Au-delà des préparatifs du Conseil européen consacré notamment aux questions de lutte contre la fraude fiscale ou encore d’énergie prévu le lendemain, les ministres en charge des Affaires européennes réunis en Conseil Affaires générales le 21 mai 2013 ont eu l’occasion de faire le point sur les négociations portant sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020.
Un compromis trouvé avec le Parlement européen début mai avait en effet permis de lancer les négociations dans le cadre du trilogue le 13 mai dernier.
Entre temps, les ministres des Finances réunis en Ecofin avaient trouvé un accord politique sur une rallonge au budget 2013 à hauteur de 7,3 milliards d’euros, assortie d’un engagement à revenir sur le sujet d’une deuxième tranche plus tard dans l’année.
La Commission avait mis sur la table une proposition de budget rectifié de 11,2 milliards d’euros afin de pouvoir payer les factures, et l’accord qui avait débloqué le début des négociations prévoyaient un règlement de cette rallonge en deux tranches.
La réaction du Parlement européen à cet accord présenté par le Conseil comme "un pas important en direction du Parlement européen" a été plutôt fraîche. Les eurodéputés insistent en effet sur la nécessité de régler les factures restantes avant de conclure un accord sur le cadre financier pluriannuel. Or, ont constaté les eurodéputés de la commission des Budgets lors de la réunion du 16 mai 2013, le Conseil a déclaré qu'il adopterait formellement le budget rectificatif de 7,3 milliards seulement en parallèle à l'adoption du CFP. "Pour le Conseil, l'adoption du budget rectificatif de 7,3 milliards d'euros signifierait la fin des négociations, alors que pour le Parlement elle signifie le début", a déclaré le président de la commission des budgets, Alain Lamassoure (PPE).
S’ils reconnaissent l'accord politique sur les 7,3 milliards comme une étape positive, les députés ont réitéré cependant la nécessité d'une décision formelle et contraignante du Conseil sur le montant total de 11,2 milliards d'euros avant de conclure les négociations sur le CFP.
En attendant, le Parlement se tient prêt à "s'engager dans de véritables négociations sur le CFP et l'accord interinstitutionnel associé". Mais les eurodéputés suggèrent aussi d’accélérer les négociations, la première réunion ayant démontré selon eux qu’elles ne seraient pas faciles.
Du côté de la présidence du Conseil, le CAG du 21 mai a été l’occasion de rappeler sa volonté de parvenir à un accord avant la fin juin, un objectif que la présidence irlandaise tient toujours pour tenable et dans lequel elle est soutenue par les autres Etats membres. L’ambition de la présidence irlandaise va au-delà du budget lui-même, puisqu’elle espère parvenir à un accord qui portera aussi sur les quelque 70 textes législatifs qui vont encadrer les programmes de financement européens de la période 2014-2020, de façon à ce qu’ils puissent démarrer dès janvier 2014. Le prochain trilogue est prévu pour le 28 mai 2013.
Les conclusions du Conseil indiquent que, pour nombre de délégations, l’accord politique sur le budget rectifié de 2013 aussi tôt dans l’année et pour une somme si importante constitue une avancée importante et mérite que le Parlement européen montre "un esprit de compromis équivalent".
Le ministre des Affaires luxembourgeois, Jean Asselborn, a lui aussi insisté sur le fait qu’il était à ses yeux "indispensable" de trouver un accord pendant la présidence irlandaise, et il a donc encouragé cette dernière à intensifier encore le dialogue avec le Parlement européen. De son point de vue, l’accord politique trouvé en Conseil Ecofin devrait "faciliter" la discussion avec le Parlement européen.
Lors du débat public qu’on eu les ministres, ils ont pris position sur les grandes questions mises en avant par le Parlement européen dans les négociations.
Les Etats membres sont prêts à examiner l’idée d’introduire une obligation légale demandant à la Commission de présenter une révision du budget, à condition toutefois que l’unanimité soit requise pour adopter toute révision du budget en Conseil, ainsi que le prévoient les traités, et que les montants pré-alloués ne soient pas touchés.
Jean Asselborn a signifié "l’ouverture" du Luxembourg à cette idée, assurant que le Grand-Duché continuerait d’adopter une approche positive et constructive à son égard, à condition toutefois que la révision du budget se fasse à l’unanimité et en préservant les enveloppes pré-allouées. Ce en quoi il a été rejoint par la majorité de ses homologues. Le Luxembourg se montre toutefois aussi ouvert à l’idée d’une révision qui ne se limiterait pas aux dépenses, mais pourrait aussi valoir pour le système des recettes.
Sur la question des ressources propres, les conclusions indiquent que les délégations se sont montrées prêtes à considérer l’idée d’adopter une déclaration fixant une feuille de route sur les travaux à venir.
Le Luxembourg a mis sur la table un "non-paper" proposant d’inscrire une réforme du système des ressources propres dans un calendrier et un mandat précis qui s’inscrirait dans le cadre d’un accord interinstitutionnel. Cette réforme reposerait, ainsi que l’a résumée le ministre, sur trois engagements indissociables :
Le Grand-Duché soutient ainsi le principe d’une déclaration interinstitutionnelle définissant une feuille de route pour entamer une réflexion structurée sur une réforme d’ici 2021.
En ce qui concerne l’unité du budget, les délégations ont manifesté "une certaine ouverture" à l’idée que la Commission puisse annexer au projet de budget annuel un document fixant toutes les dépenses couvertes par le budget de l’UE.
Sur ce point, le Luxembourg n’a pas d’objection, tant que cette demande s’inscrit dans le cadre des activités liées au budget européen.
Enfin, en ce qui concerne la flexibilité, les conclusions indiquent que de nombreuses délégations acceptent de continuer à discuter de la possibilité de reporter d’une année sur l’autre des marges non-utilisées des crédits de paiements et de pré-approvisionner certaines dépenses, comme celles destinées à l’initiative en faveur de l’emploi des jeunes.
Jean Asselborn a souligné l’importance de ce point pour le Parlement européen et il a fait part de la compréhension du gouvernement luxembourgeois pour la position du Parlement qui voit dans la possibilité de plus de flexibilité une contrepartie aux coupes décidées au Conseil européen de février. Le sujet avait d’ailleurs été acté au paragraphe 109 des conclusions du Conseil européen, ainsi que l’a rappelé le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois. "Nous sommes donc plutôt ouverts par rapport aux options qui se trouvent sur la table, tout particulièrement celles qui permettront de renforcer l’appui aux initiatives relatives à la croissance et à l’emploi", a conclu le ministre.