"Je n'ai pas attendu une telle proposition de la part de la Commission pour développer une ‘garantie jeunes'", rétorque le ministre du Travail, Nicolas Schmit, dans sa réponse à une question parlementaire posée par la députée Déi Gréng, Viviane Loschetter, au sujet des modalités de transposition au niveau national de cette initiative développée à l’échelle européenne.
Le 5 décembre 2012, la Commission avait présenté une proposition de recommandation du Conseil sur l'établissement d'une Garantie pour la jeunesse. Le 16 janvier 2013, le Parlement européen avait demandé aux ministres européens de l'Emploi de mettre rapidement en œuvre ce nouvel instrument. A cette occasion, l’eurodéputé vert, Claude Turmes, attribuant au passage la paternité d’une telle idée aux écologistes, avait alors prié le ministre Nicolas Schmit, de dire clairement ses intentions. La question de sa colistière et députée luxembourgeoise, Viviane Loschetter, était parvenue à la Chambre des députés deux jours plus tard.
Dans sa réponse datée du 20 février 2013, Nicolas Schmit se défend de toute inaction en rappelant que la proposition n’a pas encore été adoptée par les ministres européens. Depuis le dépôt de la question parlementaire de Viviane Loschetter, elle a été discutée dans différents groupes de travail au niveau communautaire. Et elle est à l’ordre du jour du Conseil EPSCO du 28 février 2013, qui devrait l’adopter."Ce ne sera que par la suite que cette recommandation sera applicable", souligne-t-il. Lors du conseil informel EPSCO des 7 et 8 février 2013, Herman Van Rompuy avait d’ailleurs proposé un financement de 6 milliards d’euros pour l’Initiative pour l’emploi des jeunes, au menu de laquelle figure la Garantie pour la jeunesse.
Le ministre Nicolas Schmit rappelle qu’il s’est impliqué en faveur de la Garantie pour la jeunesse par sa participation à la rédaction d’un rapport du Parti Socialiste Européen (FSE) sur le chômage des jeunes, diffusé en mars 2012. De surcroît, le ministre du Travail l’avait également évoquée au niveau national, lors de sa présentation, le 27 mars 2012, d’un plan d'action en faveur de l'emploi des jeunes, devant les partenaires sociaux réunis au sein du Comité permanent du travail et de l'emploi.
Ce plan se donnait, entre autres, un objectif proche de celui que poursuit la Garantie pour la jeunesse. Nicolas Schmit en cite un extrait du plan, à savoir que tout doit être mis en œuvre pour "proposer à tout jeune endéans des premiers quatre mois, soit un emploi, soit une mesure lui permettant de s'insérer professionnellement ou d'améliorer sérieusement son employabilité, soit une formation professionnelle ou une qualification, soit un retour à l'école pour ceux notamment qui ont interrompu leur scolarité prématurément".
Le plan, que le ministre joint à sa réponse, rappelait que "la durée joue un rôle primordial dans le mécanisme d'exclusion du marché du travail" et que "près de 1 000 jeunes inscrits à l'ADEM le sont depuis plus de 4 mois", dont 64 % ne disposaient alors "d'aucune ou tout au plus d'une faible" formation professionnelle.
Ce plan misait notamment sur le développement et le renforcement de l'apprentissage, en constatant que "les pays qui favorisent à une vaste échelle l'apprentissage combinant l'école et la formation dans l'entreprise connaissent le plus faible taux de chômage des jeunes". Il impliquait l’étude de la pertinence de créer des formules d'apprentissage postsecondaires dans le secteur des services appelés à se développer.
Nicolas Schmit explique que son objectif est de mettre en œuvre la Garantie pour la jeunesse "avant le mois de juin 2014 au plus tard", date de la fin de son mandat actuel.
Cette mise en œuvre repose sur trois piliers:
- un service emploi des jeunes de l'ADEM "renforcé et capable de répondre aux besoins spécifiques de certains jeunes", pour lequel, "dans les prochains mois", les effectifs du service seront doublés ;
- une collaboration étroite avec le service de l'Orientation professionnelle de l'ADEM, l'Action locale jeunes et le Service national de la jeunesse, lesquels ont déjà développé leurs propres approches à l'égard des jeunes éloignés du marché du travail ;
- une sensibilisation envers les employeurs disposés à embaucher des jeunes, "y compris dans le cadre des différentes mesures d'emploi".
Nicolas Schmit explique que le renforcement du service emploi des jeunes de l'Agence pour le développement de l'emploi et l’amélioration de la collaboration entre les différents services de l'orientation sont déjà en cours. Les services de l'Agence pour le développement de l'emploi, le service de la formation professionnelle du ministère de l'Éducation nationale et de la formation professionnelle ainsi que des représentants du Centre national de formation professionnelle continue se réunissent pour leur part régulièrement au sein d'une commission qui accompagne l'organisation, la gestion et l'évaluation de formations à l'attention des demandeurs d'emploi inscrits. Nicolas Schmit compte également, au titre de cette démarche de rapprochement entre acteurs, l’inauguration survenue le 26 septembre 2012, d’une Maison de l’orientation, qui regroupe sous un même toit différents services.
Le ministre du Travail a également lancé deux projets de pilote avec des jeunes chômeurs éloignés du marché du travail. Le premier fut réalisé durant l’année 2012. Cinquante-et-un jeunes ont reçu une formation avant d’être orientés "vers les voies les plus appropriées", que ce soit un retour à l'école, une formation complémentaire avant un apprentissage ou vers un emploi. Un deuxième projet, visant principalement le retour de jeunes à l'école, a pour sa part été lancé en janvier 2013 avec cinquante-six d’entre eux.
Pour ce qui est du suivi politique, le ministre du Travail explique que le chômage des jeunes a notamment été traité par un Comité permanent pour le travail et pour l’emploi, le 20 février 2013. Durant cette réunion, il a notamment été décidé de poursuivre le "projet pilote pour jeunes très éloignés du marché du travail".
Le ministre du Travail, Nicolas Schmit, évoque également le projet de loi modifiant le Code du Travail pour adapter les mesures en faveur de l'emploi des jeunes de l'Agence pour le développement de l'emploi, à savoir le contrat d'initiation à l'emploi (CIE) et le contrat d'appui à l'emploi (CAE). Déposé le 8 janvier 2013, ce projet de loi a été adopté le 26 février 2013 par la Chambre des députés.
Ces mesures comptent parmi les offres qu’un Etat membre doit proposer à un jeune chômeur dans les quatre mois suivant son inscription au chômage. D’ailleurs, l’une des nouveautés du texte consiste à réserver dorénavant ces mesures, aux jeunes chômeurs de moins de 30 ans, inscrits depuis au moins trois mois au chômage. "Il faut à tout prix éviter le chômage de longue durée, pour les diplômés autant que pour les non-diplômés", prône d’ailleurs l’exposé des motifs du projet de loi adopté par la Chambre des députés
Le plan d’action de mars 2012 présentait le souci de combattre les discriminations contre les jeunes chômeurs "qui se sentent exclus et qui risquent d'être stigmatisés pendant toute leur vie professionnelle (plus grande instabilité, risque de précarité et salaire plus bas et finalement retraite incomplète menant à la pauvreté)".
La modification législative vise à lutter contre la discrimination que peut subir un jeune chômeur qui n’aurait pas été embauché par son "promoteur" à l’issue d’un CIE, échec dans lequel d’autres employeurs potentiels voient parfois "un signe de manque de productivité", selon les termes employés par l’exposé des motifs. En introduisant une certification des formations et de la mesure, ainsi que des évaluations individuelles répétées au cours de la réalisation de la mesure, le texte doit gommer cet "effet potentiel de stigmatisation". Dans ce contexte, la nouvelle législation réduit le soutien financier aux "promoteurs" afin d’éviter les abus et que soit offert "le plus rapidement possible un emploi définitif". Au cours du débat à la Chambre, le ministre s’est aussi engagé à ce que les entreprises qui systématiquement n’embauchent pas les jeunes à l’issue du CIE soient exclues du mécanisme.
Le CAE a pour défaut de ne pas être destiné à offrir une réelle perspective d’emploi dans l’établissement public où se déroule la mesure. La loi doit donc "rendre l’aspect formation le plus efficace possible", en s’attachant à combler les "manques de compétences". Cet effort s’opèrerait par le renforcement de l’encadrement du jeune stagiaire tout au long de la mesure et la réalisation de deux évaluations individuelles.
Le texte de loi s’intéresse également aux chômeurs diplômés, concernés par une mesure dite CIE-EP, introduite fin 2009. "Suite à la crise économique, les difficultés de (re)trouver un emploi se sont étendues même aux jeunes diplômés", constate l’exposé des motifs. A la fin du mois de décembre 2012, 2 189 détenteurs d'un diplôme supérieur (14,1 %) étaient inscrits à l'Adem.
Trois mois plus tôt, en septembre 2012, on comptait 3 682 demandeurs d’emploi de moins de 30 ans enregistrés auprès de l’Agence pour le développement de l’emploi. S’y rajoutaient 1 426 jeunes bénéficiant d’une mesure en entreprise, dont 299 en contrat d’appui-emploi (CAE), 687 en contrat d’initiation à l’emploi (CIE) et 220 en contrat d’initiation à l’emploi-expérience pratique (CIE-EP).