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Conseil Compétitivité – Etienne Schneider défend la relance de la politique industrielle européenne et s’oppose à une limitation trop poussée de l’activité des sociétés d’audit
29-05-2013


Etienne Schneider © Le Conseil de l'Union européenneLe 29 mai 2013 se tenait à Bruxelles un Conseil Compétitivité à l’ordre du jour duquel figuraient notamment la question du soutien à la politique industrielle européenne et la réforme de la règlementation du contrôle légal des comptes des "entités d’intérêt public".

Politique industrielle : la "défense commerciale" divise

Dans le cadre de la politique de relance de l’industrie européenne, la Commission européenne a appelé les États membres à entreprendre des efforts afin que la part du PIB générée par l’industrie manufacturière passe de 16 à 20% à l’horizon 2020. En décembre 2012, le Conseil compétitivité s’était mis d’accord sur des conclusions qui mettent l’accent sur quatre piliers prioritaires : stimuler les investissements dans les nouvelles technologies, permettre aux entreprises européennes de tirer un maximum de profit du marché intérieur et des marchés internationaux, améliorer l’accès aux financements et enfin accroître les investissements dans les personnes et les compétences.

Suite aux demandes de pays comme la France, l’Espagne et l’Italie, de protéger l’industrie contre la concurrence des pays tiers jugée déloyale, la Commission européenne a présenté en avril 2013 un paquet de "défense commerciale" pour apporter une réponse au commerce déloyal de pays tiers. Le Conseil Compétitivité du 29 mai 2013 a débattu de cette proposition. La discussion a mis en avant une division assez nette du Conseil sur la pertinence de recourir à de telles mesures protectionnistes.

Ainsi, l'Espagne, l'Italie et la France demandent des mesures de défense commerciale renforcées. "Des procédures en cours montrent que lorsque les mesures sont prises trop tardivement et de manière homéopathique, elles arrivent trop tard, un peu comme la cavalerie américaine", a notamment dit le ministre français du Redressement productif Arnaud Montebourg, soulignant que les mesures de ce genre touchent actuellement seulement 0,25% des importations.

A l’opposé, la Suède, présentée comme "chef de file des États membres traditionnellement libre-échangistes" par l’Agence Europe dans sa dépêche, s’est inquiétée des risques d'une hausse du protectionnisme des pays tiers à l'égard de l'UE. "Préoccupé" par le projet de la Commission, le Royaume-Uni, a promis de "collaborer pour définir un paquet équilibré".

Les nouveaux États membres de l’Est, et notamment la Pologne, la Républiquef tchèque et la Slovaquie, ont jugé pour leur part qu’il n’y avait pas lieu de modifier la situation actuelle tandis que l'Allemagne a adopté une position mesurée en mettant en garde, par l’intermédiaire du ministre allemand, Philipp Rösler que "des mesures trop restrictives seraient négatives pour [ses] entreprises".

S’il ne s’est pas exprimé lors du débat public au Conseil, le ministre luxembourgeois de l’Economie, Etienne Schneider, avait eu l’occasion de le faire, la veille, lors d’une rencontre entre le commissaire européen et les Vingt-sept, justement dédiée à la préparation des grands dossiers de politique industrielle. "Le ministre a insisté pour que les objectifs de la politique industrielle soient pleinement intégrés dans la mise en œuvre de tous les instruments qui ont un impact important sur la compétitivité, notamment la recherche et l’innovation, le commerce extérieur, les aides d’État, la politique environnementale ou encore les infrastructures", rapporte le communiqué de presse publié par le ministère de l’Économie et du Commerce extérieur.

Un accord sur l’encadrement des aides d’Etat

Le Conseil est parvenu à trouver un accord politique sur un sujet lié à celui de la défense commerciale de l’industrie européenne, à savoir la révision de deux règlements importants pour les règles des aides de l’Etat.

Les nouvelles règles envisagées par la Commission européenne, qui souhaite leur adoption avant la fin de l’année, visent à la fois à restreindre certaines possibilités d’intervention par les États, à simplifier le contrôle de certaines catégories d’aides, comme celles destinées à la culture ou aux dommages causés par les catastrophes naturelles, mais aussi à réorienter la politique d’aides de l’Etat. Sur ce dernier point, les ministres avaient approuvé, durant le Conseil Compétitivité du 10 décembre 2012, le besoin de moderniser la politique d’aides d’Etat, en les dirigeant vers l’objectif de la croissance, l’emploi et la compétitivité, notamment de l’industrie européenne.

Le Luxembourg a dénoncé l’intention de la Commission d’interdire le plan d’aide aux grandes entreprises dans les régions dites C. Cela n’est "pas justifié car il priverait les Etats membres d’un outil efficace pour stimuler l’investissement". "Nous ne pouvons pas nous permettre d’abolir en temps de crise certains instruments", a estimé le ministre, Étienne Schneider qui a appelé le commissaire Joaquin Almunia à revoir sa position.

Le Luxembourg s’est dit néanmoins d’accord avec les deux textes tout en conseillant à la Commission européenne de procéder à une nouvelle consultation, car la proposition ne serait pas adaptée aux différentes situations rencontrées en Europe. "Le projet de la Commission ne tient pas suffisamment compte des spécificités du Luxembourg en termes d’organisation territoriale, de composition et de calcul du PIB", a déclaré Etienne Schneider.

Concernant les aides à la recherche et à l’innovation, le Luxembourg a déclaré qu’elle était  d’accord pour le contrôle de l’octroi et de l’effet incitatif de ces aides, mais qu’il fallait néanmoins "préserver un juste équilibre entre impératifs de contrôle et frais administratifs pesant sur les entreprises".

Plus de concurrence et de transparence dans le domaine de l’audit pour restaurer la confiance des investisseurs

Les ministres ont par ailleurs abordé la réforme de la législation européenne en matière de contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public. Composée d’une proposition de règlement et d’une proposition de révision de la directive audit, ce projet, présenté par la Commission européenne en décembre 2011 doit pallier aux lacunes, révélées par la crise financière, du contrôle des comptes de ces entités qui présentent un intérêt public dès lors qu’"en raison de leur domaine d'activité, de leur taille ou de leurs effectifs, ou dont le statut juridique fait qu'elles comptent un grand nombre de parties intéressées", comme on le lit dans le texte de la proposition de règlement.

Cette réforme doit assurer la qualité et l’indépendance des audits, afin d’améliorer la transparence, renforcer la confiance des investisseurs, mais aussi insuffler de la concurrence dans un marché dominé à 85 % par les "Big Four", quatre sociétés d’audit présentes à Luxembourg, où elles occupent 5000 salariés.

La Commission européenne propose que les contrats de révision des comptes fassent désormais l’objet d’un appel d’offres. Le contrat passé avec une telle société serait limité dans le temps. La Commission avait imaginé qu’une entreprise ne puisse plus faire appel à la même société d'audit plus de six ans d'affilée (et neuf ans dans le cas d’audit mené par plusieurs entreprises), avec une période de carence de quatre ans avant de pouvoir y recourir à nouveau. Néanmoins, le compromis présenté par la Présidence irlandaise de l’UE prévoit une période de sept ans (huit en cas d’audit à plusieurs), renouvelable en fonction de critères clairement définis, pour un maximum de sept autres années.

La Commission a proposé l’établissement d’une liste noire de services connexes qu’une société d’audit ne pourrait plus offrir. Et elle entendait limiter la possibilité des sociétés d'audit de proposer aux entreprises qu'elles auditent d'autres services, comme le conseil. Les grandes sociétés d'audit seraient pour leur part contraintes de se séparer de leurs autres activités.

La règle imaginée était que la société d’audit ne puisse plus recevoir d’une même entité d’intérêt public des honoraires pour la fourniture de services d'audit financier connexes dont le montant serait supérieur à 10 % des honoraires d'audit versés par cette entité. Néanmoins, face aux critiques des Etats membres, la Présidence irlandaise a imaginé de porter ce seuil à 70 % des commissions payées sur trois ans, sans, de surcroît, comptabiliser les services relatifs au travail d’audit imposé par la législation européenne.

Enfin, la proposition envisageait une coopération européenne pour la surveillance des auditeurs entre les autorités nationales réunies au sein d’un comité placé sous l’égide de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF). Cette tâche est jusqu’ici menée par le Groupe Européen des Organes de Supervision de l’Audit (EGAOB), presidé par la Commission européenne.

Durant les débats, le ministre luxembourgeois de l’Economie, Etienne Schneider, a expliqué que le Luxembourg ne soutient pas le compromis de la présidence en ce qui concerne la "rotation périodique obligatoire des cabinets d’audit", qui entraînerait des "coûts non négligeables liés à la procédure d’appel d’offres sans nécessairement améliorer la qualité des audits". Au contraire, il estime que "la rotation interne des associés tel que prévue par le code éthique de l’IFAC est suffisant pour préserver l’indépendance du contrôleur légal des comptes."

Etienne Schneider s’est dit par contre favorable à l’établissement d’une liste noire, considérant que c’est "un système simple à appliquer" présentant "une clarté suffisante pour les réviseurs d’entreprise". Mais toutefois, il souhaite que "la contribution des apports en nature soit retirée de cette liste noire", car ce service ne porterait pas atteinte à l’indépendance des réviseurs d’entreprises.

Il n’est également pas en faveur de l’instauration d’un plafond concernant les services d’audit financier connexes, faisant valoir la situation particulière du Grand-Duché. "C’est une mesure trop contraignante pour le Luxembourg qui a recours, dans le cadre de la surveillance prudentielle des banques, aux services des réviseurs d’entreprises agréés, notamment pour le contrôle du compte-rendu analytique des banques", a-t-il dit. Enfin, Etienne Schneider a estimé que la création d’un sous-comité au sein de l’AEMF, n’était pas nécessaire. "L’organe mis en place doit pouvoir prendre l’ensemble des décisions dans l’intérêt exclusif de la profession", a-t-il déclaré, favorable, comme d’autres délégations, au maintien des prérogatives de l'EGAOB.

Par ailleurs, le Conseil Compétitivité a débattu de la modernisation de la législation de l'Union sur le droit d'auteur. En tant que pays "importateur à 100 % de supports vierges", le Luxembourg est favorable à une harmonisation la plus poussée possible au nom de la sécurité juridique.