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Politique étrangère et de défense
Jean Asselborn réaffirme que l’UE et la Russie doivent agir de concert en tant que partenaires stratégiques sur le dossier ukrainien à l’occasion d’une visite de travail à Moscou
25-02-2014


asselborn-russie (source: BKA/Regina Aigner)Le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, était à Moscou le 25 février 2014, pour une visite de travail auprès de son homologue russe, Sergeï Lavrov, en vue de faire le point sur les relations bilatérales entre les deux pays ainsi que sur l’actualité politique, et plus particulièrement sur les situations en Syrie et, bien entendu, en Ukraine.

La rencontre aura d’ailleurs été dominée par les derniers développements sur le terrain en Ukraine, où le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a été destitué le 22 février – il est introuvable depuis –, et un chef de l'Etat par intérim, Olexandre Tourtchinov, le président du parlement ukrainien, nommé en remplacement. Cela après la signature d’un accord avec l’opposition en présence de médiateurs européens et russe la veille, poussée par une crise politique violente entre pouvoir et manifestants  qui a causé la mort d’au moins 80 personnes dans des affrontements à Kiev, la capitale.

Inquiétudes mais pas d’ingérence

Selon Jean Asselborn, interrogé par le quotidien luxembourgeois Tageblatt, Sergeï Lavrov a exprimé l’inquiétude de la Russie face aux développements ukrainiens et en particulier sur l’influence des extrémistes sur l’avenir en Ukraine et dans son voisinage. Le ministre luxembourgeois assure en revanche n’avoir perçu "aucun signe d’hostilité" de son homologue russe "ni à l’encontre de l’Ukraine, ni vis-à-vis de l’Union européenne" et encore moins une "volonté d’intervention militaire" de Moscou, a-t-il déclaré à deux autres quotidiens, le Luxemburger Wort et le Quotidien.

A l’issue de la rencontre, Sergeï Lavrov l’a en effet assuré. "Nous avons confirmé notre position de principe qui est de ne pas s'ingérer dans les affaires intérieures", a-t-il dit selon des propos rapportés par les agences de presse. "Nous espérons que tout le monde s'en tiendra à la même logique et utilisera ses contacts avec les diverses forces politiques en Ukraine pour permettre d'apaiser la situation et ne pas tenter de tirer certains profits à une étape où l'on a besoin d'un dialogue national et pour que la situation rentre dans le cadre légal", a-t-il poursuivi.

Coopération renforcée entre UE et Russie

Si la Russie ne reconnaît pas la légitimité des nouvelles autorités ukrainiennes de transition, elle présenterait néanmoins une attitude de main tendue, a jugé Jean Asselborn. "D’un commun accord, les ministres ont estimé qu’il importait de favoriser une coopération accrue entre la Russie et l’Union européenne pour trouver une solution pacifique à la crise en Ukraine dans le respect de l’intégrité territoriale du pays afin de stabiliser durablement la situation", peut-on lire dans le communiqué diffusé par le Ministère luxembourgeois à l’issue de la rencontre.

"Nous sommes d'accord (...) sur le fait qu'il est dangereux et contre-productif de forcer l'Ukraine à un choix entre ‘soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous’", a déclaré Sergeï  Lavrov lors de la conférence de presse à l’issue de l’échange, rapporte l’AFP. "Nous avons intérêt à ce que l'Ukraine fasse partie de la grande famille européenne dans tous les sens du terme". La veille encore, le Premier ministre russe, Dmitri Medvedev avait adopté un ton moins conciliant, jugeant que c'était "une aberration de considérer comme légitime ce qui est en fait le résultat d'une révolte". "Il nous sera difficile de travailler avec un tel gouvernement", avait-il dit.

Protection des minorités et de l’intégrité territoriale

Sergeï Lavrov aurait également critiqué la volonté de revenir sur une législation relative aux langues minoritaires, dont le russe, précédemment admis en tant que deuxième langue officielle dans certaines régions. De son côté Jean Asselborn a souligné que l'UE plaidait, dans le cadre de la formation d'un gouvernement intérimaire, pour que tous les groupes politiques y soient représentés, y compris les minorités linguistiques, rapporte le Tageblatt.

Les deux ministres ont par ailleurs convenu que l’intégrité territoriale de l’Ukraine devait être préservée, alors que la crise ukrainienne semble avoir encouragé des velléités séparatistes, notamment dans l’Est du pays, région majoritairement russophone.

Respect de l’accord de sortie de crise

Le chef de la diplomatie russe s'est par ailleurs prononcé contre la tenue d'une élection présidentielle anticipée le 25 mai en Ukraine, telle qu’annoncée par les autorités de transition, estimant que cela allait à l'encontre de l'accord de sortie de crise signé à Kiev - que la Russie n'a pas signé – qui prévoyait que des élections législatives et présidentielle ne pourraient avoir lieu qu'après l'adoption d'une réforme constitutionnelle, prévue d'ici à septembre.

"Il est très important, quoi qu'il se passe, de s'en tenir aux principes de l'accord" de sortie de crise, a-t-il insisté selon l’AFP, et de fait, la tenue d'une élection le 25 mai "est déjà un renoncement à l'accord". De son côté, Jean Asselborn a fait valoir que la logique de la révolte dans laquelle se trouvait l’Ukraine avait empêché que les étapes prévues de sortie de crise se déroulent comme on aurait pu l’espérer, selon le Tageblatt.

Aide financière

Une des questions désormais centrales est celle d’une aide financière, l’économie ukrainienne, étant "proche de la faillite", selon Jean Asselborn. Le pays a en effet des besoins financiers à court terme de l'ordre de 25 milliards d'euros. Le ministre a exprimé sa préférence pour la mise en place d’un consortium international qui pourrait notamment regrouper autour du Fonds monétaire international (FMI) les Etats membres de l’UE, du Conseil de l’Europe et de l’OCDE, et bien entendu la Russie, incontournable interlocuteur.

Il semble en effet très clair au chef de la diplomatie luxembourgeoise que la Russie doit être impliquée dans le nouveau départ en Ukraine, et que l’UE et la Russie devraient être des "partenaires stratégiques" dans ce dossier. "Je ne peux pas imaginer comment l'Ukraine pourrait construire un avenir stable sans ou contre la Russie", a encore déclaré Jean Asselborn au Tageblatt.