Le 18 novembre 2013, la vice-présidente de la Commission européenne, Viviane Reding et son homologue, le ministre américain de la Justice, Eric H. Holder, ont discuté des conséquences des révélations sur les écoutes et l’exploitation de données européennes illégales dont se seraient rendus coupables les services secrets américains. La vice-présidente de la Commission européenne est ressortie manifestement satisfaite d’une réunion qu’elle a jugée "constructive et productive", lors d’une conférence de presse, selon des propos rapportés par l’AFP. "C'est la première fois en trois ans que je vois du mouvement", a-t-elle également dit.
Avant d’embarquer pour les Etats-Unis, Viviane Reding avait, dans une interview accordée à l’édition en ligne de l’hebdomdaire allemand Der Spiegel, fait montre de sa détermination vis-à-vis des Américains dont elle jugeait la posture "choquante". "La protection des données est un droit fondamental en Europe. On ne peut pas négocier les droits fondamentaux. Point", avait-elle notamment déclaré.
Lors de cette réunion, l’UE a d’abord obtenu des USA la reconnaissance des suites désastreuses de ces révélations et la nécessité d’y remédier. C’est "la première fois" que le ministre américain de la Justice, Eric Holder, a admis que les révélations issues des documents fournis à la presse par l’ancien ingénieur américain, Edward Snowden, avait provoqué des "problèmes" en Europe, a souligné Viviane Reding. Dans le communiqué commun diffusé à l’issue de la rencontre, les deux parties déclarent ainsi : "Nous reconnaissons ensemble que cela a mené à des tensions regrettables dans les relations transatlantiques que nous cherchons à apaiser."
Mais la réunion a surtout permis d’avancer sur des propositions concrètes d’amélioration du cadre légal. Le ministre américain de la Justice a "promis une solution satisfaisante (...) très rapidement" pour ce qui est de la protection des données, s’est réjouie Viviane Reding. "[Cette] bonne volonté doit être suivie d'actions concrètes", et "rapidement", a-t-elle néanmoins prévenu.
Dans leur communiqué de presse commun, les deux parties rappellent être alliées et que c’est depuis les attentats du 11 septembre 2001 et ceux qui survinrent plus tard sur le territoire européen, qu’elles ont intensifié leur coopération, notamment dans les domaines de la police et de la justice pénale. "Le partage d’informations pertinentes, dont celui des données personnelles, tout en assurant un haut niveau de protection, est un élément essentiel de cette coopération, et cela doit continuer", disent-elles.
Afin d’améliorer cette coopération, elles formulent le souhait d’"avancer rapidement" dans les négociations sur un accord-cadre sur la protection des données, lequel devra être "sensé et global". Cet accord, dont la conclusion est envisagée à l’horizon de l’été 2014, doit constituer "une base pour faciliter les transferts de données dans le contexte de la coopération policière et judiciaire, tout en assurant un niveau élevé de protection des données pour les citoyens américains et européens".
L’enjeu principal est d’obtenir pour les Européens les mêmes droits aux Etats-Unis que les Américains en Europe. La question du recours juridictionnel est ainsi désignée par les deux parties comme l’un des principaux problèmes à régler. "L’UE salue que les USA envisagent l’adoption de sauvegardes additionnelles, dans le contexte des Renseignements, qui bénéficieraient aussi aux citoyens européens", lit-on dans le communiqué de presse.
Les discussions ont également abordé le besoin de "clarifier que les données personnelles détenues par les entités privées sur le territoire de parties tierces ne sont pas accessibles par les organes et administrations répressifs en dehors des voies légalement autorisées", dit le communiqué de presse commun. L'accord bilatéral conclu en matière d'entraide judiciaire doit selon eux rester le cadre légal à travers lequel s’opèrent ces transferts de données.
Enfin, UE et USA soulignent l’importance des travaux du groupe ad hoc EU / USA et des évaluations continues des activités de collecte des services de renseignement américains, incluant l’évaluation des activités de la Privacy and Civil Liberties Oversight Board ("PCLOB") et du President’s Review Group on Intelligence and Communications Technology ("Review Group").
Eurodéputé parmi les plus critiques et les plus engagés dans les travaux d’enquête de la commission LIBE sur la surveillance de masse de la NSA, l’eurodéputé écologiste, Jan Philipp Albrecht, qui est aussi le rapporteur de la réforme européenne de la protection des données, a salué dans un communiqué de presse "un progrès important". "Après trois années de négociations sur un accord de protection des données avec les USA, Holder affirme son attachement à un recours juridictionnel pour les citoyennes et citoyens européens dans le transfert de leurs données vers les USA. Sans cette protection, le Parlement européen ne peut pas approuver l’accord sur la protection des données", a-t-il déclaré. L’eurodéputé rappelle que, depuis 1974, le "Privacy Act" américain ne reconnaît ce droit à un recours qu’aux citoyens de nationalité américaine ou disposant d’un titre de séjour permanent aux USA.
Néanmoins, Jan Philip Albrecht rappelle qu’un tel engagement aurait pu être atteint plus tôt, "si les Etats membres de l’UE avaient abandonné leur marche solitaire dans l’échange d’informations". Il existe ainsi encore des centaines d’accords bilatéraux entre des Etats membres et des pays tiers comme les USA, "qui affaiblissent l’acquis législatif de l’UE", et, "en particulier parce que beaucoup de ces accords sont formulés vaguement et sont tenus secrets, les droits fondamentaux des citoyennes et citoyens de l’UE sont mis en danger", juge-t-il. "Il est d’autant plus décevant que des pays comme l’Allemagne et la France poussent toujours pour des solutions bilatérales avec les USA et d’autres pays tiers. Ils feraient mieux de donner l’impulsion pour des règles européennes communes et donner suite à leurs actes."