escale (assistance bagages, opérations en piste, assistance "carburants et huile" et traitement du fret et du tri postal).
Toutefois, le Parlement européen contestait les fondements de la démarche dans la mesure où il doutait déjà de la responsabilité des services d'assistance en escale dans les retards. "Pour les aéroports allemands, du moins, il dispose d'informations fiables indiquant que les SAE ne sont qu'une cause minime, voire négligeable, des retards. Les estimations varient entre 0,6 % et 4 %", avait signifié la commission des Transports et du Tourisme dans son rapport daté du 8 novembre 2012.
De même, cette commission était d'avis qu'une nouvelle libéralisation pourrait finalement dégrader la sécurité dans les aéroports. "Les travailleurs des SAE sont responsables de la sécurité des transports aériens, des aspects techniques de la sécurité aérienne, mais constituent aussi une défense contre certaines menaces terroristes. Le fait d'accroître la pression sociale sur les salariés et de les mettre en situation de précarité est contraire aux intérêts de sécurité de la population. Ce n'est pas en écrasant les salaires que l'on peut améliorer la qualité."
L'eurodéputé luxembourgeois, Georges Bach (PPE), reprend ces arguments dans le communiqué de presse qu'il a publié à l'issue du vote. "Le texte proposé ne m´a jamais convaincu. Je ne crois pas qu´une libéralisation supplémentaire et l´augmentation obligatoire des prestataires sur les aéroports vont entrainer automatiquement une amélioration de la qualité des services en question", déclare cet opposant de la première heure au texte. "Cette proposition allait ouvrir la porte au dumping social et à une dégradation supplémentaire des conditions de travail pour les employés."
Georges Bach, lui-même un ancien dirigeant syndicaliste dans le secteur des transports ferroviaires, s'est ainsi mêlé aux employés du secteur venus manifester devant le Parlement européen, le jour des débats et la veille du vote. Soit 3 000 personnes, dont une délégation du syndicat luxembourgeois OGBL, réunies par la Fédération européenne des travailleurs du transport (ETF). Dans le communiqué qu'il a diffusé à cette occasion, Georges Bach soulève également un problème juridique puisque ce règlement pose, selon lui, "un sérieux problème concernant la subsidiarité". Si le texte avait été adopté, l´aéroport du Luxembourg aurait dû se tenir aux mêmes règles que les grands aéroports internationaux de Francfort, Londres et Paris. Et la forme du texte, un règlement, "ne laisse aucune marge de manœuvre pour adapter les règles à la situation nationale spécifique", a-t-il fait remarquer. "Plusieurs parlements nationaux, dont la Chambre des Députés luxembourgeoise, avaient articulé leurs doutes déjà au début de l´année. "
Georges Bach espère que le nouveau passage par la commission Transports permettra de renforcer "l´aspect de la protection sociale des employés" car la situation de ces derniers dans le secteur de l´aviation "est en train de se dégrader de manière dramatique". Georges Bach fait notamment référence à la situation luxembourgeoise, en citant l´annulation des conventions collectives chez Cargolux et Luxair. Dans ce contexte, le recours aux travailleurs intérimaires et non qualifiés n´est pas une solution envisageable, parce qu´en fin de compte, ceci pourrait mettre en danger la sécurité des passagers. "La Commission européenne devrait faire des propositions constructives pour améliorer les conditions actuelles, au lieu de suivre coûte que coûte ses visions idéologiques!"
"Ceci est le résultat d’un excellent travail syndical depuis un an à travers l’UE", souligne pour sa part le syndicat OGBL dans un communiqué de presse. Il salue une "victoire" qui démontre que "le Parlement européen a compris le message clair envoyé par les travailleurs aéroportuaires qui revendiquent une proposition équilibrée du point de vue social et tenant dûment compte des expériences sur le terrain".
"Une telle politique irait de pair avec une remise en cause des conventions collectives, avec une dégradation des conditions sociales, avec le dumping social, l’outsourcing et la sous-traitance de commandes et de contrats", explique l'OGB-L qui remercie au passage les eurodéputés luxembourgeois qui se sont opposés à la proposition de la Commission.
Durant les discussions au Parlement européen, l'eurodéputé socialiste belge, Said El Khadraoui appelait au rejet de la proposition en suggérant qu'il soit laissé aux Etats membres de "décider ou non d'ouvrir davantage le marché", lit-on dans le compte-rendu publié sur le site internet du Parlement européen. L'eurodéputé Wolf Klinz (ADLE, DE) s'était rallié à cette position en déclarant que "ce ne sont pas les simples chiffres des entreprises qui sont décisifs, mais les particularités locales, les qualifications des travailleurs et les conditions de travail".
Si la proposition concernant l´assistance en escale a été rejetée, les deux autres textes composant le Paquet Aéroports ont été adoptés.
Par 501 voix pour, 155 voix contre et 8 abstentions, le Parlement européen a adopté la proposition de règlement sur les restrictions d'exploitation liées au bruit. Des objectifs spécifiques de réduction des nuisances sonores devront être établis pour chaque aéroport, mais des règles communes devront être suivies en vue de respecter ces objectifs, selon le texte adopté. Le Parlement européen a introduit une clause tenant compte des aspects sanitaires, économiques et sociaux, et suivant l'"approche équilibrée" établie par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) afin de permettre aux autorités locales de choisir les mesures d’atténuation du bruit qui présentent le meilleur rapport coût-efficacité. Les députés ont également opté pour laisser les autorités locales décider de prendre en compte ou non l'avis de la Commission européenne.
Par 565 voix pour, 69 voix contre et 26 abstentions, le Parlement européen "a approuvé des règles sur l'attribution et les échanges (secondaires) des créneaux de décollage et d'atterrissage afin de garantir que les créneaux non utilisés soient disponibles aux opérateurs intéressés dès que possible et de manière transparente, sans porter atteinte aux connexions entre les aéroports régionaux et les grands aéroports pivots", lit-on également sur le site du parlement européen. Le Conseil avait déjà fortement remanié ce texte en octobre 2012.
Par contre, les eurodéputés ont rejeté l'idée de la Commission européenne consistant à augmenter le seuil "créneau utilisé ou créneau perdu" de 80 % à 85 % des créneaux alloués mais ont par contre choisi de durcir le système de sanctions en vue de dissuader d'éventuels abus des transporteurs aériens.