Après la tragédie de Lampedusa qui a coûté début octobre 2013 la vie à plus de trois cent migrants d’Afrique et les discussions sur la nécessité d’agir qu’elle a déclenchées, la Commission a proposé le 4 décembre 2013 "des pistes pour renforcer la solidarité et l'entraide afin d’éviter que d'autres migrants ne périssent en mer Méditerranée."
Les actions que la Commission propose sont le fruit des travaux menés par la task-force pour la Méditerranée qu’elle a présidée.
Lors de sa conférence de presse, la commissaire en charge du dossier, Cecilia Malmström, a reconnu qu'il n'y avait "rien de très nouveau" dans les propositions qu’elle venait de présenter. Mais les peurs provoquées par l'immigration sont utilisées par les populistes et les partis d'extrême droite pour faire campagne contre l'Europe, a-t-elle souligné, citée par l’AFP. La commissaire s'est dite "très inquiète" du risque que ces forces acquièrent une véritable influence au Parlement européen après les élections de mai 2014 et a appelé les dirigeants de l'UE à "prendre leurs responsabilités".
La task-force a défini des mesures concrètes dans cinq domaines principaux:
L’Europe doit pouvoir venir en aide à ceux qui en ont besoin, en multipliant ses opérations de contrôle aux frontières et en renforçant ses capacités de détection des bateaux en Méditerranée.
Frontex, l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, a présenté à la task-force une nouvelle stratégie à cet effet. Celle-ci vise à coordonner les patrouilles effectuées dans la région, dans le cadre d'une plateforme commune et coordonnée - de Chypre à l’Espagne, en mettant l’accent sur les principales routes migratoires. Les efforts déployés en matière de surveillance des frontières nationales seront pleinement coordonnés aux opérations menées par Frontex, de manière à constituer un réseau européen de patrouilles. Ce réseau européen de patrouilles devrait concentrer son action sur les principales routes migratoires entre Chypre et l’Espagne et devrait améliorer la détection et l'intervention précoces, ce qui permettra de secourir des migrants en détresse en mer. D'après les estimations de Frontex, la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie devrait nécessiter des ressources financières supplémentaires de l'ordre de 14 millions d'euros par an.
Le système européen de surveillance des frontières (EUROSUR), devenu récemment opérationnel, s'inscrit dans le cadre de ces efforts (IP/13/1182 et MEMO/13/1070). En permettant aux services compétents de se faire une meilleure idée de ce qui se passe en mer, il contribuera à intensifier les échanges d’informations et la coopération au sein des services nationaux, entre les autorités des États membres, et entre ces dernières et Frontex. Les centres nationaux de coordination nouvellement créés et Frontex se communiqueront immédiatement les informations relatives aux incidents et aux patrouilles.
Aux capitaines et aux navires marchands, il y a lieu d’assurer, une fois pour toutes, qu'ils n'encourront aucune sanction de quelque sorte que ce soit pour avoir secouru des migrants en détresse et que des points de débarquement rapide et sûr seront mis à leur disposition. Il y a lieu de préciser que, pour autant qu’ils auront agi de bonne foi, ils ne s'exposeront à aucune conséquence juridique négative du fait d'avoir apporté une telle assistance.
S'il est vrai qu'il incombe aux États membres de se doter de mécanismes efficaces en matière d'asile, de migration et d'intégration, force est de constater que ceux qui sont soumis à de fortes pressions migratoires ont tout particulièrement besoin d’être soutenus. De nouveaux instruments devraient être disponibles à cette fin.
En ce qui concerne le soutien financier, la Commission constitue actuellement des réserves de financement (y compris l'aide d'urgence) jusqu'à concurrence de 50 millions d'euros. En soutien à l'Italie sont prévus 30 millions d'euros, destinés notamment aux opérations de surveillance des frontières relevant du mandat de Frontex. En faveur des autres États membres, 20 millions d'euros sont destinés à l'amélioration, entre autres, des capacités d'accueil, des capacités de traitement, ainsi que des capacités d'examen et d'enregistrement.
De nouveaux instruments clés ont été mis au point, tels que "l'aide au traitement" des demandes d’asile, qui consiste dans le déploiement de fonctionnaires nationaux dans les pays qui se trouvent en première ligne afin d’aider ces derniers à traiter les demandes d’asile d’une manière efficiente et efficace. Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (BEAA) sera, dans son rôle de pivot, au cœur de cette démarche en ce qu'il lui appartiendra de canaliser les efforts de solidarité des États membres vers les pays soumis à de fortes pressions
La coopération pratique et l’échange d’informations doivent être renforcés, y compris avec les pays tiers.
Il sera notamment envisagé de:
D'après les estimations d'Europol, des ressources supplémentaires jusqu'à concurrence de 400 000 euros par an seront nécessaires pour intensifier les actions de lutte contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains
La réinstallation est un domaine dans lequel les États membres pourraient faire davantage pour veiller à ce que les personnes ayant besoin d’une protection arrivent saines et sauves dans l'UE. En 2012, 4 930 personnes ont été réinstallées dans l'Union par douze États membres (République tchèque, Danemark, Allemagne, Irlande, Espagne, France, Lituanie, Pays-Bas, Portugal, Finlande, Suède et Royaume-Uni). La même année, ce sont plus de 50 000 personnes qui ont fait l'objet d'une mesure de réinstallation aux États-Unis.
Si tous les États membres prenaient part aux exercices de réinstallation et mettaient à disposition un nombre proportionnel de places, l’UE serait en mesure d’accueillir des milliers de personnes supplémentaires en provenance de camps de réfugiés. Afin de stimuler les réinstallations, de futurs financements de l'UE pour la période 2014/2020 seront débloqués en vue de soutenir des efforts et des engagements supplémentaires dans ce domaine. La Commission européenne envisage de mettre à disposition une somme forfaitaire maximale de 6 000 euros par réfugié réinstallé.
La Commission est prête à examiner la possibilité d’entrées protégées dans l’UE, qui pourraient permettre à des ressortissants de pays tiers d’avoir accès à la procédure d’asile en dehors de l’UE, donc sans devoir entreprendre de voyage périlleux pour atteindre l’Europe. Cette possibilité sera davantage précisée dans les mois à venir, notamment dans le contexte de la discussion sur l’avenir des politiques en matière d’affaires intérieures.
Afin de renforcer les capacités de protection dans les régions dont sont originaires de nombreux réfugiés, les programmes de protection régionaux existants devraient être renforcés et étendus. En particulier, un programme de protection régional renforcé pour l’Afrique du Nord (Libye, Tunisie et Égypte) devrait être combiné au nouveau programme de protection et de développement régional en faveur de la Syrie. Les nouveaux programmes de protection régionaux devraient couvrir à l’avenir d’autres pays importants de la région du Sahel.
L'UE et les États membres devraient chercher à ouvrir de nouvelles voies légales d'accès à l'Europe: la directive sur les travailleurs saisonniers (MEMO/13/941) devrait être pleinement transposée et mise en œuvre; la Commission espère que les colégislateurs pourront bientôt s'accorder sur sa proposition de directive visant à attirer dans l'Union des étudiants et des chercheurs étrangers et d'autres catégories de ressortissants de pays tiers et à leur faciliter l'entrée et le séjour temporaire dans l'UE (IP/13/275 et MEMO/13/281).
La Commission européenne vient de conclure les négociations relatives aux accords de partenariat sur la mobilité avec la Tunisie et l’Azerbaïdjan. Ces accords seront bientôt officiellement ajoutés à la liste des cinq accords de partenariat existants, qui ont été conclus avec le Cap-Vert, la Moldavie, la Géorgie, l'Arménie et le Maroc. Les partenariats pour la mobilité permettent de définir plus de possibilités de migration régulière et d’aider les pays partenaires à renforcer leurs capacités de protection dans la région et à respecter les droits de l’homme sur leur territoire. Ils permettent parallèlement d’accroître la coopération dans le domaine de la lutte contre les passeurs et les trafiquants qui exploitent les migrants.
L'action diplomatique visera à obtenir davantage de résultats dans nos dialogues sur la mobilité avec les pays tiers. Par exemple, de nouveaux dialogues sur la migration, la mobilité et la sécurité devraient être ouverts avec d'autres pays du sud de la Méditerranée, notamment avec l'Égypte, la Libye, l'Algérie et le Liban.
D’autres initiatives diplomatiques et politiques devraient viser à ce que les pays d'origine et de transit coopèrent avec l'UE aux fins du démantèlement des réseaux de traite d'êtres humains, de la lutte contre ce phénomène et de la réadmission des migrants en situation irrégulière.
Des campagnes d’information pourraient contribuer à sensibiliser les populations aux risques inhérents aux filières clandestines d’immigration et aux menaces que représentent les passeurs et les trafiquants, tout en les informant des possibilités d'immigration légale à leur disposition.
Au Conseil JAI d’octobre, les États membres sont convenus de mettre en place une task-force présidée par la Commission (direction générale des affaires intérieures). Sa mise en place a été favorablement accueillie par le Conseil européen d’octobre.
La task-force s'est réunie les 24 octobre et 20 novembre. L'ensemble des États membres ont pris part à ces réunions auxquelles participaient également Frontex et d’autres agences de l’UE (le Bureau européen d’appui en matière d’asile, Europol, l’Agence des droits fondamentaux et l'Agence européenne pour la sécurité maritime), ainsi que le service européen pour l’action extérieure.
D'autres entités sont consultées par la task-force, notamment les pays associés, le HCR, l’OIM, le CIDPM, le Centre européen des politiques migratoires, l’Organisation maritime internationale, l’ONUDC et Interpol.
La Commission fera rapport au Conseil "Justice et affaires intérieures" des 5 et 6 décembre. Les discussions en vue d’une adoption se poursuivront lors du Conseil européen de décembre.
Des initiatives à plus long terme seront également examinées dans le cadre de l'élaboration du programme devant faire suite au programme de Stockholm, notamment en ce qui concerne les futurs enjeux et priorités des politiques en matière d’affaires intérieures.