Les députés européens ont donné le jeudi 12 septembre 2013 avec une immense majorité – et le vote positif de tous les eurodéputés luxembourgeois - leur feu vert au système européen de surveillance bancaire. Ce système placera environ 150 des plus grandes banques de la zone euro, des banques d'importance systémique avec des actifs totaux supérieurs à 30 milliards d'euros et une part des actifs totaux dans le PIB du pays d'accueil supérieure à 20 % sauf s'ils sont inférieurs à 5 milliards d'euros, ou des banques ayant été nationalisées, sous la supervision directe de la BCE, et ce à partir de septembre 2014. Ce mécanisme est le premier volet de l'union bancaire mise en chantier en juin 2012 lors d'un sommet de la zone euro.
Comme le souhaitait surtout l'Allemagne, les banques de moindre importance continueront à être supervisées au niveau national, les autorités compétentes devant toutes appliquer un socle commun de règles prudentielles. Par ce fait, et comme l’a souligné le commissaire européen en charge du marché intérieur et des services, Michel Barnier, ce seront cependant dorénavant "plus de 6.000 banques de la zone euro élargie (qui seront soumises) à une supervision de qualité, harmonisée et coordonnée, sous l’autorité de la Banque centrale européenne."
Pour séparer ses activités liées à la politique monétaire et celle liées à la supervision bancaire, la BCE créera un comité de supervision où siégeront les autorités nationales. Les décisions du comité de supervision devront être endossées par le Conseil des gouverneurs de la BCE, ou bien renégociées. Le système, qui sera obligatoire pour les membres de la zone euro, sera ouvert à tous les autres pays de l'UE. En effet, les députés européens ont plaidé en faveur d'un modèle de prise de décisions qui permettrait aux pays en dehors de la zone euro de participer sur un pied d'égalité.
Malgré un accord avec les Etats membres en mars 2013, le vote en plénière sur les deux textes législatifs préparés l’un par la députée Marianne Thyssen (PPE, Belgique) sur le contrôle prudentiel des établissements de crédit et les missions spécifiques confiées à la BCE, l’autre par Sven Giegold (Verts/ALE, Allemagne) sur l’autorité bancaire européenne (ABE) et l’adaptation des modalités procédurales aurait dû avoir lieu deux jours auparavant. Mais il avait dû être reporté parce qu’il fallait encore trouver un accord avec la Banque centrale européenne sur la question des droits du Parlement européen de recevoir du superviseur de la BCE des dossiers qui permettent aux parlementaires de comprendre les examens qu’il allait mener et les décisions qu’il allait prendre. La BCE avait été réticente à livrer ses procès-verbaux de réunions qui contiennent des informations confidentielles sur les banques supervisées. Néanmoins, un accord a pu être trouvé le 10 septembre dans la soirée grâce à l’engagement personnel du président du Parlement européen, Martin Schulz, qui avait longuement négocié avec le président de la BCE, Mario Draghi. Le vote a finalement pu avoir lieu le jeudi 12 septembre, peu de temps après la publication d’une déclaration commune marquant formellement cet accord.
Avec cet accord et le vote qui a suivi, les députés européens ont renforcé la transparence et la responsabilité démocratique et ont chargé l'Autorité bancaire européenne d'élaborer des pratiques de surveillance que les superviseurs des banques nationales devraient suivre. La rapporteure, Marianne Thyssen (PPE, Belgique), a, dans son intervention souligné l'importance de cet accord de coopération et d'échange d'informations entre BCE et PE qui sera annexé au paquet législatif, parce qu’il obligera le futur superviseur européen à rendre des comptes.
Le nouveau système de surveillance implique le transfert de pouvoirs de surveillance bancaire importants du niveau national au niveau européen. C'est ce qui explique pourquoi, tout au long du processus, les députés européens et plusieurs parlements nationaux ont insisté sur le fait qu'un tel transfert de pouvoirs nécessitait un contrôle démocratique adapté du nouveau superviseur. Selon la législation et l'accord interinstitutionnel qui l'accompagne, conclu entre le Parlement européen et la BCE, le Parlement européen aura donc une grande liberté d'accès aux informations. Plus important encore, les dispositions prévoient que le Parlement reçoive des "dossiers complets et significatifs des réunions [du comité de surveillance] qui permettraient de comprendre les examens en cours, notamment une liste annotée des décisions". Le président du comité de surveillance sera également tenu de participer à des auditions régulières au Parlement européen.
Afin de renforcer la responsabilité, le Parlement pourra, conjointement avec le Conseil, désigner le président et le vice-président du comité de surveillance ainsi que demander leur renvoi. Par ailleurs, il sera autorisé à mener des enquêtes sur d'éventuelles erreurs commises par le superviseur. Finalement, les députés pourront eux-mêmes interroger le superviseur par écrit et recevoir une réponse rapide.
Parmi les autres domaines clés pour lesquels le Parlement a obtenu des changements figurent:
Dans son intervention devant la plénière, le commissaire européen Michel Barnier a clairement expliqué que le mécanisme de surveillance unique "est un point essentiel", mais qu’il "ne représente qu’une première étape vers l’union bancaire". L’assainissement et le renforcement des bilans bancaires doivent continuer. Par ailleurs, "l’union bancaire, qui représente sans doute notre plus grand projet commun depuis la création de l’euro, doit pouvoir s’appuyer sur un second pilier : un mécanisme unique de résolution des crises bancaires, reposant sur des règles précises et prévisibles."
Pour le commissaire, "la première priorité consiste à faire adopter la directive dite 'BRRD' sur le redressement et la résolution des banques" où "il s’agit d’éviter les sauvetages publics systématiques en prévoyant que les pertes des banques en faillite seront en premier lieu assumées par les actionnaires et les créanciers, et non plus par les contribuables." Il a rappelé que "les négociations sur ce texte durent depuis plus d’un an, ce qui n’est pas anormal pour une réforme de cette importance." Selon lui, "la difficulté consiste notamment à concilier, d’une part, le besoin de sécurité juridique des actionnaires et créanciers – qui doivent connaître à l’avance les pertes qu’ils encourent en cas de résolution – et, d’autre part, une flexibilité permettant dans certains cas de substituer le fond de résolution aux créanciers dans l’absorption de pertes."
A côté de ces règles de résolution, l’autre priorité majeure est pour lui « de mettre en place le mécanisme unique de résolution, proposé par la Commission le 10 juillet dernier."Il s’agit ici "de mettre sur pied un mécanisme décisionnel clair s’appuyant sur un Conseil de résolution unique, qui pourra mettre en œuvre des décisions rapides et cohérentes pour la résolution de tous les établissements situés sur le territoire couvert par l'Union Bancaire." En complément du bail-in des actionnaires et des créanciers, cette proposition comprend, a précisé le commissaire, "un fonds unique de résolution, alimenté par le secteur bancaire, qui devra être suffisamment doté et mobilisable rapidement pour assurer le succès de la résolution et la viabilité des fonctions essentielles de la banque."
Un premier groupe de travail ad hoc s’est tenu avec les Etats membres le 19 juillet 2013, et au sein du Parlement européen, la députée portugaise Elisa Ferreira a été désignée comme rapporteure. Par ailleurs, "un calendrier ambitieux" a été fixé jusqu’à la fin novembre. La base juridique du futur mécanisme unique de résolution sera l’article 114 du Traité, comme c’est aussi le cas pour la proposition de directive résolution.
Dans un communiqué, l’eurodéputée luxembourgeoise PPE, Astrid Lulling, a salué le vote du Parlement européen, avec lequel "une étape essentielle vers l'union bancaire européenne a été franchie". Mais elle "regrette que le Parlement européen ait été lui-même à l'origine de retards inutiles alors que les obstacles qu'ils soient de nature politique ou technique ne manquent pas." Elle qualifie les exigences d’une "transparence totale de la BCE au nom de la démocratie" de "démagogie pure et simple", convaincue que les "divulgations d'informations confidentielles sur telle ou telle banque dans la presse" auraient conduit à "la déstabilisation de la banque concernée voire du secteur financier dans son ensemble". Elle a aussi pointé le fait que "les autorités de surveillance nationales n'ont pas ce genre d'obligation vis-à-vis de leur parlement".