Les députés DP Claude Meisch et André Bauler ont rencontré la presse pour exposer les positions de leur parti en amont des débats d’orientations sur le chômage et la compétitivité qui auront lieu à la Chambre des députés les 15 et respectivement 16 mai 2013.
Claude Meisch, le président du groupe parlementaire libéral, a trouvé "bien malheureux" que l’on discute seulement vers la fin de la législature de la compétitivité, alors que le pays n’avance pas sur la réforme administrative, que le chômage atteint des chiffres records tout comme les faillites, et que le pays se trouve en phase de désindustrialisation et "tend à disparaître du radar des investisseurs".
Le DP a pourtant soutenu dans le temps les propositions de l’ancien ministre de l’Economie Jeannot Krecké et soutient aussi l’approche de son successeur, Etienne Schneider. Mais il ne voit pas pourquoi la majorité actuelle mettrait en œuvre des mesures qu’elle a jugées et rejetées en fin de compte comme non-consensuelles lors d’autres débats à la Chambre. Pour Claude Meisch, CSV et LSAP pratiquent "le déni de réalité à travers leur prisme idéologique noir-rouge".
Pour le président du groupe politique, "il faut produire avant de redistribuer". D’où la nécessité d’assainir les finances publiques en appliquant de nouveaux critères de sélectivité quand il est question de prestations sociales. Il faut moderniser "ponctuellement" le droit du travail, le rendre plus flexible sur les périodes de référence pour organiser un plan de travail, le rendre plus flexible sur les questions de CDD, développer des actions pour faire renter les résidents sur le marché du travail. André Bauler a prôné de son côté une réforme de l’ADEM qu’il s’agit de transformer en institution de formation des demandeurs d’emploi, plus de placeurs qui connaissent les secteurs pour lesquels ils sont censés trouver de la main d’œuvre, une réforme de l’orientation professionnelle plus proche des besoins de l’économie, une discussion sur le salaire minimum social et le revenu minimal garanti, la mise en œuvre de la loi sur le RMG qui prévoit des mises au travail dans l’intérêt général, etc.
Claude Meisch se dit convaincu que "le Luxembourg a besoin de l’indexation des salaires", mais, ajoute-t-il, "l’index ne doit pas devenir un danger pour l’emploi". De ses rencontres avec des dirigeants d’entreprises et de PME, il est sorti que l’index a un effet dissuasif sur le remplacement des départs à la retraite ou la création de niveaux emplois. Il plaide donc pour un pacte entre syndicats et patronat qui prévoirait des renoncements à l’une ou l’autre tranche indiciaire et une discussion sur la corbeille de biens et prestations qui permet de le chiffrer. En échange, le patronat s’engagerait à créer des emplois et de ne pas supprimer les postes des salariés partant à la retraite.
Claude Meisch a regretté qu’il n’y ait pas de stratégie claire pour les secteurs que le ministre de l’Economie veut promouvoir, comme le secteur de la logistique, où l’on mise selon lui sur le développement de certaines sociétés de transport sans coordonner la politique des entreprises publiques dans ce domaine.
Quant à l’avenir de la place financière, Claude Meisch, qui évoque les discussions sur la fiscalité de l’épargne ou la TTF, trouve qu’il fait seulement l’objet de "réactions suite à des pressions de l’étranger".
Le chef de file des parlementaires libéraux trouve par ailleurs "bien grandiloquent" l’intitulé "Plan Marshall pour le Luxembourg" qu’Etienne Schneider a donné à sa récente initiative. L’idée de ce plan est que l’Etat renonce à une partie des dividendes qui résultent de sa participation à cinq grandes entreprises publiques, ce pour encourager ces entreprises à investir entre 2013 et 2017 dans leur propre développement et la mise en place d’infrastructures de pointe qui ont vocation à renforcer la compétitivité du Grand-Duché. Ces investissements devraient atteindre 2,5 milliards d’euros sur la période et devraient venir compléter les investissements publics de l’Etat. Claude Meisch y voit plus qu’une nouvelle stratégie un plan conjoncturel qui "confond stratégie et dépense" et n’a pas forcément d’intérêt pour l’économie nationale.
La hausse de la TVA et l’attitude sceptique du gouvernement face au travail dominical tout comme la discussion sur les heures d’ouverture des magasins compromettent selon lui la possibilité de faire du Luxembourg le centre commercial de la Grande Région.
Parmi ses propres projets, le DP continue de prôner l’idée d’une banque climatique qui soutiendrait les projets d’efficacité énergétique dans la construction mais surtout la rénovation de bâtiments anciens et dont l’impact sur le développement des PME serait important.
Parmi les risques à moyen terme que le DP identifie pour la compétitivité du Luxembourg, le principal est la hausse des impôts - impôt solidarité, discussion sur la fiscalité des entreprises, hausse du taux marginal et de la TVA – alors que le déficit des finances publiques persiste. Cette évolution risque selon Claude Meisch de peser sur un des grands avantages compétitifs du pays, ses coûts salariaux relativement bas, qui risquent de croître si l’on n’arrive plus à maîtriser les coûts liés à l’assurance-dépendance, l’assurance-maladie et au système de pensions, "réformé à demi seulement". Pour le porte-parole du DP, les investisseurs veulent un environnement stable, ce que le Luxembourg ne peut plus leur garantir alors que les charges fiscales et autres augmentent.
La compétitivité est pour Claude Meisch une affaire de fiscalité, d’infrastructures, d’éducation et de formation, pour André Bauler une question de développement durable, écologique et social, et pas seulement de coût salarial et de productivité.
Interrogé sur la façon dont les recommandations de l’UE structurent la discussion sur la compétitivité au Luxembourg, Claude Meisch a déclaré que la discussion ne date pas d’aujourd’hui et qu’il aurait fallu depuis longtemps flexibiliser le droit du travail ou afficher une attitude plus positive à l’égard du travail intérimaire. C’est pourquoi il y a maintenant une pression qui s’exerce sur le Luxembourg, et "cela n’est pas bien et le Luxembourg ne devrait pas se laisser pousser". Pour Claude Meisch, le pays est souverain et ce serait mieux qu’il ne se voie pas prescrire des réformes de l’extérieur. "Il aurait mieux valu avoir fait le constat des problèmes de compétitivité nous-mêmes", mais "il y a eu un manque de réactivité ces dernières années" et "certains problèmes se sont calmés avec de nouvelles recettes financières". Pour lui, c’est là "le modèle Juncker, c’est-à-dire résoudre les problèmes en dépensant de l’argent". Et maintenant que les ressources commencent à se tarir, estime Claude Meisch, "les anciens problèmes resurgissent de plus belle et avec eux de nouvelles pressions de l’UE pour réformer des domaines que nous aurions dû réformer par nous-mêmes".