Le 13 janvier 2013, l’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) publiait un avis reconnaissant les risques que présenterait l’utilisation de trois insecticides néonicotinoïdes pour les abeilles. Un avis salué alors par les défenseurs de l’environnement et les apiculteurs qui s’inquiètent de l’effet de ces pesticides depuis de nombreuses années.
Le 24 janvier 2013, le député Henri Kox (Déi Gréng) adressait aux ministres de l’Agriculture et de la Santé une question parlementaire portant sur ce dossier. Il évoquait un rapport publié la veille dans lequel l’Agence européenne de l’Environnement constatait elle aussi les effets néfastes de ces pesticides sur les abeilles.
Le député se saisissait de cette opportunité pour "thématiser de nouveau l'interdiction des pesticides à base de néonicotinoïdes, à la fois pour protéger les pollinisateurs et la santé humaine, notamment celle des agriculteurs et travailleurs exposés aux substances visées". Henri Kox avait en effet déjà abordé le sujet dans une question parlementaire datant du mois de mai 2012 à laquelle Romain Schneider et Mars Di Bartolomeo avaient répondu en date du 5 juillet 2012. Les deux ministres expliquaient dans leur réponse qu'il n'y avait actuellement pas de produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes destinés au traitement des semences agréés au Luxembourg. Leur utilisation serait donc interdite vu que d'anciens agréments furent retirés et une nouvelle demande serait maintenue en suspens.
Le député rappelait toutefois aussi que le ministre de l’Agriculture avait reconnu à d'autres occasions ne pas posséder de données complètes et fiables quant à la mise en culture de semences au Luxembourg, vu qu'il reste possible d'acheter ces semences dans nos pays voisins. En raison du principe de la libre circulation des marchandises, il lui semblait à priori impossible d'interdire la commercialisation des pesticides concernés sans pour autant violer la législation communautaire, mais ses experts seraient néanmoins en train de vérifier au niveau juridique la possibilité d'instaurer cette interdiction, rapporte Henri Kox dans sa question.
Enfin, les ministres précisaient en juillet qu’il existe quatre produits "amateurs" agréés, mais destinés au traitement de plantes intérieures et donc sans lien direct avec la problématique de la mort des abeilles.
Dans la réponse qu’ils ont apportée le 4 mars 2013 à la question parlementaire que leur a adressé Henri Kox, les deux ministres, Romain Schneider et Mars Di Bartolomeo, commencent par confirmer que seuls des produits destinées à une utilisation sur plantes d'intérieur et de balcon sont autorisés, mais qu'aucun produit n'est actuellement agréé pour le traitement des semences au Grand-Duché. "Des semences traitées en provenance d'un autre Etat membre peuvent cependant être achetées et utilisées conformément aux législations nationale et communautaire", ajoutent les ministres.
Ils répondent ensuite point par point aux questions d’Henri Kox.
La Commission européenne a présenté un projet de décision en vue de l'interdiction des produits à base de néonicotinoïdes. Cependant le comité permanent compétent n'a pas encore procédé à un vote. Ce retard est dû aux demandes de certains Etats membres qui voulaient une rédaction plus détaillée des conditions de l'interdiction (liste des plantes attractives pour les abeilles, périodes de l'année visées selon les cultures), mais aussi en raison de l'industrie qui conteste actuellement l'étude faite par L'EFSA et sur laquelle est basée la proposition de la Commission.
La demande est toujours en suspens.
La législation communautaire ne permet pas une décision unilatérale de la part d'un Etat membre. Le Ministère de l'Agriculture se propose cependant d'émettre une recommandation dans ce sens. Vu l'avancement de la saison et puisque les commandes de semences ont déjà été effectuées par les agriculteurs, il sera cependant difficile d'atteindre une réduction pour la saison de printemps 2013. Si la proposition précitée de la Commission est adoptée, elle pourra avoir une incidence au plus tôt pour les semis d'automne.
En l'état actuel des connaissances, les néonicotinoïdes sont caractérisés par une toxicité mammaire aiguë modérée (voie orale) et ne sont ni sensibilisants, ni irritants. Ce profil de toxicologie mammaire est notamment attribué à une affinité sélective des néonicotinoïdes pour les récepteurs nicotiniques de l'acétylcholine des insectes''.
Même si l'application par pulvérisation de solutions est, par comparaison aux autres méthodes d'emploi, effectivement une méthode d'application avec un potentiel d'exposition de l'opérateur accru, le suivi des prescriptions d'usage, des mesures de précaution et de gestion du risque (comme p.ex. le cas échéant la mise en œuvre de mesures de protection individuels comme le port de gants) ramène l'exposition de l'utilisateur à un niveau très réduit.
Des risques mis en évidence pour les abeilles ne se prêtent donc pas à une extrapolation vers les humains et ne sauraient donc à eux seuls justifier une interdiction.
Toutes les procédures d'évaluation des matières actives en vue de leur autorisation sont réglementées au niveau européen, et l'EFSA joue un rôle prépondérant à ce niveau pour tout ce qui touche à la mise en question de ces évaluations. Il est dès lors très difficile pour un Etat membre de remettre en question tout le système s'il ne dispose pas d'études approfondies, faites par des instances scientifiquement reconnues qui arriveraient à la conclusion que le système actuel est insuffisant pour assurer la protection de la santé de l'utilisateur (les ministres font ici référence à la suite donnée à l'étude de M. Séralini concernant le glyphosate).
Les études demandées de la part des firmes (qui sont des études réalisées par des institutions indépendantes, mais financées par les firmes) en vue de l'autorisation d'une substance active sont régulièrement revues et adaptées au niveau UE en fonction des progrès et des connaissances dans les différents domaines de la santé ou de l'environnement, ce qui vient encore d'être le cas cette année.
Des études concernant les effets cumulés et les interactions entre produits sont des études très intéressantes, mais hélas extrêmement complexes et de trop longue durée pour être acceptables pour les firmes, dont les droits sur les substances actives expirent après dix ans en général, ce qui ne leur laisserait guère le temps de mettre de nouveaux produits sur le marché et d'en tirer profit.
Les services du Ministère de l'Agriculture sont en train d'élaborer le Plan d'action national évoqué. Il est prévu qu'il sera présenté aux acteurs concernés avant son envoi à la Commission Européenne.