Le 14 janvier 2014, le Parlement européen réuni en plénière a adopté, par 586 voix pour, 58 contre et 47 abstentions, une résolution "sur des inspections du travail efficaces à titre de stratégie pour l'amélioration des conditions de travail en Europe" afin de lutter contre le dumping social. Les six eurodéputés luxembourgeois ont voté en faveur de ce texte.
"La mondialisation de l'économie a fragilisé des relations de travail traditionnellement sûres et équitables. La sous-traitance, l'externalisation, la précarité, l'intensification du travail et le manque de sécurité de l'emploi nuisent à la qualité des emplois en Europe", expliquait l’exposé des motifs du rapport présenté par l’eurodéputée Jutta Steinruck (S&D) adopté le 12 décembre 2013, par la commission Emploi et affaires sociales du Parlement européen.
Alors que le travail non déclaré et l'économie parallèle représentent environ 18,8 % du PIB de l'UE et plus de 30 % du PIB dans certains États membres, les eurodéputés demandent à la Commission européenne et aux Etats membres de réagir notamment par l’harmonisation et le renforcement de l’inspection du travail. "Les inspections du travail jouent un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la législation sociale et pour garantir une concurrence équitable dans l'UE. La lutte contre le travail non déclaré (…) devrait permettre d'accroître les revenus fiscaux et les cotisations de sécurité sociale", a déclaré à l’issue des votes le rapporteur Jutta Steinruck, selon un communiqué de presse du Parlement européen.
Dans la résolution, les eurodéputés suggèrent à la Commission européenne l’élaboration d’un Livre vert afin de proposer des normes européennes en matière d'inspection du travail et de formation uniforme des inspecteurs du travail. La Commission est également appelée à élaborer des programmes de formation continue à l'échelle de l'Union pour les inspecteurs qui se penchent sur des problématiques telles que le travail indépendant factice et le détachement.
Pour les eurodéputés, les inspecteurs devraient dans toute l’UE, être indépendants des employeurs et dûment formés dans le secteur de la santé et de la sécurité du travail. Ils conseillent par ailleurs de créer des structures de contrôle supplémentaires à aspect sectoriel et à composition tripartite, représentant le gouvernement, les travailleurs et les employeurs et de mettre en place à titre pilote ce type de structures dans les États membres qui présenteraient les taux les plus élevés de travail non déclaré.
Ils proposent ensuite de créer une plate-forme européenne sur le travail non déclaré, au sein de la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail (Eurofound), à destination des inspecteurs du travail afin de renforcer la coopération transfrontalière et de pouvoir recenser les sociétés "boîtes aux lettres" et d'autres activités similaires. Ils voudraient également voir la compétence des inspecteurs s’étendre au contrôle des agences de travail intérimaire et au contrôle du respect des normes salariales et professionnelles ainsi que de l'application du salaire minimal.
De même, ils envisagent la création d’une cellule intégrée aux services de la Commission pour suivre les dossiers transfrontaliers de non-respect des règles de protection au travail et de travail non déclaré ainsi que la mise en place d’un projet pilote européen d'alerte précoce dès la violation constatée, assortie d'une liste noire.
Les eurodéputés souhaitent aussi l’élaboration de plans nationaux d'action : pour la lutte contre le travail non déclaré, couvrant toutes les formes d'abus tant dans le cadre du travail salarié que du travail indépendant et pour le renforcement des dispositifs d'inspection du travail, afin d’atteindre, au moyen du financement par les Fonds structurels, l'objectif d'un inspecteur pour 10 000 travailleurs, tel que recommandé par l’Organisation international du travail.
Les États membres et la Commission sont également appelés à promouvoir la mise en place volontaire de normes de travail plus élevées par les entreprises, grâce à l'instauration d'un système de labels sociaux gratuits et reconnus au niveau national ou européen.
Le Parlement européen propose notamment de créer une carte européenne électronique de sécurité sociale, qui couvre toutes les catégories de travailleurs. Elle permettrait à l'inspecteur du travail, muni d’un détecteur, de lire rapidement et facilement sur place toutes les données nécessaires au contrôle de la relation de travail du porteur, par exemple en matière d'assurance sociale et de temps de travail. Les eurodéputés mentionnent dans ce contexte le Luxembourg qui a annoncé un système similaire en janvier 2013 et l’a lancé sous forme de "badge social" en septembre 2013, ainsi que l’exemple de la Suède dans le secteur de la construction. Dans un communiqué de presse, l’eurodéputé luxembourgeois Déi Gréng, Claude Turmes, en déduit que l’Inspection du travail et des mines luxembourgeoise est "un modèle pour des contrôles efficaces contre le dumping social". Le badge social facilite les contrôles, tout comme le fera la réforme en cours de la directive sur le détachement, y souligne-t-il également.
Les eurodéputés soulignent d'ailleurs que ce besoin croissant d'inspection du travail s’inscrit aussi "dans le contexte du détachement des travailleurs à travers l'Europe". Pour rendre plus facile le contrôle des détachements, le Parlement européen demande ainsi que les informations sur le détachement de travailleurs, comme les attestations de détachement A1, ne soient pas rétroactives et qu'elles soient intégrées dans un registre électronique à l'échelle européenne. Ces registres européens seraient accessibles pour les autorités de l'ensemble de l'Union européenne, "afin de faciliter le contrôle, à l'échelon national, des contrats de travail de détachement dans les différents États, dans plusieurs langues".
Les eurodéputés évoquent également dans leur résolution l’extrême vulnérabilité des travailleurs migrants en situation irrégulière ou non autorisée. "Toute coopération entre les inspecteurs du travail et les autorités compétentes en matière d'immigration devrait se limiter à identifier les employeurs pratiquant des abus et ne devrait pas donner lieu à des sanctions contre les travailleurs migrants concernés ou à leur expulsion", disent-ils.