Le 9 octobre 2013, le Parlement européen a adopté à une très courte majorité le rapport de l’eurodéputé italien Andrea Zanoni sur la révision de la directive sur les Études d'Impact Environnemental (EIE). Par 332 voix pour, 311 contre et 14 abstentions, le Parlement européen propose notamment que les activités d'exploration et d'extraction d'hydrocarbures non-conventionnels par fracturation hydraulique, parmi lesquels les gaz de schiste, fassent obligatoirement l'objet d'une étude d'impact environnemental.
"Nous révisons cette législation clé pour l'aligner sur les nouvelles priorités de l'Europe, comme les sols, l'utilisation des ressources, le respect de la biodiversité. La fracturation hydraulique suscite des inquiétudes. Nous prévoyons des critères clairs pour éviter les conflits d'intérêt et pour que le public soit impliqué", avait déclaré le rapporteur Andrea Zanoni (ADLE, IT) face à l’hémicycle, selon le communiqué de presse du Parlement européen.
La directive sur les EIE définit les critères pour réunir les informations nécessaires avant qu'un projet, public comme privé, ne soit validé par les autorités nationales. Il couvre des projets aussi divers que la construction de ponts, de ports, d'autoroutes, la création de décharges de déchets, que les projets d’élevages intensifs de poulets ou de porcs.
Jusqu’alors, la législation en vigueur couvre les projets liés au gaz naturel à partir d'un débit journalier estimé à 500 000 m3 par jour. Les rendements des forages de gaz de schiste étant souvent inférieurs à ce volume et étant réalisés par fracturation de la roche, leur exploitation n’est donc pas encore systématiquement soumise à une évaluation des incidences. Par leur vote, suivant en cela le rapport adopté par la commission de l’environnement en juillet 2013, "les députés souhaitent que celle-ci soit obligatoire quelle que soit la quantité extraite d'hydrocarbures non conventionnels: gaz et pétrole de schiste, gaz de houille, etc., qu’il s’agisse de projets d’exploration ou d’extraction, pour la phase où la technique de fracturation hydraulique est mise en œuvre", lit-on dans le communiqué de presse du Parlement européen.
Le texte adopté invoque le principe de précaution qu'exige la résolution prise par le Parlement européen en date du 21 novembre 2012 au sujet de "l'industrie, l'énergie et d'autres aspects du gaz de schiste et du schiste bitumineux".
Par ailleurs, la proposition de révision de la directive sur les Études d'impact environnemental inclut des dispositions visant à lutter contre les conflits d'intérêt entre les maîtres d'ouvrage et les personnes menant les études. "Par leurs amendements, les députés souhaitent garantir que ces experts disposent, du fait de leurs qualifications et de leur expérience, de la compétence technique nécessaire pour remplir leur rôle. Ils doivent pouvoir travailler d'une manière scientifiquement objective et en toute indépendance par rapport au maître d'ouvrage et aux autorités compétentes elles-mêmes."
Enfin, la proposition présente des dispositions pour faire en sorte que les citoyens soient informés et consultés, dans la période d'évaluation de l'impact environnemental.
"Éviter, réduire ou compenser les effets négatifs sur le climat, l'environnement, la biodiversité et la santé n'est plus une option mais une obligation. Cette directive mise à jour devient un des instruments les plus efficaces pour protéger notre cadre de vie", s'est félicitée l'eurodéputée française, Sandrine Bélier, rapporteure pour le groupe des Verts/ALE, dans un communiqué de presse diffusé après le vote. Concernant la question des gaz de schistes, l'eurodéputée y déclare : "Malgré la pression des lobbies des industries pétrolières et gazières et de quelques Etats membres, l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste seront soumises à [l'obligation d'une étude d'impact]. (...) C'est une vraie avancée qui vient confirmer que cette technologie risquée doit être interdite."
"C'est un vote de confiance dans ce qui a toujours été un des fondements de la politique environnementale européenne, un élément-clé de la législation qui assure que les interrogations des citoyens soient prises en compte", a notamment déclaré, par communiqué de presse, le commissaire européen en charge de l'environnement, Janez Potočnik, sans évoquer la question des gaz de schiste. A noter que la COmmission européenne devrait, en décembre 2013, dévoiler les résultats de la consultation publique sur les carburants fossiles non conventionnels, dont le gaz de schiste, et décider de mesures réglementaires, ainsi que l'a rappelé le site internet Euractiv.
Le groupe PPE (centre-droit) a pour sa part dénoncé, dans un communiqué de presse, l’ensemble du projet de révision de la directive défendu par le Parlement européen, à l’instigation des libéraux, socialistes et écologistes. La position adoptée par le Parlement européen constituerait "une nouvelle charge bureaucratique pour l’industrie et le commerce en Europe et rendrait de nouveaux investissements plus difficiles en ces temps de ralentissement économique".
"Notre but est de réduire le fardeau administratif sans compromettre les objectifs environnementaux, en simplifiant la procédure pour créer de nouveaux projets et faire une législation standard commune. Le groupe PPE ne peut pas ajouter un fardeau supplémentaire pour ces entreprises qui sont les plus gros fournisseurs d'emplois dans l'UE. Nous ne pouvons pas être irresponsables", déclare l'élue conservatrice espagnole Cristina Gutiérrez-Cortines, dans le même texte. Le PPE insiste sur la courte majorité qu’a obtenue la proposition de révision afin que le Conseil revienne dessus.
Du côté luxembourgeois, les eurodéputés socialiste, Robert Goebbels, et écologiste, Claude Turmes, ont des positions diamétralement opposées, comme ce fut d'ailleurs déjà le cas lors d'un débat organisé à l'université du Luxembourg le 8 octobre 2012.
Dans son explication de vote, l’eurodéputé socialiste, Robert Goebbels confie avoir voté contre le rapport Zanoni, "même si heureusement la plénière y a apporté quelques améliorations", précise-t-il. Pour l’eurodéputé socialiste, les études d'impact "visent essentiellement à tuer toute activité économique nouvelle, à favoriser l'égoïsme individuel". D’ailleurs, selon Robert Goebbels, "si de telles études étaient requises au début de l'ère industrielle, l'humanité vivrait encore dans la misère absolue". Protéger l'environnement et la biodiversité ne peut, selon lui, se faire à travers une "préservation absolue", dit-il, constatant que "l'environnement et la biodiversité se portent mieux dans les pays économiquement développés, que dans les pays pauvres, dont les populations vivent dans la disette et la misère".
Interrogé par RTL Radio Lëtzebuerg, l’écologiste Claude Turmes se réjouit de l’obligation de mener une étude d’impact avant l’exploitation de gaz de schiste, qui, selon lui, est "immensément dangereuse pour l’environnement, l’eau et donc les gens". Il rappelle que le texte a le souci de réduire la charge bureaucratique et contient notamment le projet de réalisation d’un guichet unique et poursuit également l'objectif d'une limitation dans le temps de la réalisation de ces études d’impact.