La Commission européenne avait présenté le 10 avril 2013 une proposition concernant les règles de l’UE en matière de lutte contre la concurrence déloyale causée par les importations faisant l’objet d’un dumping ou d’une subvention, en vue de les adapter aux défis auxquels est confrontée l’économie de l’Union européenne.
Entre autres, la Commission avait fait les propositions suivantes :
Le Conseil Compétitivité du 29 mai 2013 avait débattu de cette proposition. La discussion avait mis en avant une division assez nette du Conseil sur la pertinence de recourir à de telles mesures protectionnistes. Ainsi, l'Espagne, l'Italie et la France demandaient des mesures de défense commerciale renforcées. A l’opposé, la Suède, traditionnellement libre-échangiste, s’était inquiétée des risques d'une hausse du protectionnisme des pays tiers à l'égard de l'UE. "Préoccupé" par le projet de la Commission, le Royaume-Uni, avait néanmoins promis de "collaborer pour définir un paquet équilibré". Les nouveaux États membres de l’Est, et notamment la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie, avaient jugé pour leur part qu’il n’y avait pas lieu de modifier la situation actuelle tandis que l'Allemagne avait adopté une position mesurée en mettant en garde, contre des mesures trop restrictives qui « seraient négatives pour [ses] entreprises".
Le 21 janvier 2014, la commission Commerce international (INTA) du Parlement européen a adopté sa position par 24 voix pour, 6 voix contre et aucune abstention. Les députés y invitent l'UE à améliorer sa méthode de calcul des droits antidumping pour tenir compte des éléments environnementaux, sociaux et de développement, et à aider les PME qui ont des difficultés à tirer profit de ces instruments. Le rapporteur, Christofer Fjellner (PPE, Suède), a voulu "une proposition en faveur d'une réforme ambitieuse des instruments de protection commerciale au sein de l'Union européenne".
"Nous étions largement d'accord pour améliorer la proposition afin d'accroître la transparence, le principe de responsabilité et la vitesse de réaction, mais aussi dans le but de répondre aux inquiétudes des PME qui estiment qu'il est extrêmement onéreux et compliqué de participer à des enquêtes antidumping à l'heure actuelle", avait-t-il expliqué, précisant que c’est le principe sous-jacent du calcul des niveaux des droits antidumping qui avait divisé les eurodéputés en commission. Il appartenait donc à la plénière de février de s’exprimer sur le rapport Fjellner.
Pour la plénière, qui a tranché le 5 février 2014, l'UE doit augmenter les taxes contre les importations subventionnées ou faisant l'objet de dumping et permettre aux petites entreprises de tirer profit des instruments de défense commerciale de l'UE, ont estimé les députés lors d'un vote ce mercredi. Les députés européens ont également adopté des amendements appelant à des droits plus élevés contre le dumping social et environnemental.
"Nous révisons les dispositions les plus controversées de la politique commerciale européenne - les instruments de défense commerciale- qui normalement prennent la forme de droits anti-dumping. Les cas les plus connus tels que des droits anti-dumping de 47% sur les panneaux solaires chinois place cette question au premier plan de l'agenda politique. Nous avons obtenu de bons compromis dans la plupart des cas, pour davantage de transparence et de droits de contrôle du Parlement et nous avons permis d'aider les PME", a déclaré le rapporteur Christofer Fjellner (PPE, SV) après le vote. Pour lui, la position du Parlement est "beaucoup plus radicale" que le projet de la Commission.
Du fait de leurs coûts et de leur complexité, les enquêtes antidumping sont souvent initiées par les grandes entreprises. Les PME sont, au contraire, désavantagée dans l'accès aux instruments de défense commerciale de l'UE. Les députés suggèrent de mettre en place des services d'assistance pour aider les PME à introduire des plaintes et fournir des informations relatives aux procédures. Ce service pourrait également aider les secteurs économiques composés essentiellement de PME de rassembler les preuves nécessaires au lancement d'une enquête anti-dumping. Pour ces secteurs, il devrait être possible d'imposer des droits plus élevés pour lutter contre les importations subventionnées ou faisant l'objet d'un dumping.
Les députés se sont prononcés contre une proposition qui avertirait deux semaines à l'avance les importateurs européens et les pays tiers exportateurs, des projets de l'UE d'imposer des droits anti-dumping provisoires.
La Commission a proposé cet avertissement pour garantir que les biens déjà expédiés ne soient pas touchés. Les députés ont cependant répliqué que cette mesure pourrait encourager le stockage de biens faisant l'objet d'un dumping.
Enfin, les députés prônent une vitesse de réaction plus rapide aux pratiques de commerce déloyal, en demandant que les enquêtes antidumping et antisubventions soient limitées à neuf mois (contre 15 mois dans la proposition initiale) et que les droits provisoires soient imposés dès six mois après l'ouverture de l'enquête (contre neuf mois dans la proposition initiale). Le Parlement soutient par ailleurs la proposition défendue par l'exécutif européen de s'autosaisir pour enquêter lorsqu'il y a menace de rétorsion (enquêtes ex officio).
Les députés proposent que l'UE modifie les règles afin de pouvoir imposer des droits plus stricts sur les biens importés qui font l'objet d'un dumping ou de subventions si le pays exportateur "ne présente pas un niveau suffisant de normes sociales et environnementales", sur la base des conventions en matière d'environnement et de droit du travail, ce qui est aussi dans le sens des revendications du vice-premier ministre luxembourgeois, Etienne Schneider.
Parallèlement, l'UE devrait appliquer des droits plus modérés (en utilisant la "règle du droit moindre") lorsque les biens subventionnés proviennent d'un pays moins avancé qui souhaite atteindre ses "objectifs de développement légitimes".
La législation actuelle sur la protection commerciale de l'UE remonte à 1995. Depuis, les relations commerciales de l'Union avec les pays tiers ont énormément changé et la structure des échanges s'est mondialisée. La proposition de réforme vise à rendre la législation de protection commerciale de l'UE plus efficace, à l'adapter aux défis et aux systèmes commerciaux d'aujourd'hui, ainsi qu'à accroître la transparence et l'accès des entreprises européennes.
La plupart des enquêtes antidumping et antisubventions lancées par l'UE concernent la Chine.