Le 8 mars 2013, la presse luxembourgeoise était conviée à la Maison de l’Europe pour se voir présenter par Charles Margue, directeur d’études auprès du TNS ILRES, le rapport national basé sur les résultats au Luxembourg de l’Eurobaromètre 78, sondage effectué à l’automne 2012 auprès d’un échantillon de 500 résidents du Grand-Duché. Une étude réalisée à la demande de la représentation de la Commission au Luxembourg.
Lorsqu’on leur demande s’ils se sentent citoyens de l’UE, les répondants du Grand-Duché affichent, comme on peut l’observer depuis des années, un score record dans l’UE de 87 % de "oui". Le Luxembourg reste donc fidèle à son titre de champion de l’europhilie, suivi par la Finlande (78 % de "oui"). Parmi les voisins du Grand-Duché, 74 % des sondés ont répondu se sentir citoyens européens en Allemagne, 68 % en Belgique et 66 % en France. Dans l’UE, ce sont en moyenne 63 % des sondés qui répondent de la sorte, un chiffre qui est au plus bas en Grèce, avec 46 % seulement de "oui", mais qui n’est pas non plus bien élevé au Royaume-Uni (48 %) - ce qui n’étonne guère Charles Margue au vu de l’attitude ambivalente des Britanniques à l’égard de l’UE -, mais aussi en Italie, pourtant un des six membres fondateurs, où le "oui" est donné comme réponse par 51 % des répondants seulement.
Quand ils se voient demander s’ils connaissent leurs droits en tant que citoyens de l’UE, les sondés du Luxembourg sont 63 % à répondre par l’affirmative, devancés par les Finlandais, qui répondent "oui" à 67 %, et suivis de près par les répondants du Danemark (62 %). Reste qu’un tiers des répondants dit ne pas connaître ses droits au Luxembourg. La réponse dépend très largement de l’âge et du niveau d’éducation des sondés. Dans l’UE, 45 % des personnes en moyenne ont répondu connaître leurs droits en tant que citoyens de l’UE. Un chiffre qui est au plus bas en Italie, en France et au Portugal et en Roumanie ou à peine un répondant sur trois a répondu par l’affirmative.
"Quels sont les résultats positifs de l’UE ?", se sont vus demander ensuite les sondés qui ont été 61 % à choisir, dans une liste de propositions, la paix entre les Etats membres de l’UE (une réponse citée par 71 % des répondants en Allemagne, comme l’a relevé Charles Margue), 59 % la libre circulation des personnes, des biens et des services dans l’UE et 44 % l’euro. Le premier choix fut toutefois pour 40 % la paix, et pour 27 % la libre circulation, ce qui permet de mieux saisir ce qui vient spontanément à l’esprit des répondants lorsqu’ils pensent à la construction européenne. Autour de 20 % des répondants ont choisi ensuite l’influence politique et diplomatique de l’UE dans le reste du monde, le niveau de protection sociale dans l’UE ou encore les programmes d’échange d’étudiants comme Erasmus. Une réponse mise en exergue par Charles Margue qui observe qu’il est notable qu’un programme de l’UE soit autant cité, et ce dans un contexte où, en pleines discussions budgétaires, son financement semblait menacé.
Les personnes interrogées ont eu à choisir entre une liste de propositions présentées comme les réalisations de la construction européenne dont le citoyen a profité. Dans l’UE, comme au Luxembourg, c’est clairement le fait qu’il y ait moins de contrôle aux frontières qui apparaît en tête. La différence est toutefois notable entre une réponse choisie par 41 % des répondants dans l’UE et 76 % au Luxembourg ! Une spécificité que Charles Margue explique essentiellement par la situation géographique du petit Luxembourg. Mais cette avancée importe aussi beaucoup en Allemagne (64 %) et en Belgique (59 %). Dans l’UE, 26 % des personnes interrogées ont choisi "des billets d’avion moins chers et un plus grand choix de compagnies aériennes", une réponse plébiscitée par 44 % des sondés au Luxembourg et 40 % Belgique. La baisse des coûts du roaming a aussi été citée par 26 % des répondants dans l’UE, et 42 % en Belgique et au Luxembourg, ce que Charles Margue n’explique pas qu’en raison de la nationalité de la commissaire qui a beaucoup œuvré pour faire baisser les tarifs des communications téléphoniques en itinérance, mais aussi par la petite taille du pays qui fait que les résidents sont plus souvent confrontés au problème. Charles Margue a aussi observé que des réponses comme "recevoir de l’aide médicale dans un autre Etat membre de l’UE", "vivre dans un autre Etats membre de l’UE" ou "étudier dans un autre Etat membre de l’UE" étaient citées par près de 40 % des répondants au Luxembourg, contre 9 à 12 % en moyenne dans l’UE, essentiellement en raison de la petite taille du Grand-Duché et de l’influence qu’elle a sur les habitudes de ses résidents.
Conclusion de Charles Margue : "L’UE est une réalité très différente selon l’emplacement d’un pays sur la carte ou sa taille", comme en témoigne le fait qu’au Luxembourg, pays situé au cœur de l’Europe et marqué par une petite taille, les résidents ressentent plus fortement les effets de la construction européenne sur leur quotidien.
Depuis le 1er avril 2012, les citoyens européens ont la possibilité de s’exprimer par le biais d’initiatives citoyennes, une innovation du traité de Lisbonne dont les enquêteurs ont souhaité connaître l’impact sur l’opinion. Les sondés se sont ainsi vus demander quelle était la probabilité qu’il fasse ou non usage de l’initiative citoyenne.
Le pays où ils ont été les plus nombreux à juger "probable" cette éventualité est Chypre (43 %), suivi par la Lettonie (40 %), la Grèce (36 %), l’Irlande (33 %) et la Belgique (30 %). Le Luxembourg arrive en 6e position, avec 29 % de répondants jugeant probable de faire usage de ce nouvel outil, contre 66 % qui ne jugent pas probable de s’exprimer par cette voie. Dans l’UE, 21 % seulement des sondés jugent probable de faire usage de cet outil. Et ils ne sont que 15 % à l’imaginer en Allemagne.
Charles Margue observe toutefois que chez les jeunes générations, 42 % des sondés imaginent de pouvoir faire usage de l’initiative citoyenne, et le sociologue imagine que ce chiffre peut indiquer la tendance à venir, l’utilisation de l’initiative citoyenne étant assez largement lié à celle des nouvelles technologies de l’information que maîtrisent plus largement les jeunes gens.
Au Luxembourg, 56 % des personnes interrogées estiment qu’au Grand-Duché les gens sont bien informés sur les questions européennes. Un chiffre record suivi, de loin, par les sondés de Malte qui pensent à 45 % que les Maltais sont bien informés sur les questions européennes. Dans l’UE, 22 % seulement des sondés considèrent que les gens sont bien informés sur ces questions dans leur pays, contre 75 % qui sont d’avis qu’ils ne sont pas bien informés. En France ou en Italie, ils sont autour de 15 % à juger leurs concitoyens bien informés sur les questions européennes, et même 12 % seulement en Espagne. Charles Margue n’a pas manqué de pointer qu’en Turquie, en Macédoine ou au Monténégro, entre 36 et 38 % des personnes interrogées estiment que leurs concitoyens sont bien informés sur les questions européennes.
Les principales sources d’informations sur la politique nationale sont, dans l’UE, la télévision (citée par 84 % des répondants, et présentée comme la principale source d’information par 62 % d’entre eux), la presse (47 %, et source principale pour 12 %), la radio (37 %, source principale pour 8 %) et enfin Internet (31 %, source principale pour 13 %). Au Luxembourg, la presse devance la télévision, la première étant utilisée par 65 % des répondants et la deuxième 58 %, tandis que la radio, citée par 47 % des sondés, semble aussi jouer un rôle nettement plus important que dans l’UE. Internet est cité par 34 % des répondants au Luxembourg. Un chiffre relativement bas que Charles Margue nuance toutefois en précisant que chez les jeunes, il est cité à hauteur de 58 %, ce qui semble indiquer la tendance à venir.
Pour ce qui est de la politique européenne, la télévision vient en tête dans l’UE (78 %) comme au Luxembourg (67 %), suivie par la presse (44 % dans l’UE et 61 % au Luxembourg), la radio (34 % dans l’UE et 38 % au Luxembourg) et enfin Internet (28 % dans l’UE et 33 % au Luxembourg).
L’enquête s’est concentrée plus spécifiquement sur Internet comme source d’information politique. Il ressort du sondage que les sites d’information généralistes sont les plus largement utilisés, tant dans l’UE (autour de 67 %) qu’au Luxembourg (autour de 77 %). Les sites institutionnels ne sont utilisés dans l’UE que par 24 % des sondés utilisant Internet, alors qu’ils sont bien plus prisés au Luxembourg où 42 % des personnes interrogées utilisant Internet disent les consulter. Les réseaux sociaux arrivent en troisième position, consultés par près d’un quart des sondés dans l’UE, et par environ un sondé sur cinq au Luxembourg.
"C’est peu, mais c’est déjà beaucoup", observe Charles Margue avant de se pencher plus avant sur la perception des réseaux sociaux.
En effet, dans l’ensemble, la moitié des sondés estiment que les réseaux sociaux sont un bon moyen de dire ce qu’on pense des questions politiques (UE : 50 %, LU : 55 %), qu’ils sont un bon moyen de maintenir l’intérêt des gens pour les affaires politiques (UE : 50 %, LU : 45 %), et qu’ils sont un moyen moderne de rester au courant des affaires politiques (UE : 50 %, LU 45 %). Trois considérations particulièrement partagées par les plus jeunes, qui sont aussi les plus grands usagers des réseaux sociaux. Enfin, 43 % des personnes interrogées dans l’UE sont d’avis que l’information à propos des affaires politiques provenant des réseaux sociaux en ligne n’est pas fiable, un chiffre qui atteint 55 % au Luxembourg. Charles Margue observe que ce sont très majoritairement les usagers de ces réseaux sociaux, à savoir les jeunes générations, qui sont aussi les plus conscientes de leur manque de fiabilité.
L’enquête est pour le sociologue le témoin de la montée en puissance des nouveaux médias qui s’annonce.