Principaux portails publics  |     | 

Elections européennes - Economie, finances et monnaie
Des membres du Parti socialiste européen ont débattu à Luxembourg des moyens de rediriger le projet européen et de renforcer leur famille politique
15-06-2013


pse-confLe 15 juin 2013, le LSAP organisait avec le soutien de partis membres du Parti socialiste européen (PSE) invitait à une soirée débat intitulée "A nous l'Europe ! ou Comment les citoyens et la société civile peuvent et doivent sauver le projet européen ?". Si la majeure partie du débat fut consacrée à des questions d’organisation interne et de militantisme au sein des partis membres du Parti socialiste européen, plusieurs intervenants se sont toutefois penchés sur la situation des socialistes en Europe et sur les moyens de rallier le vote des électeurs aux prochaines européennes de 2014.

Les insuffisances de la citoyenneté européenne

Dans un premier temps, le président du Partito democratico – Circolo PD Luxembourg, hôte de la soirée, Mario Tommasi, a souligné le besoin d’un renforcement de la participation des citoyens au processus démocratique, dans le sillage de la déclaration, par la Commission européenne, de l’année 2013 comme Année européenne des citoyens.

Pour le socialiste italien du Luxembourg, il y a lieu de "donner aux citoyens un véritable espace européen pour pouvoir vivre, se déplacer, travailler, acheter, être informé sans obstacle de nature administrative et sans aucune discrimination". "Malheureusement", a-t-il souligné, "les citoyens européens constatent que les obstacles posés devant eux sont encore trop nombreux".

Coordinateur national des militants du Parti socialiste européen en Allemagne, Gabriel Richard-Molard aura fait par la suite un constat similaire, selon lequel les citoyens, tout comme les banques, ont profité de la libre circulation, "mais on s’est arrêté à mi-parcours pour tout ce qui concerne la sécurisation des droits des travailleurs, des droits de la famille". "Les droits ne sont pas coordonnés. Tout ce qui est monnayable peut être échangé, mais on laisse à la traîne tout ce qui touche l’individu", a-t-il dit.  

L’Europe des citoyens, fondée sur les valeurs de la démocratie et de la participation active, pourrait être atteinte, selon Mario Tommasi, en donnant plus de pouvoir au Parlement européen et en soumettant au suffrage universel l’élection du président de la Commission européenne. "Les citoyens ont l’impression que leur vote pour le Parlement européen a très peu de poids", a-t-il souligné.

La politique de la BCE serait, elle aussi, cause de divorce entre les citoyens et la construction européenne. Mario Tommasi voit comme une mission majeure des socialistes de participer à la redéfinition du rôle politique de la BCE qui, par son action, serait "l’une des raisons de la perte de crédibilité de l’Europe face à  ses citoyens dans cette crise économique loin d’être terminée".

Il faudrait ainsi avancer vers une Europe fédérale, plus solidaire, comme en ont exprimé le désir le président français, François Hollande, et le Premier ministre italien, Enrico Letta. Il faudrait "en terminer avec les égoïsmes nationaux" pour aller vers une politique de la relance de l’économie et d’emploi pour les jeunes et donc vers la fin d’une politique d’austérité responsable d’une hausse du  nombre de chômeurs et de "conflits sociaux aux conséquences imprévisibles". 

La défense des droits sociaux devrait au contraire être au cœur de la politique européenne: "L’Europe doit se présenter face aux défis mondiaux comme lieu géopolitique où l’Etat intervient de manière solidaire pour aider ceux qui ont moins et soutenir un welfare équitable pour tous", pense Mario Tommasi. "Les futures générations se rappelleront de nous si nous leur laissons une Europe plus démocratique et plus juste et surtout moins polluée et une économie basée sur le développement du citoyen."

La marche du Parti socialiste européen vers les élections européennes de 2014

Le président du parti socialiste luxembourgeois (LSAP), Alex Bodry, était de retour d’une réunion du Parti socialiste européen, tenue la veille à Bruxelles, en vue de la réalisation d’un programme commun pour les élections européennes de mai 2014. A la différence du laborieux document de vingt pages des précédentes élections, le projet devrait cette fois se concentrer sur dix points, pour plus de clarté et de concision. Il devrait être adopté dès la fin du mois de juin 2013.

Pour Alex Bodry, ce programme commun est "une grande avancée". C’est un texte qui selon lui "va dans la bonne direction", mais  il reste néanmoins encore "loin de constituer une alternative critique et crédible". Pour cause, il existe des divisions au sein du PSE, qui tiennent au fait qu’il est constitué d’une "trentaine de partis avec des histoires, des cultures et des traditions différentes".  A ses yeux, la grande difficulté de ces élections européennes sera "d’esquisser un projet alternatif".

Pour Alex Bodry, "l’attitude critique vis-à-vis de l’économie de marché" doit continuer à compter parmi les valeurs des socialistes européens

Alex Bodry explique qu’il y a des divergences dans le jugement de la politique d’austérité menée dans certains Etats européens. Elles s’expliquent aussi par la diversité des situations des partis socialistes d’Europe. Certains sont au pouvoir seul (c’est le cas pour sept gouvernements), d’autres en coalition (pour douze gouvernements), pendant que les autres sont dans l’opposition. Lors d’une Conférence des leaders du PSE organisés à Leipzig en mai 2013, "on a senti ces différences entre une majorité de partis qui ont la volonté d’attaquer plus ou moins frontalement cette politique et ceux qui sont au pouvoir et ne partagent pas tout à fait cet avis-là", a-t-il dit. Les socialistes finlandais, néerlandais et autrichiens sont les partisans de la rigueur budgétaire. La ministre finlandaise et socialiste des Finances est "très dure sur les questions budgétaires", a fait savoir Alex Bodry. "On sent déjà qu’il y aura beaucoup de difficultés pour se mettre d’accord sur des points précis, notamment sur l’évaluation de la politique qui a été menée par la commission Barroso et une majorité conservatrice au Conseil européen."

Et pourtant, "on ne peut pas entrer en campagne en disant : ‘ Nous allons continuer comme ça’", a poursuivi le socialiste luxembourgeois. "Je crois que nous ne pourrons gagner ces élections et en ressortir renforcés que si nous réussissons à transmettre des messages clairs qui constituent une remise en cause de la politique menée, dans l’équilibre entre croissance et équilibre budgétaire, et ses  conséquences au niveau social et de l’emploi", a-t-il dit.

Les valeurs de la mouvance socialiste devraient, selon le socialiste luxembourgeois, faire le ciment entre les différentes sensibilités. Y figurent  l’égalité, "qu’on ne retrouve pas dans des programmes de partis de droite et même du centre", la notion de solidarité, l’internationalisme, l’autodétermination de l’homme. Alex Bodry fait aussi figurer au rang de ces valeurs "une attitude critique vis-à-vis de l’économie de marché". "Je ne dis pas qu’on veut la changer de fond en comble. (…) Mais cela doit rester, même s’il y a des discussions sur ce point." 

Constatant que les socialistes n’ont "d’exclusivité sur ces valeurs", ils se doivent d’être crédibles. "Nous devons nous-mêmes vivre ces valeurs, en tant que parti, mais également en tant qu’homme. On ne peut pas être crédible si dans sa propre vie, dans sa propre action politique, on est en contradiction avec ces valeurs. Et un parti qui n’est pas crédible, ne peut pas être élu", a-t-il souligné.

Martin Schulz, candidat unique pour la tête de liste ?

Alex Bodry a aussi évoqué la volonté socialiste de nommer une tête de liste, en septembre 2013, pour les élections européennes. Cette tête de liste sera aussi candidate au poste de président de la Commission européenne, malgré une contradiction : "Même si la gauche gagnait les élections, vu les gouvernements conservateurs actuellement au pouvoir, il y a très peu de chance qu’il y ait un président socialiste".

Ce choix évitera de revivre la situation de 2009 quand José Manuel Barroso avait été "pré-désigné avec le soutien d’un certain nombre de partis socialistes européens".  La situation était alors inconfortable : "On ne pouvait pas critiquer Barroso I et soutenir Barroso II." 

Alex Bodry a toutefois signalé qu’il espérait qu’il y aura plus de candidats à la tête de liste, question de démocratie. Pour l’instant, celui qu’il soutient, le président allemand du Parlement européen, Martin Schulz, est le seul en lice. Et, lors du tour de table informel qui s’est passé à Leipzig, il n’y avait que les Néerlandais pour troubler le concert d’unanimité en faveur Martin Schulz. Néanmoins, la règle qui veut qu’un candidat soit soutenu par au moins six fédérations autres que la sienne rend cette hypothèse peu probable.

Gabriel Richard-Molard : "Le gros problème c’est qu’aujourd’hui dans les partis, on a souvent des cadres qui sont très nationaux"

Gabriel Richard-Molard a lui aussi fait part des divisions entre socialistes européens,  "quand on aborde des thématiques propres à l’identité nationale. » Français expatrié en Allemagne, il raconte que l’évocation des besoins d’une gouvernance économique commune et de la création d’eurobonds suscite chez ses homologues allemands des réactions de stupeur : "Tout le monde me regarde en me disant ‘Mais tu es communiste’ ",  résume-t-il. Il pointe par ailleurs le choix des cadres dans les partis socialistes français et allemands.

"Le gros problème c’est qu’aujourd’hui dans les partis, on a souvent des cadres qui sont très nationaux", dit-il pensant aussi bien à la situation au sein du parti socialiste français qu’au candidat allemand à la chancellerie. "Le problème c’est que quand [Peer Steinbrück] est à une table avec des leaders étrangers, ils ne se comprennent pas." "A partir du moment où on aura des cadres de parti qui ne considèrent plus l’Europe comme une succursale des relations internationales mais bien comme une place importante dans chaque politique publique d’un Etat, on arrivera à une prise de conscience collective", a-t-il dit. Il a dans ce contexte estimé, avec d’autres militants présents à la réunion, que les partis socialistes devraient faire l’effort, aux élections européennes, de réserver sur leur liste des places, en position d’éligibilité, pour des citoyens européens.