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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
La Commission met sur la table une proposition de directive qui doit servir de base aux négociations sur la mise en place d’une coopération renforcée visant à introduire une taxe sur les transactions financières
14-02-2013


Le 22 janvier 2013, les ministres des Finances de l’UE donnaient leur feu vert au lancement d’une coopération renforcée visant à introduire dans les onze Etats membres y participant une taxe sur les transactions financières. Cette coopération renforcée avait été demandée à l’automne 2012, après qu’il était apparu évident qu’il ne serait pas possible, faute d’unanimité au Conseil, d’introduire une taxe sur les transactions financières (TTF) au niveau de l’UE, ainsi que l’avait proposé la Commission en septembre 2011.

Le 14 février 2013, la Commission européenne a mis sur la table une proposition législative qui devrait servir de base aux négociations que vont mener les pays participant à cette coopération renforcée et que pourront suivre les pays de l’UE qui n’y participent pas, sans toutefois pouvoir participer à la décision qui devra être prise à l’unanimité des onze.La Commission européenne a mis sur la table une proposition de taxe sur les transactions financières le 28 septembre 2011

Comme l’avaient demandé les onze États membres qui appliqueront cette taxe, la proposition de directive reprend le champ d'application et les objectifs de la proposition initiale de TTF présentée par la Commission en septembre 2011. L’approche consistant à taxer toutes les transactions ayant un lien avec la zone où s’appliquera la TTF (la "zone TTF") est maintenue, de même que les taux de 0,1 % pour les actions et les obligations et de 0,01 % pour les produits dérivés. La proposition présente toutefois certaines modifications limitées par rapport à la proposition initiale, dues au fait que la taxe sera appliquée sur un territoire géographique plus restreint que celui prévu à la base. Ces modifications visent essentiellement à assurer la clarté juridique et à renforcer les dispositions en matière de lutte contre l'évasion fiscale et les abus.

Une fois mise en œuvre par les onze États membres, la Commission européenne évalue que cette taxe sur les transactions financières devrait générer des recettes de l’ordre de 30 à 35 milliards d’euros par an.

Les principaux éléments de la proposition

La proposition de TTF de la Commission entend répondre à trois grands objectifs. Tout d’abord, elle devrait renforcer le marché unique en réduisant le nombre d’approches nationales divergentes en matière de taxation des transactions financières. Ensuite, elle permettrait de faire en sorte que le secteur financier contribue de manière équitable et substantielle aux recettes publiques. Enfin, elle soutiendrait les mesures de régulation visant à inciter le secteur financier à pratiquer des activités plus responsables, orientées vers l'économie réelle.

Comme dans la proposition initiale, la TTF reposera sur des taux faibles et une large assiette et prévoira des garde-fous contre la délocalisation du secteur financier. Comme auparavant, le "principe de résidence" s'appliquera, ce qui signifie que la taxe sera due si l'une des parties à la transaction est établie dans un État membre participant, indépendamment de l’endroit où la transaction a lieu. Ce sera le cas que l’établissement financier participant à la transaction soit lui-même établi dans la zone TTF ou qu’il agisse pour le compte d'une partie établie dans cette zone.

Comme garantie supplémentaire contre le contournement de la taxe, la proposition présentée ajoute également le "principe du lieu d’émission". Selon ce principe, les instruments financiers émis dans les onze États membres seront imposés lorsqu'ils sont négociés, même si ceux qui les négocient ne sont pas établis dans la zone TTF. Par ailleurs, des dispositions anti-abus explicites sont désormais prévues.

Comme dans la proposition initiale, la TTF ne s'appliquera pas aux activités financières courantes des citoyens et des entreprises (par exemple les prêts, les paiements, les assurances, les dépôts, etc.), afin de protéger l'économie réelle. Elle ne s'appliquera pas non plus aux activités traditionnelles des banques d'investissement dans le contexte des levées de capitaux ni aux transactions financières effectuées dans le cadre d'opérations de restructuration.

La proposition isole également les activités de refinancement, la politique monétaire et la gestion de la dette publique. Par conséquent, les transactions avec les banques centrales et la BCE, avec le Fonds européen de stabilité financière et le Mécanisme européen de stabilité, ainsi qu’avec l'Union européenne, seront exonérées de la taxe.

Le détail de la proposition

Le champ d’application de la TTF se veut large et vise à couvrir les transactions concertant tous les types d’instruments financiers

Le système commun de taxe sur les transactions financières proposé au titre de la coopération renforcée vise les transactions brutes avant toute compensation. Le champ d'application de la taxe est large, car il vise à couvrir les transactions concernant tous les types d’instruments financiers, ces derniers étant souvent de proches substituts les uns des autres.

Ainsi, il couvre les instruments négociables sur le marché des capitaux, les instruments du marché monétaire (à l’exception des instruments de paiement), les parts ou actions des organismes de placement collectif, qui incluent les organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et les fonds d'investissement alternatifs (FIA), et les contrats dérivés.

De plus, le champ d’application de la taxe ne s’arrête pas aux transactions réalisées sur les marchés organisés, comme les marchés réglementés, les systèmes multilatéraux de négociation ou les internalisateurs systématiques ; il couvre également d’autres types de transactions, comme les transactions de gré à gré. Il ne se limite par ailleurs pas au transfert de propriété mais vise expressément l’obligation souscrite, selon que la partie concernée assume ou non le risque associé à un instrument financier donné («achat et vente»).

Par ailleurs, lorsque des instruments financiers dont l’achat et la vente sont soumis à la taxe font l’objet d’un transfert entre entités distinctes d'un groupe, ce transfert est imposable même s'il ne s'agit pas d'un achat ou d'une vente.

Les échanges d’instruments financiers ainsi que les contrats de mise et de prise en pension et les contrats de prêt ou d’emprunt de titres sont explicitement intégrés dans le champ d'application de la taxe.

Afin d’éviter le contournement de la taxe, les échanges d’instruments financiers sont considérés comme donnant lieu à deux transactions financières. Par ailleurs, les contrats de mise et de prise en pension ainsi que les contrats de prêt ou d’emprunt de titres ont pour objet la mise à disposition d’une personne donnée d'un instrument financier pour une période déterminée. Pour la Commission, il convient dès lors de considérer que tous les contrats de ce type ne donnent lieu qu’à une seule transaction financière.

En outre, pour prévenir l'évasion fiscale, chaque modification substantielle apportée à une transaction financière imposable devrait être considérée comme une nouvelle transaction financière imposable du même type que la transaction initiale. Il est proposé d'ajouter une liste non limitative de ce que l’on peut considérer comme une modification substantielle.

Enfin, lorsque des contrats dérivés donnent lieu à la livraison d’instruments financiers, la livraison de ces instruments est également soumise à la taxe, en plus des contrats imposables, pour autant que toutes les autres conditions de taxation soient remplies.

En ce qui concerne les instruments financiers susceptibles de faire l'objet d'une transaction financière imposable, le cadre réglementaire applicable à l'échelle de l'Union prévoit un ensemble de définitions précis, complet et accepté. Il ressort des définitions utilisées que les transactions en devises au comptant ne sont pas des transactions financières imposables, à l’inverse des produits dérivés sur devises. Les contrats dérivés concernant les matières premières sont également couverts, mais non les transactions physiques sur ces matières premières.

Les produits structurés, à savoir des titres négociables ou d’autres instruments financiers proposés par voie de titrisation, peuvent également être l’objet de transactions financières imposables. Ces produits sont comparables à n’importe quel autre instrument financier et doivent donc être couverts par la notion d'instrument financier utilisée dans la présente proposition. Les exclure du champ d'application de la TTF créerait des possibilités de contournement. Cette catégorie de produits inclut notamment certains billets à ordre, warrants et certificats, ainsi que les titrisations bancaires, qui transfèrent généralement le risque de crédit associé à des actifs comme les prêts ou prêts hypothécaires, et les titrisations d'assurance, qui supposent le transfert d’autres types de risques, comme le risque de souscription.

Le champ d’application de la taxe est cependant axé sur les transactions financières effectuées par les établissements financiers agissant en tant que partie à une transaction financière, que ce soit pour leur propre compte ou pour le compte de tiers, ou agissant au nom d'une partie à la transaction.

Cette approche permet de garantir une application exhaustive de la TTF. Dans la pratique, la présence de transactions financières se reflète généralement dans les écritures correspondantes des livres comptables.

Les exclusions

Il importe que l’instauration de la TTF n’ait pas d’incidence négative sur les possibilités de refinancement des établissements financiers et des États, ni sur les politiques monétaires en général, pas plus que sur la gestion de la dette publique. En conséquence, il y a lieu d’exclure du champ d’application de la directive les transactions avec la Banque centrale européenne, le Fonds européen de stabilité financière, le Mécanisme européen de stabilité, l’Union européenne dans l’exercice de ses fonctions liées à la gestion de ses avoirs, des prêts à la balance des paiements et d’activités similaires, et les banques centrales des États membres.

Dans la mesure où la directive 2008/7/CE interdit ou pourrait interdire l'imposition de taxes sur certaines opérations, notamment les transactions financières dans le cadre des opérations de restructuration ou de l'émission de titres définies par cette directive, il convient que les opérations concernées ne soient pas soumises à la TTF. L’objectif est d’éviter toute possibilité de conflit avec la directive 2008/7/CE, sans qu'il soit nécessaire de déterminer les limites précises des obligations imposées par ladite directive. De plus, indépendamment de la mesure dans laquelle la directive 2008/7/CE interdit l’imposition de l’émission d’actions et de parts d’organismes de placement collectif, des considérations de neutralité fiscale requièrent qu’un seul traitement s’applique aux émissions de tous ces organismes. Le remboursement des actions et parts émises par ces organismes ne présente toutefois pas la nature d’une transaction du marché primaire et il convient donc qu'il soit soumis à la taxe.

Outre l’exclusion des marchés primaires exposée ci-dessus, la plupart des activités financières quotidiennes qui concernent les citoyens et les entreprises restent en dehors du champ d’application de la TTF. C’est le cas de la conclusion de contrats d’assurance, de prêt hypothécaires, de crédits à la consommation, de prêts aux entreprises, de services de paiement, etc. (bien que la négociation ultérieure de ceux-ci au moyen de produits dérivés soit couverte). De même, les transactions en devises sur les marchés au comptant ne relèvent pas du champ d’application de la TTF, ce qui permet de préserver la libre circulation des capitaux. Toutefois, les contrats dérivés concernant des transactions en devises sont couverts par la TTF dès lors qu’ils ne constituent pas des transactions en devises à proprement parler.

La définition des établissements financiers est large

La définition des établissements financiers est large; elle couvre essentiellement les entreprises d’investissement, les marchés organisés, les établissements de crédit, les entreprises d’assurance et de réassurance, les organismes de placement collectif et leurs gestionnaires, les fonds de pension et leurs gestionnaires, les sociétés de participation, les entreprises de crédit-bail et les entités de titrisation et se réfère, dans la mesure du possible, aux définitions établies dans la législation applicable de l’Union adoptée à des fins de réglementation. De plus, d’autres entreprises, établissements, organismes ou personnes qui exercent certaines activités financières, dont la valeur annuelle moyenne des transactions financières est importante, devraient être considérés comme des établissements financiers. La présente proposition fixe le seuil à 50 % du chiffre d'affaires annuel net moyen global de l’entité concernée.

La proposition de directive prévoit des modalités techniques supplémentaires pour calculer la valeur des transactions financières et la moyenne des valeurs visées en ce qui concerne les entités pouvant être considérées comme des établissements financiers du seul fait de la valeur des transactions financières qu'elles effectuent; elle établit également des dispositions concernant les situations dans lesquelles ces entités ne sont plus considérées comme des établissements financiers.

Les contreparties centrales, les dépositaires centraux de titres (CSD), les dépositaires centraux internationaux de titres ainsi que les États membres et les organismes publics chargés de la gestion de la dette publique ne sont pas considérés, dans l'exercice de ces fonctions, comme des établissements financiers dans la mesure où ils ne se livrent pas à des activités de négociation à proprement parler. Ils jouent également un rôle essentiel dans l'amélioration de l’efficacité et de la transparence du fonctionnement des marchés financiers et dans la bonne gestion de la dette publique. Toutefois, en raison de leur rôle central, il importe de maintenir certaines obligations visant à garantir le paiement de la taxe aux autorités fiscales et concernant la vérification du paiement.

La notion d’établissement est basée sur le principe de la résidence, auquel s’ajoutent des éléments relevant du principe du lieu d’émission

L’application territoriale de la TTF proposée et les droits d’imposition des États membres participants sont définis sur la base des règles établies à l’article 4 de la directive proposée. Cette disposition fait référence à la notion d’établissement. En substance, elle est fondée sur le "principe de la résidence" auquel s’ajoutent des éléments du principe du lieu d’émission en vue principalement de renforcer la lutte contre la délocalisation.

Pour qu’une transaction financière soit imposable dans les États membres participants, l’une des parties à la transaction doit être établie sur le territoire d’un État membre participant. L’imposition aura lieu dans l’État membre participant sur le territoire duquel l’établissement d’un établissement financier est situé, à condition que cet établissement financier soit partie à la transaction, que ce soit pour son propre compte ou pour le compte d'un tiers, ou qu'il agisse au nom d'une partie à la transaction.

Lorsque les établissements des différents établissements financiers parties à la transaction ou agissant au nom d'une de ces parties sont situés sur le territoire d'États membres participants différents chacun de ces différents États membres aura compétence pour taxer la transaction aux taux qu’il a fixés conformément à la proposition. Lorsque les établissements concernés sont situés sur le territoire d'un État qui n'est pas un État membre participant, la transaction n'est pas soumise à la TTF dans un État membre participant, sauf si l’une des parties à la transaction est établie dans un État membre participant, auquel cas l'établissement financier qui n'est pas établi dans un État membre participant sera également considéré comme étant établi dans l’État membre participant concerné et la transaction y devient imposable.

Dans le cadre de la proposition initiale de la Commission, qui remonte à septembre 2011, la référence à un établissement financier agréé par un État membre couvrait les autorisations de siège et les autorisations fournies par l'État membre concerné pour ce qui est des transactions effectuées par les établissements financiers des pays tiers sans présence physique sur le territoire de cet État membre. Dans l'ancienne configuration, les transactions pouvaient être couvertes, selon le cas, par un "passeport" prévus par la législation de l'Union européenne. La seule "autorisation" est alors celle accordée au siège de l’établissement financier. Dans un contexte de coopération renforcée, une nouvelle configuration peut apparaître, dans laquelle des établissements ayant leur siège social dans un État membre non participant exercent leurs activités sur la base d'un "passeport" dans la juridiction TTF. Ce dernier cas de figure doit être assimilé à la situation des établissements de pays tiers exerçant leurs activités sur la base d'une autorisation spécifique accordée par l'État membre concerné par la transaction.

Le principe de résidence est également complété par des éléments du "principe du lieu d’émission" en dernier ressort afin d'améliorer la résilience du système de lutte contre la délocalisation. En effet, si l’on complète le principe de résidence par le principe du lieu d’émission, il sera moins avantageux de délocaliser des activités et des établissements en dehors des juridictions TTF, puisque la négociation des instruments financiers soumis à taxation au titre de ce dernier principe et émis dans les juridictions TTF constituera de toute façon une opération imposable. Ce qui précède vaut dans les cas où aucune des parties à la transaction ne serait "établie" dans un État membre participant sur la base des critères définis dans la proposition initiale de la Commission, mais où ces parties commercialiseraient des instruments financiers émis dans cet État membre. Sont essentiellement concernées les actions, obligations et titres équivalents, les instruments du marché monétaire, les produits structurés, les actions et parts dans des organismes de placement collectif et les produits dérivés négociés sur des systèmes ou plateformes de négociation organisés. Dans le cadre du principe du lieu d’émission, qui sous-tend également certaines taxes nationales existantes sur le secteur financier, la transaction est liée à l’État membre participant dans lequel se situe l’émetteur. Les personnes intervenant dans cette transaction seront considérées comme étant établies dans cet État membre en raison de ce lien, et les établissements financiers concernés devront payer la TTF dans cet État.

Tous ces critères sont doublés d’une règle générale se rapportant au cas où la personne redevable de la taxe apporte la preuve de l’absence de lien entre la réalité économique de la transaction et le territoire d’un État membre participant. Dans ce cas, l’établissement financier ou toute autre personne ne sera pas considéré comme étant établi dans un État membre participant.

Dans l’ensemble, il est garanti que la taxation ne peut avoir lieu qu’en présence d’un lien suffisant entre la transaction considérée et le territoire de la juridiction TTF. Tout comme dans la législation existante de l’Union en matière de fiscalité indirecte, le principe de territorialité est pleinement respecté, assure la Commission.

Exigibilité, montant imposable et taux

La taxe devient exigible au moment où la transaction financière a lieu. L’annulation ultérieure de la transaction ne peut être considérée comme un motif de non-exigibilité de la taxe, sauf en cas d'erreur.

Étant donné que les transactions sur produits dérivés et sur instruments financiers autres que les produits dérivés présentent une nature et des caractéristiques différentes, elles doivent être associées à des montants imposables différents.

Pour l’achat et la vente d’instruments financiers (autres que les contrats dérivés), un prix ou une autre forme de rémunération est généralement fixé. C’est logiquement ce prix ou cette rémunération qui doit constituer le montant imposable. Toutefois, pour éviter les distorsions sur le marché, il convient de fixer des règles particulières lorsque la rémunération est inférieure au prix du marché ou lorsque la transaction est effectuée entre entités d'un même groupe et ne relève pas des notions d'achat et de vente. Dans ces cas, le montant imposable correspond au prix du marché dans des conditions normales de concurrence au moment où la TTF devient exigible. Les transactions entre entités d’un groupe sont susceptibles de prendre la forme de transferts sans rémunération, tandis que les transferts avec rémunération relèvent des notions d’achat et de vente.

En ce qui concerne l'achat, la vente, le transfert, l’échange et la conclusion de contrats dérivés, et les modifications substantielles apportées à ceux-ci, le montant imposable de la TTF correspond au montant notionnel visé dans le contrat dérivé au moment de l’achat, de la vente, du transfert, de l’échange ou de la conclusion dudit contrat ou lorsque l'opération concernée est substantiellement modifiée. Cette manière de procéder permet une application directe et facile de la TTF aux contrats dérivés tout en réduisant les coûts de conformité et les coûts administratifs. De même, elle rend plus difficile une réduction artificielle de la charge fiscale par l’adoption de formes créatives de contrats dérivés, étant donné qu’il ne serait pas fiscalement intéressant de conclure un contrat sur la base de différences de prix ou de valeurs uniquement. De plus, elle implique une taxation au moment de l’achat, de la vente, du transfert, de l’échange ou de la conclusion du contrat ou de la modification substantielle de l’opération concernée, plutôt qu’une taxation des flux de trésorerie à différents moments au cours du cycle de vie du contrat. Le taux à utiliser dans ce cas devra être relativement bas pour entraîner une charge fiscale adéquate.

La Commission estime qu’il pourrait être nécessaire de prévoir des dispositions particulières dans les États membres participants afin de prévenir la fraude et l'évasion fiscales, et il est proposé d’inclure une règle antiabus générale. Cette règle pourrait être appliquée lorsque le montant notionnel est divisé artificiellement: par exemple, le montant notionnel d’un swap pourrait être divisé par un facteur arbitrairement élevé et l’ensemble des paiements multipliés par ce même facteur. Les flux de trésorerie liés à l’instrument resteraient inchangés, mais la base imposable s’en trouverait arbitrairement réduite.

Des dispositions particulières sont nécessaires aux fins de la détermination du montant imposable pour les transactions dans lesquelles le montant imposable ou des parties de celui-ci sont libellés dans une monnaie autre que celle de l’État membre participant où la taxe est calculée.

Les transactions sur produits dérivés et celles portant sur les autres instruments financiers sont de nature différente. De plus, les marchés sont susceptibles de réagir différemment à l'application d'une même taxe sur les transactions financières pour chacune de ces deux catégories. Pour ces raisons, et afin d'assurer une taxation largement équivalente, il convient de différencier les taux entre ces deux catégories, estime la Commission.

Il faut que les taux tiennent également compte des différences dans la méthode de détermination du montant imposable.

De manière générale, les taux de taxation minimaux proposés (au-delà desquels il existe une marge de manœuvre pour les politiques nationales) sont fixés à un niveau suffisamment élevé pour que l'objectif d'harmonisation de la présente directive puisse être atteint. Dans le même temps, ils sont suffisamment bas pour réduire au minimum le risque de délocalisation.

Les taux proposés seront au minimum de 0,1 % pour les actions et obligations, et de 0,01 % pour les produits dérivés.

 Paiement de la TTF, obligations connexes et prévention de la fraude, de l’évasion ou des abus

Les établissements financiers devraient être redevables de la taxe auprès des autorités fiscales des États membres participants sur le territoire desquels ces établissements financiers sont considérés comme établis. Toutefois, afin d’éviter une taxation en cascade, lorsqu’un établissement financier agit au nom ou pour le compte d'un autre établissement financier, il y a lieu que seul ce dernier soit redevable du paiement de la taxe.

Il est également proposé de veiller autant que possible à ce que la TTF soit effectivement payée. Selon les dispositions de cette proposition, si la TTF due pour une transaction n’a pas été versée en temps voulu, il convient dès lors de considérer chaque partie à cette transaction comme étant solidairement responsable du paiement de la taxe. En outre, il y a lieu de donner aux États membres participants la possibilité de considérer d'autres personnes comme solidairement responsables du paiement de la taxe, y compris lorsqu’une partie à une transaction a son siège social en dehors du territoire des États membres participants.

La proposition prévoit également des délais pour le versement de la TTF sur les comptes désignés par les États membres participants. La plupart des transactions financières sont effectuées par voie électronique. Dans ces cas, la TTF devrait être payée au moment même où elle devient exigible. Dans les autres cas, il convient que la taxe soit payée dans un délai qui, tout en étant suffisamment long pour permettre le traitement manuel du paiement, ne procure pas un avantage de trésorerie indu à l'établissement financier concerné. Un délai de trois jours ouvrables à compter du moment où la taxe devient exigible peut être considéré comme approprié à cet égard.

Il importe que les États membres participants soient tenus de prendre des mesures nécessaires l’enregistrement, la comptabilité et la fourniture d’informations ainsi que les obligations d’autre nature visant à ce que la TTF soit prélevée de manière correcte et en temps voulu et effectivement payée aux autorités fiscales. À cet égard, il est proposé de donner compétence à la Commission pour préciser les règles à respecter. Cette manière de procéder est jugée nécessaire afin de garantir l'harmonisation des mesures visant à réduire les coûts de conformité pour les opérateurs et de permettre des adaptations techniques rapides, le cas échéant..

La proposition de directive impose aussi aux États membres de prendre des mesures visant à prévenir la fraude et l'évasion fiscales.

Par ailleurs, pour contrer le risque d’abus qui pourrait compromettre le bon fonctionnement du système commun de TTF, il est proposé de prévoir diverses modalités dans la directive. Ainsi, la proposition contient une règle anti-abus générale, inspirée de la clause similaire contenue dans la recommandation de la Commission du 6 décembre 2012 relative à la planification fiscale agressive, ainsi qu’une disposition reposant sur les mêmes principes mais couvrant les problèmes spécifiques liés aux certificats de titre en dépôt et autres titres similaires.

Pour éviter toute complication de la perception de la taxe du fait de méthodes de collecte différentes ainsi que les coûts de conformité superflus qui en découlent, il convient d’uniformiser les méthodes appliquées par les États membres participants pour la collecte de la TTF due, dans la mesure nécessaire à ces fins. L’uniformisation de ces méthodes devrait également contribuer à l'égalité de traitement de tous les contribuables. Par conséquent, la proposition de directive prévoit de conférer à la Commission des compétences lui permettant d’adopter des mesures d'exécution à cet effet.

Afin de faciliter la gestion de la taxe, les États membres participants pourraient mettre en place des registres nationaux (accessibles au public) répertoriant les entités TTF.

Outre les discussions sur la définition de méthodes de collecte uniformes dans le cadre du comité compétent, la Commission pourrait organiser régulièrement des réunions d'experts en vue d'examiner avec les États membres participants la mise en œuvre de la directive après son adoption, en particulier les moyens permettant de garantir le paiement approprié de la taxe et la vérification du paiement, ainsi que les questions relatives à la prévention de la fraude, de l’évasion et des abus.

Incidence budgétaire

Selon les premières estimations, en fonction des réactions des marchés, les recettes de cette taxe auraient pu s’élever à un montant compris entre 30 et 35 milliards d’euros par an dans l'ensemble des États membres participants si la proposition initiale pour l’UE avait été appliquée aux onze États membres concernés.

Toutefois, si l'on tient compte des effets nets des adaptations apportées par rapport à la proposition initiale, notamment le fait que

  1. l’émission des parts et actions des OPCVM et des FIA n'est plus considérée comme n'étant pas une transaction du marché primaire et que
  2. les dispositions du principe de résidence visant à lutter contre la délocalisation, définies initialement ont été renforcées et complétées par des éléments du principe du lieu d’émission,

les premières estimations indiquent que les recettes de cette taxe pourraient être de l'ordre de 31 milliards d'euros par an.

La proposition de cadre financier pluriannuel que la Commission avait présentée le 29 juin 2011 prévoit qu'une partie des recettes générées par la TTF soit utilisée comme ressource propre du budget de l’Union. La ressource fondée sur le RNB provenant des États membres participants serait diminuée en conséquence. L'accord trouvé au Conseil européen des 7 et 8 février 2013 invite les États membres participants à examiner si la TTF pourrait constituer la base d’une nouvelle ressource propre du budget de l'Union.