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Economie, finances et monnaie
Luc Frieden s’est expliqué à la Chambre sur l’évolution des négociations d’un accord FATCA et ses implications pour la place financière dans un cadre européen qu’il juge actuellement "peu cohérent"
10-07-2013


Le 10 juillet 2013, le ministre des Finances, Luc Frieden, s’est exprimé à la Chambre des députés sur l'échange d'informations fiscales entre le Luxembourg et les Etats-Unis, les négociations sur un accord FATCA entre les deux pays qui en découle et les répercussions de la loi FATCA sur l’échange de ces mêmes informations dans l’UE, ce en réponse à une question dite "élargie" du député indépendant Jacques-Yves Henckes. 

Les questions de Jacques-Yves Henckes marquées par l’inquiétude pour le secteur financier

Pour Jacques-Yves Henckes, il était nécessaire de discuter à la Chambre des députés de l’obligation à laquelle seront soumis les établissements financiers luxembourgeois de communiquer les données de leurs clients états-uniens aux USA comme de pratiquer une retenue à la source de 20 % pour des dépôts ou investissements au-delà de 50 000 euros.

 De même il voulait savoir quelles seraient les conséquences dans l’UE du fait que le Luxembourg sera considéré sous l’angle du principe de la nation la plus favorisée.

 Il a voulu savoir où en étaient les négociations entre le Luxembourg et les USA sur un accord FATCA (Foreign Account Tax Compliance Act) et si l’accord avec les USA ferait l’objet d’un projet de loi.

Jacques-Yves Henckes a ensuite fait référence à la "Plateforme concernant la bonne gouvernance dans le domaine fiscal, la planification fiscale agressive et la double imposition", que la Commission européenne a décidé de créer le 23 avril 2013 afin de mettre en place une approche européenne commune dans la lutte contre les évadés et fraudeurs fiscaux, et a voulu savoir si cette manière de procéder ne conduira pas à une sorte de FATCA européenne.

Il a ensuite demandé au ministre si l’article 19 de la directive sur la coopération  administrative dans le domaine fiscal pourra être appliqué au Luxembourg après la conclusion d’un accord avec les Etats-Unis. Cet article 19 dispose que lorsqu’un État membre offre à un pays tiers une coopération plus étendue que celle prévue par ladite directive, il ne peut pas refuser cette coopération étendue à un autre État membre souhaitant prendre part à une telle forme de coopération mutuelle plus étendue pourra être appliqué. De plus, la Commission considère à partir de là que si des États membres ont conclu ou concluront des accords avec les États-Unis au titre de la FATCA, cela signifie qu’ils offrent une coopération plus étendue au sens de cette disposition. La Commission propose par conséquent de modifier la directive sur la coopération administrative sur la question de l’échange d’informations dans le sens qu’elle pourra permettre que le champ d’application de l’échange automatique d’informations entre Etats membres soit aussi large que celui du FATCA. Pour la Commission, les États membres devraient s'échanger mutuellement autant d'informations que ce qu'ils se sont engagés à échanger avec les États-Unis au titre de la FATCA.

Le député indépendant a ensuite constaté qu’il y a un  manque de clarté sur les implications de FATCA pour les fonds d’investissements et les obligations de transparence sur les actionnaires de ces fonds par le biais de leurs gestionnaires ou des banques.

Jacques-Yves Henckes a mis finalement en exergue les possibles répercussions pour le Luxembourg en termes de charges administratives et de frais de personnel supplémentaires qui pourraient grever la compétitivité de l’industrie des fonds.

Les réponses de Luc Frieden marquées par une critique de l’approche peu cohérente de l’UE quant à la question de l’échange automatique d’informations et de l’évasion fiscale   

Luc Frieden a constaté dans sa réponse que le dossier FATCA aura effectivement un impact sur la situation en Europe, notamment en ce qui concerne le secret professionnel des banques.

Luc Frieden à la Chambre le 18 juin 2013Le Luxembourg négocie "sciemment" avec les Etats-Unis car sinon il y aurait une application unilatérale de FATCA sans négociations. Ces négociations sont sur le point d’aboutir et le texte sera paraphé d’ici peu par les hauts fonctionnaires qui l’ont négocié et la signature des deux gouvernements y sera apposée en septembre ou octobre 2013. Il faudra selon le ministre une loi pour approuver un accord qui n’est cependant pas considéré comme un traité par les Etats-Unis. Il propose donc de l’inclure dans la loi qui s’appliquera aux questions de coopération entre administrations des contributions et qui donnera une base légale à ce qui est couramment appelé "l’abandon du secret bancaire" ou le passage à l’échange automatique d’informations, annoncé en avril 2013.

Quant à l’art. 19 de la directive sur la coopération administrative, il lui semble difficilement applicable, car il faudrait selon le ministre que les dispositions américaines soient similaires aux dispositions européennes actuellement en vigueur, ce qu’elles ne sont pas selon lui. Mais, donne-t-il à penser, la Commission a proposé une refonte de la directive.

Luc Frieden a par la suite informé les députés d’une déclaration qu’il a faite lors du Conseil Ecofin du 9 juillet 2013, lors de la présentation par la présidence lituanienne de son programme en matière de coopération fiscale. Il y a reproché à l’UE d’agir de manière assez peu  cohérente dans ce domaine, en procédant sur trois volets : la refonte de la directive sur la fiscalité de l’épargne, la refonte de la directive sur la coopération administrative et l’idée d’une FATCA européenne, annoncée le 9 avril 2013 sous forme de projet pilote par la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne, avec laquelle d’autres pays seraient d’accord.

Luc Frieden "regrette" cette triple démarche et est d’avis que "l’on ne peut plus continuer ainsi". Le ministre des Finances plaide pour un seul texte qui vaille au niveau global, toute autre démarche n’étant pas efficace pour lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Se pose pour lui de toute façon la question de la forme juridique que pourrait prendre une FATCA européenne partie de 5 pays. Pour Luc Frieden, il s’agit plutôt d’une "opération politique intérieure" de certains grands Etats membres, de sorte qu’il est loin d’être convaincu que ce projet puisse aboutir.

Autre information : il est selon lui acquis que les fonds d’investissement ne tomberont pas dans  le champ d’application de FATCA. Ce sera le modèle 1 basé sur un accord direct entre les administrations fiscales qui a été choisi, comme cela avait déjà été annoncé, comme c’est le cas aussi pour les autres Etats membres de l’UE, et cela simplifiera les choses pour la profession bancaire. Luc Frieden a conclu en expliquant qu’il n’était "pas un fan de FATCA", car il s’agit d’une loi unilatérale, mais que vues les circonstances, "il ne nous restait qu’à tirer le meilleur parti de la situation pour le Luxembourg, ce que l’on a réussi à faire".