Le 22 avril 2013, le ministre des Finances Luc Frieden est intervenu, lors de la conférence annuelle organisée par la City Week à Londres, sur la question du "futur de l’euro et du potentiel de l’union bancaire".
Dans un communiqué diffusé par le gouvernement luxembourgeois, une emphase particulière est mise sur le fait que "le ministre a salué l’étroite collaboration entre les places financières de Londres et du Luxembourg que Greg Clark, le Secrétaire d’Etat au Treasury avait également relevée lors de son intervention". En présentant les atouts de la place financière de Luxembourg, Luc Frieden a mis, précise le communiqué, "en exergue la complémentarité de celle-ci par rapport à la City of London" et présenté "sa vue sur une saine concurrence qui soit au bénéfice des deux partenaires". Comme il l’a déjà fait à diverses reprises, il a aussi "souligné l’importance d’assurer la dimension internationale des grands centres financiers dans l’avenir".
Luc Frieden a ensuite abordé la question très débattue de la coopération renforcée de 11 Etats membres en faveur d’une taxe sur les transactions financières (TTF) et annoncé, dit le communiqué, "qu’il soutenait la démarche du Royaume-Uni" qui a engagé un recours devant la Cour de Justice européenne (l’affaire porte le sigle C-209/13) "contre la décision d’autorisation de la coopération renforcée pour la taxe sur les transactions financières." Le communiqué poursuit : "Sans se prononcer sur la forme précise de ce soutien qu’il apportait à cette démarche, le ministre a rappelé ses réticences de participer dans le cadre d’une initiative qui mettait en péril le level playing field entre les places financières. Il a également critiqué le fait que l’actuelle proposition de la Commission européenne produirait des effets extra-territoriaux pour les Etats non-participants." A noter que lors du vote au Conseil ECOFIN du 22 janvier 2013 sur cette autorisation, le feu vert avait été donné à la majorité qualifiée, le Luxembourg, Malte, la République tchèque et le Royaume-Uni ayant préféré s’abstenir lors du vote.
Luc Frieden a exprimé son soutien à Londres à un moment où plusieurs autres pays commencent à signifier leur opposition à une taxe qui a des effets à la fois extraterritoriaux mais aussi de cascade sous forme d’imposition, vu le nombre de mains intermédiaires par lesquelles la somme d’une transaction doit passer pour aboutir et dont l’intervention sera imposée comme une simple transaction.
L’Italie, pourtant membre avec l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, l’Estonie, la France, la Grèce, le Portugal, la Slovaquie et la Slovénie de la coalition en faveur de la TTF, a rejoint les opposants au texte proposé par la Commission. Déjà le 20 avril, Ferdinando Nelli Feroci, le représentant permanent de l’Italie auprès de l’Union européenne, avait déclaré dans un communiqué cité par EurActiv : "Les transactions sur les obligations d'État devraient être exclues des instruments imposés dans la proposition de taxe Tobin." Dans le même texte, il déclare qu'il s'agit d'une limite à ne pas dépasser et d'une question que l'Italie ne veut pas négocier. Il faut savoir dans ce contexte que seuls les onze États participants pourront voter sur le projet de texte et qu’ils doivent obtenir un accord à l'unanimité avant sa mise en application.
La Frankfurter Allgemeine Zeitung cite également dans son édition du 23 avril l’Irlande, les Pays-Bas, le Danemark et la Suède comme des opposants ouverts à la coopération renforcée.
La sortie de Luc Frieden à Londres a suscité l’ire de l’eurodéputé socialiste Robert Goebbels qui n’est pourtant pas un partisan de cette TTF. "Qui va stopper le ministre Frieden?", demande-t-il dans un communiqué daté du 23 avril. Robert Goebbels reproche à Luc Frieden d’avoir fait preuve d’"un manque total de sensibilité politique" en apportant son appui au recours de Londres contre la TTF, parce qu’il aurait ainsi "de nouveau mis notre pays dans la mire de nombreux Etats membres". Il cite Berlin, Paris et Bruxelles. Pour Robert Goebbels, le Luxembourg aurait dû rester neutre dans ce conflit entre le Royaume-Uni et les onze pays qui participent à la coopération renforcée et alors que "le gouvernement bat en retraite sur la question du secret bancaire" et s’apprête à se joindre au système d’échange automatique d’informations dominant. Pour Robert Goebbels, "Luc Frieden semble ignorer les vrais intérêts du Luxembourg", dont "le plus grand concurrent" est la City de Londres dont la toile qui couvre le monde entier "organise l’évasion fiscale internationale". Et de citer les plus importants centres off-shore britanniques - l’île de Man, Jersey et Guernesey, les Îles Vierges et les îles Caïman – et ex-britanniques : les Bahamas, les Bermudes, Singapour et Hongkong.