Le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (EU ETS, ou SCEQE) inclut depuis le 1er janvier 2012 les activités de transport aérien. Ainsi, en principe, toutes les compagnies aériennes – y compris celles des pays tiers – doivent désormais acquérir et restituer des quotas d’émission pour leurs vols au départ et à l’arrivée des aéroports européens.
La validité de cette décision vivement contestée, notamment par la Chine, l’Inde, la Russie ou les Etats-Unis, a été confirmée par un arrêt de la CJUE en décembre 2011.
Toutefois, la Commission a proposé de suspendre pour un an l’application de cette mesure pour les vols intercontinentaux au départ et à l’arrivée de l’Union européenne de façon à permettre à l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) de trouver un accord qui satisfasse l'ensemble des parties. Cette suspension, qui avait un effet immédiat, a été votée au Parlement européen en avril 2013. Le projet de loi actant cette décision était adopté par la Chambre des députés en juillet 2013.
Le 16 octobre 2013, dans la foulée d’un accord trouvé par l’OACI à Montréal en vue d’élaborer un instrument de marché mondial sur la réduction des émission de CO2 du secteur de l’aviation qui serait finalisé en 2016 pour entrer en vigueur en 2020, la Commission européenne a mis sur la table une proposition visant à n’appliquer sa législation qu’au seul espace aérien régional européen à dater du 1er janvier 2014.
En vertu de cette proposition, le système ETS serait ainsi appliqué de manière transitoire à tous les vols entre les aéroports de l'Espace économique européen (EEE), soit les 28 États membres de l'UE, plus la Norvège et l'Islande, jusqu’à ce que le mécanisme de l’OAIC ne s’applique à l’ensemble des émissions mondiales en 2020.
Pour ce qui est des vols entre l’EEE et les pays tiers (départ ou arrivée dans l’un des aéroports de l’espace régional), la proposition de la Commission prévoit de les faire contribuer à hauteur de la distance parcourue au sein de l’espace aérien européen, et donc de les faire bénéficier d’une exemption générale pour les émissions produites en dehors de l’espace aérien européen. Ce qui va donc plus loin que le système appliqué actuellement qui restreint l’application de la directive aux vols intra-européens.
Le 30 janvier 2014, les eurodéputés de la commission de l’Environnement (ENVI) adoptaient leur position sur cette proposition et lançaient par la même occasion les négociations avec la présidence grecque du Conseil.
Un accord informel a été trouvé en trilogue dès le 4 mars 2014.
Il en ressort que la législation européenne sur les quotas d'émission de l'aviation couvrira seulement les vols intra-européens jusque début 2017, mais s'appliquera ensuite à tous les vols en provenance ou à destination de l'UE. La législation contraindrait également les États membres à communiquer sur la manière dont ils dépensent les revenus issus du système d'échange de quotas d'émission.
"Les négociations ont été complexes, mais au final fructueuses. Cet accord est plus favorable pour l'environnement que la position du Conseil, mais également que la proposition de la Commission européenne", a affirmé le député en charge du dossier, Peter Liese (PPE), au lendemain de l’accord.
"Le principal élément du compromis concerne le champ d'application. Le système d'échange de quotas d'émission s'appliquera à nouveau pleinement après 2016. Le Parlement n'a pas pu accepter la demande du Conseil de suspendre le régime suspensif jusque 2020. La prochaine assemblée de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) aura lieu en 2016, et si elle ne débouche pas sur un accord global, personne ne pourra justifier le maintien d'une telle exemption pendant quatre années supplémentaires", a-t-il ajouté.
Ainsi, en vertu du compromis trouvé, en 2016, soit il y a un accord satisfaisant sur un instrument de marché international, et l'UE modifiera sa législation ETS en conséquence, soit l'OACI n'a pas finalisé un accord satisfaisant et, dans ce cas, c'est la directive ETS initiale qui s'appliquera en incluant tous les vols à destination et au départ des aéroports de l'Union européenne.
La formulation de ce que l'UE attend d'un accord à l'OACI a été améliorée: "ce devra être un accord qui vise à réduire les émissions de l'aviation civile et un accord non discriminatoire pour les vols UE", a encore précisé Peter Liese.
Par ailleurs, les députés étaient également inquiets des failles concernant la mise en œuvre de la législation actuelle sur le système d'échange de quotas d'émission (SEQE). "Avant le début des négociations, nous avons fait remarquer que la législation sur le régime suspensif ("stop the clock") n'était pas encore appliquée dans sa totalité par tous les États membres. Certaines compagnies aériennes de pays tiers n'ont par exemple pas été invitées à payer pour les émissions de leurs vols intracommunautaires. Cette question a été réglée et c'est une très bonne nouvelle", a commenté Peter Liese.
Lors des négociations, les députés ont également veillé à ce que les États membres soient contraints de communiquer sur la manière dont ils dépensent les revenus issus du système d'échange de quotas d'émission.
"Une critique fréquente est que l'argent généré par les échanges atterrit dans les poches des ministres des Finances, et que la manière dont ces fonds sont dépensés n'a aucun lien avec les objectifs fixés en matière de changement climatique. Dans la nouvelle législation, l'utilisation de ces fonds sera plus transparente, étant donné que les États membres devront communiquer sur leurs dépenses", a affirmé Peter Liese.
"Il s'agit d'un compromis acceptable, mais les groupes politiques du Parlement devront encore confirmer le texte négocié", a déclaré le rapporteur fictif du groupe S&D et président de la commission de l'environnement, Matthias Groote (S&D)."Nous ne savons pas encore si le texte rassemblera une majorité au Parlement. Il y a également la question du temps: si nous ne sommes pas d'accord en avril, nous retomberons automatiquement dans l'ancienne législation", a-t-il ajouté.
"Le résultat des négociations suit en grande partie l'avis de la commission des transports, étant donné que nous avons désormais une réelle possibilité jusqu'en 2016 de conclure un accord international, qui représenterait la solution idéale tant pour l'aspect économique qu'écologique" a expliqué Mathieu Grosch (PPE), rapporteur de la commission des transports (TRAN).
Pour les Verts/ALE, "cet accord est une solution de facilité qui dédouanerait le secteur de l'aviation internationale de ses responsabilités pour son impact croissant sur le changement climatique en échange d'un vague espoir d'une action future au niveau mondial", ainsi que l’a formulé Satu Hassi. "Exclure l'aviation civile internationale de l'ETS pendant quatre ans de plus équivaut à quatre ans de croissance des émissions aériennes, sans surveillance, ce qui sapera les réductions d'émissions de la plupart des autres secteurs de l'UE", estime l’eurodéputé.
L’Agence Europe précise son Bulletin Quotidien daté du 6 mars 2014 que les libéraux et les Verts ont déjà annoncé leur opposition au compromis. L'incertitude demeure sur la position des groupes GUE et S&D, et le groupe CRE n'a pas encore de position.
La commission de l'environnement (ENVI) du Parlement se prononcera le 19 mars 2014. "S'il n'y a pas de majorité, le trilogue est mort. S'il y a une majorité, le texte sera soumis au vote de la plénière le 3 avril à Bruxelles", a indiqué le rapporteur, invitant la commission de l'environnement à soutenir ce compromis.