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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
La CJUE juge qu’en mettant fin de manière anticipée au mandat du commissaire chargé de la protection des données, la Hongrie a violé le droit de l’Union
L’indépendance des autorités responsables de la protection des données à caractère personnel impose aux États membres de respecter la durée du mandat confié à ces autorités
08-04-2014


HongrieEn vertu de la directive sur la protection des données à caractère personnel de 1995, les États membres doivent désigner une ou plusieurs autorités chargées de veiller au respect des règles de la directive sur leur territoire. Ces autorités doivent exercer leurs fonctions en toute indépendance.

En Hongrie, le commissaire à la protection des données était chargé, jusqu’en 2012, des tâches conférées par la directive aux autorités de contrôle précitées. Le 29 septembre 2008, M. András Jóri a été nommé commissaire à la protection des données pour une durée de six ans.

Toutefois, avec effet au 1er janvier 2012, le Parlement hongrois, dominé à plus de deux tiers par le parti du premier ministre, Viktor Orban, le FIDESZ, a décidé de réformer le système de protection des données et d’établir une autorité nationale chargée de la protection des données et de la liberté de l’information en lieu et place de la fonction de commissaire. Ainsi, M. Jóri a dû quitter ses fonctions avant le terme de son mandat et laisser sa place à M. Attila Péterfalvi, qui a été nommé président de la nouvelle autorité pour une période de neuf ans.

Estimant dès janvier 2012 que la cessation anticipée du mandat de M. Jóri enfreignait la directive (celle-ci exigeant en effet le respect de l’indépendance des autorités chargées de surveiller la protection des données à caractère personnel), la Commission européenne avait introduit, après plusieurs avertissements lancés à la Hongrie dans un contexte où de nombreux autres aspects de sa nouvelle Constitution suscitaient des inquiétudes dans l’UE quant à leur conformité avec les valeurs fondamentales de l’UE – démocratie, Etat de droit, droits de l’homme - un recours en manquement devant la Cour de justice à son encontre. Le Contrôleur européen de la protection des données est intervenu dans la procédure au soutien de la Commission.

Dans son arrêt rendu le 8 avril 2014, la CJUE rappelle que les autorités de contrôle créées conformément à la directive doivent pouvoir exercer leurs missions sans aucune influence extérieure. Cette exigence implique, d’une part, qu’elles ne soient liées par aucune instruction dans l’exercice de leurs fonctions et, d’autre part, que leurs décisions soient prises sans aucune influence politique, le risque d’une telle influence devant lui-même être écarté. Or, permettre à un État membre de mettre fin au mandat d’une autorité de contrôle avant son expiration, sans respecter les règles et les garanties préétablies à cette fin par la législation applicable pourrait conduire celle-ci à obéir à la volonté du pouvoir politique.

Par conséquent, l’indépendance de l’autorité de contrôle inclut nécessairement l’obligation de respecter la durée du mandat confié à cette autorité et de n’y mettre fin qu’en respectant la législation applicable.

Cette interprétation est par ailleurs, selon la CJUE, corroborée par les règles relatives à la cessation du mandat du Contrôleur européen de la protection des données. Le mandat du Contrôleur ne peut en effet prendre fin de manière anticipée que pour des motifs graves et objectivement vérifiables. À cet égard, la Cour constate que la législation hongroise en vigueur avant le 1er janvier 2012 prévoyait de tels motifs. Elle permettait une cessation anticipée du mandat du commissaire à la protection des données notamment pour les motifs suivants : son incapacité prolongée d’assumer ses fonctions, le non-respect de ses obligations de déclaration de patrimoine, sa condamnation définitive par un tribunal pénal et la déclaration d’un conflit d’intérêts.

La Cour relève toutefois que le mandat de M. Jóri n’a pas pris fin pour un tel motif.

Dans ces circonstances, la Cour juge que, en mettant fin de manière anticipée au mandat de l’autorité de contrôle de la protection des données à caractère personnel, la Hongrie a manqué à ses obligations découlant de la directive.

Réaction de Viviane Reding

La commissaire européenne chargée de la justice, Viviane Reding, s'est aussitôt réjouie de la décision de la Cour. "Nous avons besoin d'autorités de protection des données indépendantes pour faire respecter le droit fondamental de l'UE à la protection des données personnelles", a-t-elle écrit sur son compte Twitter.

Le contexte politique

Le gouvernement du Premier ministre Viktor Orban, tout récemment reconduit lors des élections législatives du 6 avril 2014 avec 44,4 % des voix, mais deux tiers des sièges pour son parti, le FIDESZ, au parlement hongrois suite à une refonte de la loi électorale (refonte des circonscriptions, dévolution du droit de vote à plus de 200 000 « Hongrois ethniques » dans les pays voisins, dont 90 000 ont voté et ce à 95 % pour le FIDESZ), a eu de nombreux déboires avec la Commission et le Parlement européen depuis son accession au pouvoir en 2010. Même la Chambre des députés luxembourgeoise a eu en janvier 2011 et en avril 2013 des débats d’actualité sur la loi sur les médias hongroise respectivement sur la situation de l’Etat de droit en Hongrie et avait adressé au parlement hongrois une résolution dans laquelle elle lui faisait part de ses inquiétudes, chose qu'elle n'avait jamais faite à l'égard d'autres Etats membres de l'UE.

Les différends entre le gouvernement hongrois et la Commission européenne ont porté, entre autres, en 2010 sur la nouvelle loi sur les médias, en 2012 sur l’abaissement de l’âge de départ à la retraite des juges, qui a permis au gouvernement de renvoyer de manière anticipée toute une génération de juges, et la loi sur la banque nationale qui n’est de fait plus indépendante du gouvernement, même si elle l’est formellement. L’indépendance du protecteur des données était un autre différend de 2012, sur lequel la CJUE vient de trancher.