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Énergie - Environnement
Pressée d’agir pour encadrer une exploitation des gaz de schiste dans l’UE, la Commission a fait le choix de recommander des principes minimaux applicables par les Etats membres
22-01-2014


Dans le cadre de son nouveau paquet climat énergie, la Commission européenne a présenté le 22 janvier 2014 une recommandation concernant l’exploitation du gaz de schiste.

La question très disputée de l’exploitation du gaz de schiste dans l’UE

Le gaz de schiste est un gaz naturel piégé dans de la roche et qui ne peut être libéré que par fracturation de cette dernière. L'Union européenne n'a pour l'instant qu'une expérience limitée de l'application à grande échelle et intensive de la fracturation hydraulique à grand volume, connue sous le terme de "fracking". La technique consiste à injecter d’importants volumes d’eau, de sable et de substances chimiques dans un puits afin de fracturer la roche et de faciliter ainsi l’extraction du gaz.

Les perspectives d’exploitation des réserves en gaz de schiste de l’UE font l’objet depuis quelques années d’un débat pour le moins enragé dans l’UE. Certains pays, comme la Pologne, plaident pour pouvoir exploiter des ressources dont ils attendent beaucoup et qui leur permettrait d’être moins dépendants du charbon. Mais la Pologne n’est pas le seul Etat membre intéressé puisqu’Allemagne, Danemark, Espagne, Hongrie, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Suède et Royaume-Uni ont déjà ou bien sont sur le point de délivrer des licences de prospection et/ou d’exploitation de ces gaz non conventionnels. En Pologne ou au Royaume-Uni, l’exploitation pourrait démarrer dès 2015.

D’autres pays en revanche, comme la France, ont interdit l’exploitation de gaz de schiste sur leur territoire, la technique du fracking suscitant de profondes inquiétudes sur le plan environnemental.

Il relève en effet de la compétence des Etats membres d’autoriser, d’évaluer et de suivre les projets d’exploitation d’hydrocarbures dans le respect des règles européennes en matière de protection de la santé, de l’environnement, des eaux souterraines et de surface, mais aussi de gestion des déchets ou encore d’autorisation de produits chimiques.

Mais la majeure partie de la législation de l'Union en matière d’environnement est antérieure à la pratique de la fracturation hydraulique à grand volume.

L’intention de la Commission était donc d’offrir un cadre réglementaire de gestion des risques afin de remédier aux lacunes réglementaires.

En septembre 2012, la Commission européenne publiait trois études sur les énergies fossiles non conventionnelles et elle a poursuivi son travail avec une consultation publique à laquelle 23000 personnes ont répondu en 2013. 

Au Parlement européen, l’hémicycle s’est montré passionné et divisé sur la question, mais deux résolutions adoptées en novembre 2012 demandent que l’exploitation de gaz de schiste soit encadrée par des "régimes de réglementation solides".

Une proposition de la Commission européenne qui ne manquera pas de soulever des polémiques

C’est dire combien la proposition sur laquelle la Commission travaille de longue date maintenant était attendue, tant par ceux – Etats membres et entreprises - qui rêvent d’exploiter ces gaz de schiste, que par ceux qui s’inquiètent des impacts environnementaux du fracking.

Ce que la Commission a finalement mis sur la table risque toutefois de susciter de vives réactions chez ces derniers. Car le cadre réglementaire espéré prend la forme d’une recommandation faite aux Etats membres. La Commission préconise ainsi des principes minimaux applicables à l’exploitation du gaz de schiste.  Or, nombreux étaient ceux qui espéraient un cadre réglementaire plus contraignant.

Dans sa recommandation, la Commission reconnaît explicitement que "certains aspects environnementaux associés à l’exploration des gisements et à la production d'hydrocarbures par cette technique [le fracking] ne sont pas traités de manière exhaustive dans la législation de l’Union en vigueur, notamment en ce qui concerne la planification stratégique, l'évaluation des risques pour le sous-sol, l’intégrité des puits, l'évaluation des conditions initiales et la surveillance opérationnelle, le captage des émissions de méthane et la publication d’informations sur les produits chimiques utilisés pour chaque puits".

Mais la conséquence qu’elle en tire est qu’il "y a lieu, par conséquent, de définir les principes minimaux dont les États membres devraient tenir compte lors de l’application ou de l’adaptation de leur réglementation relative aux activités faisait intervenir la fracturation hydraulique à grands volumes".

Conscients sans doute des critiques à venir sur la nature non contraignante de l’outil choisi pour encadrer cette exploitation, les services de la Commission se justifient dans le MEMO destiné à la presse. On y apprend ainsi que le choix de la recommandation est liée au fait que la Commission était pressée d’agir vite. Or, contrairement à un cadre législatif contraignant, "une recommandation faite aux Etats membres a l’avantage d’être appliquée plus vite, tout en offrant un cadre de référence pour agir au niveau national".  Et la Commission assure qu’elle suivra de près l’application de la recommandation.

En attendant, la Commission souligne que la recommandation “devrait aider tous les États membres désireux de recourir à cette technique à gérer les risques environnementaux et sanitaires et à accroître la transparence à l'égard des citoyens". Et elle introduit également "des règles du jeu équitables pour le secteur et offre un cadre plus clair aux investisseurs".

Les principes minimaux préconisés par la Commission

La recommandation adoptée, qui se fonde sur la législation en vigueur de l’Union européenne et qui la complète autant que de besoin, invite en particulier les États membres:

  • à planifier les projets et à évaluer les possibles effets cumulatifs avant de délivrer des autorisations;
  • à évaluer rigoureusement les incidences sur l’environnement et les risques associés;
  • à veiller à ce que l’intégrité du puits corresponde aux meilleures pratiques;
  • à contrôler la qualité de l’eau, de l’air, des sols au niveau local avant le début des activités, afin de détecter d'éventuels changements et de parer aux risques émergents;
  • à limiter les émissions atmosphériques, y compris les émissions de gaz à effet de serre, par le captage du gaz;
  • à informer le public des produits chimiques utilisés dans les différents puits, et
  • à veiller à ce que les exploitants appliquent les bonnes pratiques pendant toute la durée du projet.

Les États membres de l’Union sont invités à appliquer les principes formulés dans un délai de six mois et, à compter de décembre 2014, à informer chaque année la Commission des mesures qu’ils auront mises en place. La Commission assurera le suivi de l'application de la recommandation au moyen d'un tableau de bord accessible au public, qui permettra de comparer la situation dans les différents États membres, et elle examinera dans dix-huit mois l'efficacité de cette approche.