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Éducation, formation et jeunesse - Marché intérieur
Adoptée par le Parlement européen, la révision de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles pourrait entrer en vigueur dès la fin de l’année 2013
09-10-2013


professions © Commission européenneLe 9 octobre 2013, le Parlement européen a adopté par 596 voix pour, 37 contre et 31 abstentions, le rapport de l’eurodéputée socialiste Bernadette Vergnaud sur la proposition de révision de la directive sur la reconnaissance des qualifications professionnelles, datant de 2005.

Cette proposition avait été présentée par la Commission européenne le 19 décembre 2011. Elle a pour but de permettre une simplification des procédures et un renforcement de la confiance entre les différentes parties prenantes. Cette modernisation visant aussi à faciliter davantage la mobilité des professionnels au sein de l’UE fut d’ailleurs définie comme un des douze leviers de croissance identifiés dans l’Acte pour le marché Unique présenté le 13 avril 2011.

Il existe en Europe environ 740 professions réglementées, dont l'accès est soumis à l'obtention d'un diplôme ou de qualifications spécifiques, souvent différentes d'un État membre à un autre. Par la directive de 2005 sur les qualifications professionnelles, sept d'entre elles furent automatiquement reconnues dans l'UE: médecins, dentistes, pharmaciens, personnel soignant, sages-femmes, vétérinaires et architectes.

Une carte professionnelle européenne

La principale innovation de la révision de la directive consiste en la création d’une carte professionnelle européenne. La carte professionnelle doit permettre aux travailleurs d'obtenir plus rapidement et plus simplement une reconnaissance de leurs qualifications. Elle sera délivrée sous forme de certificat électronique et se basera sur le système d'information sur le marché intérieur (IMI), établi par le règlement (UE) n° 1024/2012 du Parlement européen et du Conseil.

Les professions désireuses d’accélérer la reconnaissance des qualifications professionnelles et de l'expérience de leurs membres dans d'autres États de l'UE, pourraient opter pour ces cartes de qualifications professionnelles européennes, qui seraient octroyées par l'État membre d'accueil pour de courtes périodes de travail. L’État membre d'accueil déciderait également si l'activité peut être transférée.

Les professionnels seraient gagnants dans la mesure où ils pourraient demander à leur pays d'origine de régler la question de la reconnaissance de leurs qualifications, plutôt que de devoir introduire une demande dans le pays hôte, comme c'est le cas jusqu’alors. Et "les autorités ne répondent pas à la demande de reconnaissance dans les délais fixés par la directive, les qualifications du professionnel concerné seraient reconnues tacitement", explique le communiqué de presse diffusé par le Parlement européen à l’issue du vote.

Par souci de sécurité et de respect des consommateurs, un système d'alerte par le biais du système IMI sera mis en place au niveau européen pour signaler les professionnels de la santé ou de l'éducation ayant été condamnés à la suspension ou à l'interdiction d'exercice dans un État membre. Il existait déjà pour les professionnels de santé un système d’alerte dans la directive de 2005. Désormais, ce système s'appliquera également aux vétérinaires, ainsi qu'aux professionnels exerçant des activités relatives à l'éducation des mineurs, y compris les professionnels travaillant dans les domaines de la garde d'enfants et l'éducation de la petite enfance. L'obligation d'envoyer une alerte devrait néanmoins s'appliquer uniquement aux États membres où de telles professions sont réglementées.

"La carte et l'IMI devraient contribuer à renforcer les synergies et la confiance entre les autorités compétentes, tout en évitant la duplication des tâches administratives et des procédures de reconnaissance pour les autorités compétentes et en faisant bénéficier les professionnels d'une transparence et d'une sécurité accrues", expliquent les eurodéputés dans le texte qu’ils ont adopté.

Le texte prévoit également la création d’une base de données européenne, établie par la Commission européenne et répertoriant les informations des États membres sur diverses professions. Les Etats membres doivent y faire la démonstration que les règles qui sont appliquées chez eux aux diverses professions sont "proportionnées et non discriminatoires ». Dans le même état d’esprit, le 2 octobre 2013, la Commission européenne a publié une communication, intitulée "Évaluer les réglementations nationales en matière d'accès aux professions", qui aide les Etats membres à réaliser l’examen de leurs réglementations en matière de qualifications.

Par ailleurs, la révision de la directive met à jour la définition de la formation minimum des sept professions clés (médecins, dentistes, infirmières, sages-femmes, pharmaciens, vétérinaires et architectes) qui bénéficient d'une reconnaissance mutuelle automatique.

Enfin, parmi les autres innovations, la directive introduit la reconnaissance des stages à l’étranger comme expérience professionnelle ou encore la possibilité d’accorder un accès partiel à une profession règlementée (voir ci-dessous).

Dans l’intérêt de la mobilité des travailleurs et de la sécurité des clients/patients

"Introduire une carte professionnelle européenne, établir un cadre commun de formation et reconnaître les stages comme une expérience professionnelle va grandement améliorer la mobilité des travailleurs et la sécurité européenne", a fait valoir l’eurodéputée Bernadette Vergnaud (S&D, France), selon les propos rapportés dans le communiqué de presse du Parlement européen.

"Quelques mois avant les élections européennes, l’UE démontre sa capacité à être dynamique, innovante et à travailler au profit de ses citoyens", a-t-elle par ailleurs déclaré dans le communiqué de presse diffusé par son parti européen. "Le marché unique n’est pas qu’une zone de libre-échange. Il est aussi basé sur des valeurs partagées." "C’est crucial si nous voulons améliorer la compétitivité et l’emploi en Europe", a ajouté à sa suite l’eurodéputée Evelyne Gebhardt.

"Le texte adopté aujourd'hui facilitera les procédures de reconnaissance pour les professionnels qui souhaitent s'installer ou fournir leurs services dans d'autres Etats membres, tout en garantissant un niveau élevé de protection des consommateurs et des citoyens", s’est réjoui à son tour le commissaire en charge du marché intérieur, Michel Barnier, dans un communiqué de presse.

"Grâce aux cadres communs de formation, le système de reconnaissance automatique pourra être étendu à de nouvelles professions. Par ailleurs, les jeunes diplômés souhaitant accéder à une profession réglementée pourront bénéficier de cette directive pour pouvoir effectuer leur stage ou une partie de celui-ci à l'étranger", a-t-il encore ajouté.

La proposition de directive prévoit en effet que les organisations professionnelles représentatives au niveau de l'Union, ainsi que les organisations professionnelles ou autorités compétentes nationales d'au moins un tiers des États membres, puissent présenter à la Commission européenne des propositions de nouveaux cadres communs de formation. La Commission européenne peut également recourir à l’acte délégué pour mettre en place un cadre commun de formation pour une formation donnée.

Michel Barnier pense que le Conseil approuvera dans les prochaines semaines l'adoption de cette Directive révisée afin de permettre son entrée en vigueur avant la fin de 2013.

"Avec cette directive révisée, l’Union européenne offre aux professionnels des outils concrets et adaptés aux réalités du moment" s’est réjouie, par communiqué de presse, Constance Le Grip, porte-parole du Groupe PPE sur ce dossier. "Nous voulons permettre aux professionnels souhaitant partir travailler dans un autre État membre de le faire sans avoir à parcourir un long et coûteux labyrinthe de démarches administratives", a-t-elle encore déclaré.

Les points qui intéressent particulièrement le Luxembourg

A deux reprises notamment, par la voix de la Chambre des députés d’une part, et celle du ministre de l’Economie, Etienne Schneider, d’autre part, le Luxembourg avait émis des réserves envers différents développements prévus par la révision de la directive.

Le 3 mars 2012, la Chambre des députés avait adopté une résolution abordant un certain nombre de points du projet. Ainsi les députés luxembourgeois mettaient en garde "les instances européennes contre la tentation de s'immiscer dans les compétences nationales en matière d'éducation et de formation professionnelle par le biais de la reconnaissance des qualifications professionnelles". Les parlementaires luxembourgeois observaient "avec une certaine inquiétude que par les actes délégués prévus par la proposition de directive, la Commission européenne se voit entre autres attribuer, pour les professions relevant de la reconnaissance automatique, un certain droit de regard en ce qui concerne le contrôle de l'adéquation des connaissances et des compétences à la qualification en question".

Ils avaient estimé par ailleurs que la carte professionnelle devait être limitée à des professions clairement circonscrites et que la durée de validité maximale de deux ans prévue de ladite carte constitue un maximum absolu qui ne doit en aucun cas être dépassé.

Les députés avaient pris position contre l'introduction du principe de l'accès partiel dans la directive. Si le principe de l'accès partiel devait néanmoins inscrit dans le texte de la directive, les députés souhaitaient qu’il ne puisse pas être accordé dans le cas où la formation visée n'est pas réalisée. Et ils souhaitaient que soit limitée l'application de ce principe à une liste précise de professions.

Le texte adopté par les eurodéputés introduit la possibilité d’accorder un accès partiel "les différences entre les domaines d'activité sont si grandes qu'il est nécessaire d'exiger du professionnel qu'il suive un programme complet d'enseignement et de formation pour pallier ses lacunes et si ce professionnel le demande". Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, en cas de raisons impérieuses d'intérêt général, cet accès partiel peut être refusé. "Cela peut être le cas, en particulier, pour les professions de santé, si elles ont des implications en matière de santé publique ou de sécurité des patients", précise le texte.

Les députés insistaient par ailleurs sur l'importance de la question des connaissances linguistiques, particulièrement sensible dans le domaine des professions de santé. "Comme le Luxembourg est un pays où trois langues (luxembourgeois, français, allemand), voire plus, sont parlées couramment et concomitamment, il importe que les professionnels en contact direct avec les patients soient à même de communiquer avec ceux-ci dans une langue qui leur est familière et qui peut être l'une des trois", rappelaient-ils, appelant de leurs vœux "une certaine flexibilité en matière de langues du chef des professionnels" qui est "dans l'intérêt primordial des patients sans qu'elle puisse pour autant servir à élever des barrières linguistiques infranchissables".

"Les autorités compétentes devraient avoir la possibilité d'effectuer des contrôles du niveau linguistique après la reconnaissance des qualifications professionnelles", lit-on dans le texte adopté par le Parlement européen. La vérification du niveau linguistique devrait toutefois être raisonnable et nécessaire à la profession concernée et ne devrait pas viser à exclure des professionnels d'autres États membres du marché du travail dans l'État membre d'accueil. « Pour assurer le respect du principe de proportionnalité, et afin de renforcer la mobilité des professionnels dans l'Union, les contrôles effectués par une autorité compétente ou sous sa supervision devraient se limiter à la connaissance d'une langue officielle de l'État membre d'accueil ou d'une langue administrative de l'État membre d'accueil pour autant que cette dernière soit également une langue officielle de l'Union.  Cela ne devrait pas empêcher les États membres d'accueil d'encourager les professionnels à acquérir une autre langue à un stade ultérieur si c'est nécessaire pour l'activité professionnelle à exercer", lit-on encore.

Lors du Conseil Compétitivité du 30 mai 2012le ministre luxembourgeois de l'Economie, Etienne Schneider, avait souligné deux points sensibles pour le Luxembourg.

Il n’était pas d’accord avec la disposition modificative portant l'admission aux études d'infirmier suite à une formation scolaire générale de douze ans. "Nous ne pouvons accepter cette disposition", a-t-il tonné.

Constatant que la formation des infirmiers devrait apporter "une assurance plus solide et plus axée sur les résultats", le texte adopté par le Parlement européen prévoit deux cas de figure : "soit  une formation scolaire générale de douze années sanctionnée par un diplôme, certificat ou autre titre délivré par les autorités ou organismes compétents d'un État membre ou par un certificat attestant la réussite à un examen d'admission, de niveau équivalent, à l'université ou à des établissements d'enseignement supérieur d'un niveau reconnu comme équivalent; soit une formation scolaire générale d'au moins dix années sanctionnée par un diplôme, certificat ou autre titre délivré par les autorités ou organismes compétents d'un État membre ou par un certificat attestant la réussite à un examen d'admission, de niveau équivalent, aux écoles professionnelles d'infirmiers ou à un programme de formation professionnelle en soins infirmiers". A cette formation doit s’ajouter "un total d'au moins trois années d'études, représentant au moins 4 600 heures d'enseignement théorique et clinique, la durée de l'enseignement théorique représentant au moins un tiers et celle de l'enseignement clinique au moins la moitié de la durée minimale de la formation.

De même, le ministre avait fait savoir qu'il était d'avis que cette directive ne devait pas s'appliquer à la profession de notaire. Il a obtenu sur ce point gain de cause puisque le texte fait explicitement mention que "la présente directive ne s'applique pas aux notaires qui sont nommés par un acte officiel des pouvoirs publics".