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Citoyenneté, jumelages, mémoire - Traités et Affaires institutionnelles
2013, Année européenne des citoyens – Une table-ronde a été l’occasion de présenter les instruments à la disposition des citoyens pour faire entendre leur voix dans le processus de décision européen
08-04-2013


Le 8 avril 2013, le Ministère des Affaires étrangères du Luxembourg, le Bureau d’Information du Parlement européen au Luxembourg et la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg organisaient une table-ronde qui avait pour mission de présenter aux citoyens les moyens qui s’offrent à eux pou faire entendre leur voix au niveau européen.

Une manifestation qui s’inscrivait dans le cadre de 2013, Année européenne des citoyens, et qui a réuni au Carré Rotondes Cécile Le Clercq, de la Commission européenne, Camille Gira, député (Déi Gréng) et président de la commission des Pétitions à la Chambre, Gilles Feith, directeur adjoint du CTIE, Jeff Ries, du Landesverband qui venait en tant que coordinateur au Luxembourg de l’initiative citoyenne Right2Water, et enfin Christoph Schröder, chef du bureau d’information du Parlement européen au Luxembourg. La discussion était modérée par la journaliste Danièle Weber.Gilles Feith, Christoph Schroeder, Danièle Weber, Cécile Le Clercq, Camille Gira et Jeff Ries réunis au CarréRotondes le 8 avril 2013

Jeff Ries a souligné l’importance qu’il y a à informer les citoyens des moyens qu’ils ont de se faire entendre, l’enjeu étant pour lui de construire une Europe des citoyens, et non de se contenter d’une Europe des capitales. Il se dit de plus en plus conscient de l’importance des décisions prises au niveau européen qui doivent bien souvent juste être mises en œuvre au niveau national. Et il relève, et regrette, que l’on ait attendu trop longtemps pour réagir au niveau européen dans des dossiers comme la libéralisation de la poste ou du rail, ce qui explique que l’on se retrouve ensuite devant le fait accompli.

Cécile Le Clercq s’est attachée à décrire, de façon schématique, les différentes possibilités qui existent de se faire entendre dans le cadre unique, mais aussi très complexe, de la prise de décision européenne.

Avant de détailler les instruments existants, elle a rappelé les principes démocratiques qui en sont le fondement, à savoir le socle que constitue la démocratie représentative et qui est complétée par différents éléments relevant de la démocratie participative et les droits des citoyens inscrits dans les traités.

Les citoyens peuvent par ailleurs faire entendre leur voix à différents moments de la procédure législative : ainsi il est possible d’influer sur la mise à l’ordre du jour d’un dossier, car si la Commission a par principe le droit d’initiative, elle est aussi à l’écoute, ensuite, il est possible de se manifester au moment où la Commission prépare une proposition législative et enfin, lors des négociations sur un texte avant son adoption au niveau du Parlement européen et du Conseil. La mise en œuvre des politiques et programmes se fait aussi avec la participation des citoyens et de la société civile puisqu’elle passe bien souvent par des programmes de cofinancement de différentes actions, sans compter qu’il est possible aussi de participer à leur monitoring et à leur évaluation. Et qu’il est aussi possible de se plaindre.

Voter…

La possibilité de s’exprimer dans les élections du Parlement européen, qui ont lieu tous les cinq ans au suffrage universel direct, est essentielle. Mais le vote aux élections nationales est lui aussi déterminant, même si son incidence semble moins directe : il permet en effet de constituer les gouvernements qui seront représentés dans les différents Conseils, ou encore qui vont nommer les membres de la Commission européenne.

Par ailleurs les parlements nationaux ont un rôle important dans le contrôle de la subsidiarité et le vote des citoyens aux législatives n’est donc pas sans conséquence de ce point de vue-là.

Le député Camille Gira plaide d'ailleurs pour que la Chambre se donne les moyens d’être un contrepoids au gouvernement, et ce en travaillant plus en amont sur les propositions législatives de la Commission. Mais dans l’état actuel des choses, déplore-t-il, ce n’est pas faisable tout simplement par manque de personnel. Certes la Chambre a réussi à formuler un avis sur le paquet ferroviaire, un dossier sur lequel les députés et le gouvernement sont au diapason, mais il faudrait, estime-t-il, 3 à 4 collaborateurs par commission parlementaire pour pouvoir analyser les conséquences des différentes propositions législatives, contre 1 actuellement.

Plus largement, Camille Gira insiste bien sur le rôle que jouent les membres du gouvernement dans le processus de décision européen, puisqu’ils sont au Conseil. Et il appelle donc à faire pression sur eux, invitant les citoyens à exiger des ministres luxembourgeois, mais aussi des eurodéputés luxembourgeois, des positions claires.

Exprimer son opinion…

Pour exprimer son opinion il est possible de répondre aux consultations que la Commission organise de manière quasi systématique avant de finaliser une proposition législative.

La méthode classique consiste à rédiger un livre vert qui fait le tour des différentes options possibles et sur lequel il est possible de s’exprimer avant la rédaction d’un livre blanc qui s’appuie sur la synthèse des résultats de la consultation et qui contient la proposition législative formelle. Depuis 2003, souligne Cécile Le Clercq, des standards de consultation garantissent le respect de délais, les modalités et l’obligation de retour de la Commission.

La Commission a aussi développé un outil de consultation électronique plus rapide par le biais de questionnaires en ligne qui nécessitent peu de temps pour être complétés et qui permettent à ses services d’agréger aisément les réponses par pays ou par profil.

Il est par ailleurs toujours possible de s’adresser par courrier à la Commission ou aux eurodéputés et d’entrer en contact avec eux. Sans compter que la présence de la plupart des institutions sur les réseaux sociaux favorise le dialogue et qu’il est toujours possible de s’exprimer dans les médias.

Echanger et réseauter / Dialoguer…

Comme il est plus facile d’avoir de l’impact en s’exprimant de façon collective, la Commission souligne aussi qu’il existe des instruments privilégiant les échanges entre citoyens et organisations de la société civile, ce qu’elle considère comme la dimension horizontale du dialogue.

Le dialogue avec les institutions elles-mêmes, dans sa dimension verticale, est lui en partie encadré par les traités.

Ainsi les articles 154 et 155 du TFUE prévoient-ils, dans le cadre du dialogue social, que la Commission consulte les partenaires sociaux dans une série de domaines, en précisant que les conventions entre partenaires sociaux peuvent devenir juridiquement contraignantes lorsqu’elles sont adoptées.

Le dialogue civil est lui organisé par domaines thématiques, chaque DG ayant ses habitudes et ses interlocuteurs : la DG ENVI est ainsi en contact régulier avec le G8 des ONG environnementales par exemple, tandis que d’autres DG sont en relation avec des think-tanks dans le cadre de "dialogues structurés", à l'image d'Europaid. Certaines mettent en place des dialogues ad hoc en fonction des dossiers en cours, ou privilégient encore le dialogue régional, ce que font notamment les DG REGIO, RELEX et ELARG.

Plaider sa cause…

La Commission affiche une approche qu’elle veut neutre à l’égard de celles et ceux qui cherchent à défendre leur intérêt, une démarche qui va du simple plaidoyer au lobbying intensif. Et elle a tenté d’instaurer plus de transparence en créant un registre des représentants d’intérêts dans lequel ils indiquent les domaines politiques dans lesquels ils sont actifs, mais aussi des informations portant sur le volume et la source de leurs financements.

Pour Cécile Le Clercq, c’est là une énorme avancée, même si elle reconnaît que l’outil n’est pas parfait. L’inscription sur le registre se fait en effet sur une base volontaire et implique un engagement à respecter un code de bonne conduite.

A ce jour plus de 5600 organisations sont enregistrées, et la Commission espère arriver à la masse critique suffisante pour qu’il soit politiquement correct de s’enregistrer pour un organisme. Mais, comme certaines sociétés de consulting rechignent encore un peu en arguant du respect de la confidentialité sur leurs clients, la Commission est en train de réfléchir à assouplir son registre pour les inciter à s’y inscrire.

Inciter à mettre à l’ordre du jour : l’initiative citoyenne…

L’initiative citoyenne européenne (ICE) permet à 1 millions de citoyens venant de sept Etats membres au moins de demander à la Commission de faire une proposition législative dans un domaine relevant de ses compétences.

A compter du 1er avril 2012, il sera possible de lancer une initiative citoyenneRégie par un règlement qui est d’application directe et qui est entré vigueur le 1er avril 2012, l’initiative citoyenne est un instrument encore neuf, et il a fallu attendre le mois d’octobre 2012 pour que Right2Water, qui a entre temps franchi le cap des 1 million de signatures, puisse être la première initiative à voir certifier son système de collecte en ligne. Le processus est nécessairement long pour mettre en œuvre un tel instrument, a expliqué Gilles Feith, qui soulève la difficulté qu’il y a à collecter 1 million de signatures tout en respectant la sécurité des données. La Commission avait ainsi proposé au mois de juillet 2012 d’héberger sur ses serveurs les données des initiatives citoyennes, ce qu’elle fait avec le concours du CTIE luxembourgeois. Depuis octobre, le nombre de certifications ne cessent toutefois d’augmenter.

Jeff Ries constate lui qu’il n’est pas si aisé de récolter le nombre de signatures en respectant les règles de répartition par Etat membre qui dépendent du nombre d’eurodéputés. Ainsi, c’est particulièrement difficile au Luxembourg, où le nombre d’eurodéputés est plus grand, proportionnellement à la population, que dans d’autres Etats membres, ce qui fait qu’il est plus difficile d’atteindre le seuil des 4500 signatures nécessaires. "Mais on va le dépasser largement !", affirme, confiant, le responsable de la collecte de signatures de Right2Water au Luxembourg, même si le sujet de la libéralisation de l’eau est selon lui un thème moins sensible au Luxembourg que dans des pays qui ont déjà eu à subir des expériences malheureuses en la matière et qu’il est donc moins aisé de mobiliser les citoyens du Grand-Duché sur un sujet dont ils ne mesurent pas l’importance de prime abord.

Autre difficulté soulevée par Jeff Ries, le fait qu’il soit nécessaire de donner son matricule pour pouvoir faire valoir sa signature au Luxembourg. Une question très sensible pour un grand nombre de gens qui se montrent du coup réticents à accorder leur soutien à l’initiative. Gilles Feith est conscient que cette disposition propre au Luxembourg puisse être considérée comme un obstacle. Elle avait d’ailleurs fait l’objet de vives discussions, de nombreux acteurs se demandant si c’était bien nécessaire. Mais c’est le seul moyen au Luxembourg d’identifier un individu sans ambiguïté, a-t-il été conclu. Le directeur adjoint du CTIE imagine qu’on pourrait avoir à l’avenir un système de signature électronique certifiée, en utilisant un système comme Luxtrust par exemple.

L’ICE est un nouvel instrument, et il devra être amélioré, pointe Gilles Feith qui estime qu’il convient d’utiliser à la fois la collecte électronique et la collecte de signatures sur papier si l’on veut toucher tout le monde. Ce que l’assistance n’a pas manqué de conforter, car tout le monde n’a pas accès à un ordinateur. Cécile Le Clercq a précisé qu’une évaluation de l’ICE était prévue après trois ans de fonctionnement. Il est donc possible de commencer à faire remonter des remarques sur son fonctionnement et les difficultés rencontrées.

Le sort qui sera fait aux exigences formulées par les citoyens dans le cadre des ICE actuellement enregistrées reste une grande inconnue, a aussi souligné Jeff Ries qui est curieux de voir comment la Commission réagira à la demande faite dans le cadre de Right2Water. Car si l’attente des organisateurs de cette ICE est claire, à savoir aboutir à ce que l’eau soit considérée comme un bien public qui ne puisse être libéralisé, ils sont aussi conscients que ce sera difficile. La Commission a en effet un délai de trois mois pour donner suite et Jeff Ries ne se fait pas d’illusion, car l’eau représente un tel marché que le lobbying va être très fort. Christoph Schröder, qui est convaincu que le Parlement européen prendra au sérieux les débats qui feront suite à toute initiative citoyenne, estime lui aussi que les attentes des organisateurs ne doivent pas être trop grandes. Sa prudence est nourrie de l’expérience du Parlement européen qui est accoutumé des rapports d’initiative invitant eux aussi la Commission à faire des propositions législatives dans un domaine donné. Cécile Le Clercq a précisé que tout organisateur d’initiative avait toutefois droit à une réponse justifiée de la Commission qui peut baser son argumentation sur des considérations techniques mais aussi sur son appréciation de la marge politique dont dispose un dossier en fonction des équilibres politiques au Conseil.

Contester, déposer une plainte…

Il est possible de se plaindre auprès du médiateur européen en cas de mauvaise administration. Cécile Le Clercq observe que les plaintes déposées concernent la plupart du temps des problèmes de transparence ou bien sont liées à la gestion de contrats et appels d’offre.

Les citoyens peuvent aussi se plaindre d’un Etat membre auprès de la Commission si une mesure est jugée contraire au droit de l’Union, et la Commission se charge alors de diligenter une enquête qui peut aboutir à une procédure d’infraction.

Enfin, il est aussi possible de déposer une pétition auprès du Parlement européen.

Au Luxembourg aussi, il existe un droit de pétition qui est ancré dans la Constitution comme il l’est dans les traités au niveau européen sans être assez connu des gens, ainsi que l’a rappelé le député Camille Gira. Il observe que depuis qu’il y a un médiateur au Luxembourg, le nombre de pétitions a d’ailleurs diminué, car beaucoup de pétitions étaient auparavant un moyen pour les citoyens de défendre leur intérêt personnel au nom de l’intérêt général. La leçon qu’en tire le député est qu’une complémentarité est nécessaire entre les instruments, ce qui vaut bien sûr aussi pour ceux que l’UE met à disposition des citoyens. Le député espère par ailleurs vivement qu’une culture du débat va pouvoir se développer grâce à la pétition électronique.