Les ministres des Finances de l’UE se sont retrouvés à Luxembourg le 9 octobre pour un Conseil au cours duquel le Luxembourg a été représenté par le ministre Luc Frieden et le Représentant permanent du Grand-Duché auprès de l’UE, Christian Braun.
Les ministres de la zone euro avaient ouvert la voie la veille à un accord sur le versement au Portugal d’une nouvelle tranche d’aide, et les ministres de l’UE ont suivi le pas en adoptant aussi des conclusions visant à donner au Portugal une année supplémentaire pour corriger son déficit excessif.
Ils ont donc adopté, à l’exception du Royaume-Uni qui s’est abstenu, une décision modifiant les conditions de l'assistance financière accordée au Portugal dans le cadre du Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), en vue du déboursement de la prochaine tranche de l'assistance financière. Par ailleurs, les ministres ont adopté une recommandation révisée à l'intention du Portugal concernant les mesures à prendre pour ramener en 2014 le déficit public sous la valeur de référence de l'UE de 3 % du PIB, en allégeant les objectifs de déficit public fixés pour 2012 et 2013. La recommandation fixe, en matière de déficit public, des objectifs de 5 % du PIB pour 2012, 4,5 % pour 2013 et 2,5 % pour 2014.
Le grand sujet de ce Conseil ECOFIN fut toutefois l’éventuelle introduction d’une taxe sur les transactions financières. On se souvient dans ce dossier que, faute d’unanimité au Conseil, la proposition de la Commission d’introduire une telle taxe comme contribution au budget de l’UE avait été classée sans suite en juin dernier. Plusieurs pays avaient alors exprimé le souhait d’avancer sur le dossier dans le cadre du mécanisme de coopération renforcée introduit par le traité de Lisbonne.
Après plusieurs mois de silence, les choses ont commencé à bouger lorsqu’Allemagne et France ont relancé les 27 fin septembre afin de faire avancer cette idée d’une coopération renforcée.
Au cours du Conseil, la Commission a donc annoncé avoir été saisie d’une demande écrite de sept Etats membres, à savoir l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la France, la Grèce, le Portugal et la Slovénie, tandis que quatre délégations, celles de l’Espagne, de l’Estonie, de l’Italie et de la Slovaquie, ont annoncé à l’occasion du Conseil leur volonté de rejoindre le mouvement. C’est aux Etats désireux de voir la Commission faire une proposition législative de lui préciser le champ d’application et les objectifs de cette coopération renforcée.
"Nous avons reçu aujourd’hui un signe clair – et très bienvenu – qu’il y a un nombre suffisant d’Etats membres à bord en faveur d’une taxe sur les transactions financières européennes", a indiqué le commissaire Algirdas Semeta qui a précisé que les demandes formulées invitaient à avancer sur la base de la proposition faite par la Commission en septembre 2011. Les objectifs de son initiative étaient alors de tirer un nouveau revenu d’un secteur sous-taxé et d’encourager par la même occasion des échanges plus responsables sur les marchés. Il s’agissait aussi d’éviter la mise en place d’un patchwork de taxes mises en place par les différentes banques centrales qui auraient été problématiques pour le marché unique. Autant d’objectifs qui restent à la fois "faisables et d’actualité" pour le commissaire qui entend proposer un texte pour le Conseil ECOFIN du mois de novembre.
Le Luxembourg ne compte pas parmi les pays désireux de participer. Le ministre Luc Frieden s’en est expliqué sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg. "Luxembourg constate que les autres grands centres financiers, en Europe et en dehors, ne participent pas à l’introduction d’une telle taxe", a-t-il expliqué, citant les places financières de New York, Zürich, Hong-Kong, Singapour, mais aussi Dublin et Londres. Ce que craint le ministre des Finances si la TTF devait être introduite au Luxembourg, c’est une délocalisation de l’industrie financière qui est un pilier de l’économie du Grand-Duché, avec toutes les conséquences que cela aurait en termes de revenus et d’emploi. "Tant que les autres grands centres financiers ne participeront pas, le Luxembourg ne participera pas", a-t-il résumé.
Du côté du Parlement européen, l’eurodéputée Anni Podimata (S&D), qui suit le dossier, s’est félicitée de la décision des 11 Etats membres qui veulent introduire une taxe sur les transactions financières sur la base d’une coopération renforcée. Il s'agit selon elle d'une "taxe équitable d'un point de vue social, un élément indispensable d'une solution globale et cohérente pour sortir de la crise". Elle voit dans cette décision "une récompense pour le Parlement, qui appelle à l'introduction d'une telle taxe depuis deux ans".
L’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts/ALE) a réagi par voie de communiqué, déplorant le refus du Luxembourg de participer à cette initiative. Une occasion perdue pour le Grand-Duché de participer activement à un projet de politique européenne important, regrette-t-il à un moment où une participation du secteur bancaire aux solutions à la crise pourrait enfin se concrétiser. "Notre pays freine encore en matière de politique fiscale et laisse ainsi entendre que la crise pourrait être résolue sans nouvelles ressources financières", critique encore Claude Turmes qui voit là "une erreur fatale".
Le Conseil ECOFIN a aussi été l’occasion de poursuivre les discussions engagées à Chypre en septembre dernier par les ministres des Finances sur les propositions de la Commission en matière de surveillance du secteur bancaire.
Un dossier fortement lié aux négociations qui sont en cours au sujet du paquet CRD IV, un ensemble de deux propositions visant à modifier les règles européennes en matière d’obligation de capital pour les banques et les entreprises d’investissement afin d’intégrer dans le droit européen l’accord Bâle 3 trouvé en novembre 2010.
La proposition de la Commission date de juillet 2011 et le Conseil avait réussi à trouver une ébauche de compromis au cours de discussions informelles en mai 2012, position qui avait été finalisée lors de l’ECOFIN du mois de mai.
Les négociations sont actuellement en cours au sein du trilogue, qui réunit Commission, Conseil et Parlement européen, et le commissaire Michel Barnier a fait le point avec les ministres sur les avancées de ces discussions délicates qui requièrent à la fois pragmatisme et précision. Il se félicite des avancées qu’il a pu constater lors de la dernière réunion du trilogue, le 3 octobre dernier, et il espère que les deux prochaines réunions, dont la dernière est prévue le 21 octobre, permettront d’aboutir à un accord qui lui semble nécessaire afin d’offrir au secteur bancaire le cadre réglementaire stable dont il a besoin pour faire son travail. Un vote en plénière est envisagé au Parlement européen pour la session de novembre.
Christian Braun a saisi l’occasion pour exprimer l’inquiétude du Luxembourg devant "la remise en cause assez importante de l’équilibre fragile entre Etats membres d’origine et Etats membres d’accueil au niveau des règles de liquidité et des règles de fonds propres" qu’il a constatée lors de la dernière réunion en trilogue. "Notre position sur le paquet global sera tributaire essentiellement du maintien de cet équilibre", a mis en garde le représentant du Luxembourg pour qui les textes du CRD 4 font un tout avec les propositions sur l’union bancaire.