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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Conseil Ecofin – Les 27 donnent mandat à la Commission pour négocier sur la directive sur la fiscalité de l’épargne avec la Suisse et autres pays tiers, l’objectif étant désormais un passage à l’échange automatique d’informations
Le Luxembourg et l’Autriche suspendent toute décision sur l’élargissement du champ d’application de la directive à l’issue de ces négociations
14-05-2013


Le Conseil Ecofin du 14 mai 2013, qui a réuni les ministres des Finances de l’UE sous la présidence du ministre irlandais des Finances, Michael Noonan, était une réunion attendue.

En effet, depuis l’annonce du gouvernement luxembourgeois qu’il passerait à l’échange automatique d’informations à compter de janvier 2015 dans le cadre de la directive sur la fiscalité de l’épargne, nombreux ont émis l’espoir qu’il y aurait des avancées à venir dans le dossier de la directive sur la fiscalité de l’épargne, dont la Commission propose d’élargir le champ d’application depuis 2008 déjà, et tente depuis 2011 d’obtenir un feu vert du Conseil pour commencer des négociations avec la Suisse, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et Saint-Marin en vue de modifier les accords avec ces pays en matière de fiscalité de l’épargne.

Plus largement, le dossier de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale est au sommet des agendas ces dernières semaines, comme en témoigne de façon exemplaire le courrier adressé par José Manuel Barroso, président de la Commission, aux chefs d’Etat et de gouvernement en vue du Conseil européen du 22 mai prochain ou encore la venue d’Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, à ce Conseil Ecofin.

Le ministre Luc Frieden, qui représentait le Luxembourg lors de ce Conseil, était au centre deLuc Frieden, attendu par la presse à son arrivée au Conseil Ecofin du 14 mai 2013 (c) Conseil de l'UE toutes les attentions, attendu de pied ferme sur un dossier sur lequel le Grand-Duché et l’Autriche affichent de façon constante, au fil de quelques avancées, des positions qui ne permettent pas d’obtenir l’unanimité dans un domaine, celui de la fiscalité, où elle est requise.

Algirdas Semeta, le commissaire en charge du dossier, espérait un déblocage complet du dossier. Pourtant, Luc Frieden avait annoncé la couleur la veille, expliquant au Luxemburger Wort qu’à ce stade, beaucoup de questions restaient ouvertes en ce qui concerne l’élargissement du champ d’application de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Il avait en revanche laissé entendre à son arrivée à l’Eurogroupe qui s’est tenu le 13 mai 2013 que le Luxembourg pourrait donner son feu vert au mandat de négociations soumis par la Commission dans la mesure où ce dernier avait été amendé de façon substantielle, ainsi qu’il l’avait confié au Tageblatt. Le mandat de négociations mentionne en effet désormais clairement le passage à l’échange automatique d’informations, lequel deviendrait ainsi le standard pour les pays tiers concernés.

C’est donc sans grande surprise au Luxembourg que les résultats de ce Conseil auront pu être accueillis au Luxembourg, même si, côté Commission, Algirdas Semeta ne manquait pas de faire part de sa déception, tout en reconnaissant que ses attentes étaient grandes.

En effet, le mandat qui va permettre à la Commission d’entamer les négociations a été adopté à l’unanimité, tandis que l’élargissement du champ d’application de la directive fera l’objet de discussions ultérieures, lors du Conseil européen du 22 mai, et vraisemblablement au prochain Ecofin, en juin, ainsi que s’y prépare Michael Noonan.

Dans son intervention au Conseil, Luc Frieden a insisté sur le fait que le Luxembourg a toujours accordé une grande importance à la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Même si la retenue à la source reste, selon lui, un système plus efficace pour atteindre cet objectif, le gouvernement luxembourgeois a pris en compte les développements internationaux récents qui indiquent que l’échange automatique est le standard international dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale. Or, afin que ce standard soit appliqué de manière efficace, il est primordial d’en assurer une large application géographique sauvegardant la compétitivité de l’économie européenne. C’est ce que le ministre appelle le "level playing field" entre les importantes places financières en Europe d’une part, mais dans le monde également, d’où l’importance de la référence à ce standard dans le dernier communiqué du G 20.

Dans ce but, le Luxembourg et l’Autriche ont obtenu l’insertion dans ce mandat de l’échange automatique d’informations comme objectif de la négociation. Ils ont également accepté que le texte du projet de directive élargie serve de base de négociation sans que le texte soit formellement approuvé.

Une fois les négociations achevées, le Luxembourg et l’Autriche considèrent que le Conseil Ecofin pourra formellement adopter cette directive et ainsi assurer le "level playing field" avec les cinq pays tiers.

Pour Algirdas Semeta pourtant, les avancées au sein de l’UE ne peuvent et ne doivent pas dépendre des négociations avec des pays tiers, ce qui explique sa grande déception.

Plus largement, Luc Frieden a exprimé son soutien, avec son homologue autrichienne, Maria Fekter, à une généralisation aussi large que possible de l’échange automatique d’informations afin que les règles soient les mêmes pour tous. Ets ils ont de ce fait salué l’objectif de l’initiative pilote de cinq Etats membres en faveur d’un FATCA européen, cinq pays entretemps rejoints par onze autres Etats membres désireux d’aller plus loin en matière d’échange d’informations. La veille, Luc Frieden avait soulevé un certain nombre de questions au sujet de cette initiative, ainsi que le rapportait Pierre Leyers dans le Luxemburger Wort, pointant notamment le flou qui entourait les mesures concrètes impliquées et la forme juridique qu’elles prendraient. Il a, en toutes logiques, réitéré sa volonté d’en savoir plus.

Accord politique sur une première rallonge budgétaire de 7,3 milliards d’euros pour le budget 2013 de l’UE

La directive sur la fiscalité de l’épargne n’était cependant pas le seul sujet à l’ordre du jour de ce Conseil Ecofin. Ainsi, la réunion était aussi attendue dans le contexte des négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, sur lequel les négociations en trilogue ont pu démarrer la veille.

En effet, le Parlement européen a conditionné le lancement de ces négociations à un accord du Conseil sur la rallonge demandée au titre du budget annuel 2013. Une "réalité politique" que regrette la Présidence irlandaise, mais à laquelle le ministre des Finances est bien forcé de s’adapter dans l’espoir d’avancer dans les discussions.

Les ministres sont parvenus à un accord politique sur le budget rectifié de 2013, donnant ainsi leur feu vert pour le versement de 7,3 milliards d’euros dans un premier temps et s’engageant par ailleurs à prendre ultérieurement les mesures nécessaires pour que l’UE puisse honorer ses engagements. Les ministres, qui jouent le jeu du Parlement dans des négociations qui ne seront pas aisées, ont toutefois souligné que leur accord serait formellement adopté à un stade ultérieur, en fonction de l’avancée des négociations sur la cadre financier pluriannuel.

Bail-in, traitement des déposants et flexibilité ont fait l’objet d’intenses discussions dans le cadre du projet de directive sur les résolutions bancaires

Autre sujet important de ce Conseil, la directive harmonisant les régimes nationaux de restructuration bancaire, un texte proposé par la Commission en juin 2012 dans l’optique de mettre en place les outils nécessaires à une résolution ordonnée des banques dans l’ensemble de l’Union européenne. L’objectif est d’apporter aux contribuables l’assurance qu’ils ne seront pas les bailleurs de fonds des banques en difficulté, tout en apportant aux créanciers la visibilité et la sécurité juridique à laquelle ils peuvent prétendre, ainsi que l’a rappelé le commissaire en charge du Marché intérieur, Michel Barnier.

Un dossier que Luc Frieden n’a pas manqué de resituer dans le contexte plus large de l’Union bancaire, le projet de directive constituant une étape intermédiaire vers la mise en place d'un Mécanisme unique de résolution dont il avait été question la veille à l’Eurogroupe et sur lequel la Commission est en train de préparer une proposition législative. Comme il l’avait fait la veille, Luc Frieden a souligné l'importance de la mise en place coordonnée des trois piliers de l'Union bancaire aux fins de rétablir la stabilité financière dans la zone euro.

Au cours des discussions, un large consensus a pu être trouvé sur le principe d’un bail-in très large, ainsi que l’a indiqué Michel Barnier à l’issue du débat. Les conclusions précisent que l’accord comprend une liste limitée d’exclusions possibles. Par ailleurs, sur la question du traitement des déposants, cruciale aux yeux de l’opinion comme l’ont démontré les difficultés à parvenir à une solution chypriote, il semble qu’un consensus ait pu être dégagé sur le principe d’une protection des dépôts en-deçà du seuil de 100 000 euros. Au-delà de ce seuil, la Commission plaide pour accorder aux déposants un rang privilégié, afin qu’ils soient mis à contribution après tous les autres créanciers. D’après Michel Barnier, de nombreux ministres semblent avoir marqué leur accord.

Luc Frieden a pour sa part regretté que les ministres des Finances n'aient jamais eu un débat politique approfondi sur le principe même du bail-in et plus particulièrement du bail-in des déposants. Le choc que le cas chypriote a créé sur les marchés démontre selon lui la sensibilité du sujet et le besoin d'approfondir la réflexion sur le périmètre du bail-in. Tout en confirmant la nécessité de protéger les dépôts inférieurs à 100 000 euros, le ministre luxembourgeois a exprimé sa réserve sur le principe du bail-in qui risque de remettre en cause la confiance du public dans le secteur bancaire. Ainsi, les autorités de résolution devraient selon lui disposer de la possibilité d'exclure les dépôts des personnes physiques et des PME supérieurs à 100 000 euros si elles l'estiment nécessaire.

Enfin, dernier sujet de discussion, la question de la flexibilité accordée dans un système que la Commission souhaite harmonisé de façon à assurer au mieux l’intégrité du marché intérieur. Le commissaire est conscient qu’une marge de flexibilité reste nécessaire, mais il entend veiller à ce qu’elle soit encadrée. De ce point de vue, il estime que les discussions auront permis de parvenir à une bonne base pour poursuivre les travaux.

Luc Frieden a compté parmi les ministres qui ont plaidé en faveur d’une certaine flexibilité, l’enjeu étant pour lui que les autorités de résolution puissent procéder au cas par cas à des exclusions de certains postes du bail-in pour tenir compte des spécificités d'une défaillance bancaire donnée. Son principal argument est que la confiance des marchés dans les mesures prises est un élément central de toute résolution bancaire.