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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Hongrie - La Commission est satisfaite des modifications apportées aux statuts de la banque centrale, mais assigne le pays devant la Cour de justice au sujet de l’indépendance de l’autorité de protection des données et du pouvoir judiciaire
25-04-2012


Au terme d’échanges approfondis avec les autorités hongroises concernant les lois adoptées en vertu de la nouvelle constitution hongroise, la Commission européenne a fait le point sur la situation en date du 25 avril 2012.

La Commission a relevé des progrès sur un certain nombre de questions, notamment en ce qui concerne les statuts de la banque centrale hongroise. Sur ce point, les autorités hongroises se sont engagées à tenir compte des réserves juridiques exprimées par la Commission et à modifier leur législation.

Dans deux autres dossiers, les aspects juridiques qui préoccupent la Commission n’ont pas trouvé de solution. La Commission a donc décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de deux recours en infraction contre la Hongrie, l'un sur l’indépendance de l’Autorité de protection des données et l'autre sur l’âge de départ à la retraite des juges, procureurs et notaires.

Indépendance de la banque centrale nationale

En ce qui concerne l’indépendance de la banque centrale nationale, dont la conformité juridique a été remise en question par Olli Rehn dès le mois de décembre 2011, la Hongrie s’est engagée à modifier sa législation. Elle a en outre fourni des explications et des clarifications supplémentaires qui ont répondu aux questions soulevées par la Commission.

Pour autant que la Hongrie poursuive dans la voie des mesures qu’elle a communiquées, la Commission est disposée à clôturer l’affaire dès l’adoption de cette législation, puisque ces modifications conduiraient au retrait des dispositions du droit hongrois incompatibles avec les exigences d’indépendance inscrites dans les traités de l’UE (article 130 du TFUE et article 14 des Statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne).

Indépendance de l’Autorité de protection des données

En décembre 2011, Viviane Reding, membre de la Commission européenne chargée de la justice, a pointé du doigt certains aspects juridiques problématiques concernant l’indépendance de l’Autorité hongroise de protection des données. Une procédure d’infraction a été ouverte à ce sujet le 17 janvier 2012. En vertu de la directive de l’Union sur la protection des données (directive 95/46/CE), les États membres sont tenus de créer un organe de contrôle chargé de surveiller en toute indépendance l’application de la directive. L’indépendance des autorités de protection des données est également explicitement inscrite à l’article 16 du TFUE et à l’article 8 de la Charte européenne des droits fondamentaux.

La Hongrie a répondu partiellement aux préoccupations de la Commission en modifiant sa législation le 3 avril 2012 de façon à rendre indépendante, conformément au droit de l’Union, la nouvelle Autorité nationale de protection des données (qui a remplacé le 1er janvier 2012 l'ancien contrôleur de la protection des données). À cet égard, la Commission pourrait décider de lever certaines de ses réserves dans cette affaire.

Cependant, en créant l'Autorité nationale de protection des données, la Hongrie a mis fin prématurément au mandat de six ans de l’ancien contrôleur hongrois de la protection des données, nommé en septembre 2008 dans le cadre d'un mandat n'arrivant à échéance qu'en septembre 2014. L’indépendance personnelle d’un contrôleur de la protection des données, qui comporte la protection contre la cessation des fonctions en cours de mandat, est une exigence essentielle du droit de l’Union. La réorganisation d’une autorité nationale de protection des données ne dispense pas de se soumettre à cette exigence.

C’est pourquoi la Commission, sur proposition de Viviane Reding, a décidé de porter cette affaire devant la Cour de justice. La Commission estime que la Hongrie a violé l’indépendance de l’autorité de contrôle en mettant fin, deux ans et neuf mois avant son terme légal, au mandat du contrôleur de la protection des données.

Mesures affectant l'indépendance du pouvoir judiciaire

Dès le mois de décembre 2011, la Commission a également souligné les problèmes juridiques sérieux que posent les mesures prises par la Hongrie en vertu de sa nouvelle constitution au sujet du pouvoir judiciaire.

  • Soudaine diminution de l'âge de la retraite des juges, des procureurs et des notaires, qui est ramené de 70 à 62 ans

L'un des points qui inquiètent concrètement la Commission du point de vue juridique est la décision de la Hongrie de diminuer l'âge de la retraite des juges, des procureurs et des notaires de 70 ans à 62 ans. Si elle était mise en œuvre, cette mesure entraînerait le départ à la retraite anticipé de 236 juges rien que durant l'année 2012 (soit presque 10 % des juges en une seule année). Environ 25 % des notaires seraient également concernés.

Se fondant sur la jurisprudence constante de la Cour de justice, la Commission a examiné la légalité des mesures hongroises sur la base des règles de l'UE en matière d'égalité de traitement (directive 2000/78/CE), qui interdisent la discrimination sur le lieu de travail pour des raisons liées à l'âge. Ces règles couvrent également les modifications apportées sans justification objective à l'âge obligatoire de la retraite pour une profession donnée.

Malgré l'avis motivé de la Commission du mois de mars, la Hongrie n'a pas fourni de justification objective ou cohérente de ces mesures. Faisant suite à une proposition de Viviane Reding, la Commission a donc décidé de saisir la Cour de justice de ce dossier.

Vu l'urgence de la question et le départ à la retraite imminent de 236 juges, la Commission demandera à la Cour de traiter cette affaire dans le cadre d'une procédure accélérée. La Commission invite également les autorités hongroises à suspendre la mise en œuvre de la loi contestée pour la durée de la procédure devant la Cour afin d'éviter des procédures judiciaires ultérieures à l'échelon national et l'introduction de recours en dommages-intérêts par les personnes concernées.

  • Indépendance du pouvoir judiciaire

La Commission reste préoccupée par l'indépendance du pouvoir judiciaire en Hongrie de manière plus générale, notamment sur deux aspects essentiels : les pouvoirs attribués au président de l'Office national de la justice pour attribuer une affaire à un tribunal et la possibilité de transférer des juges sans leur accord.

La Commission craint que ces mesures n'affectent l'application efficace du droit de l'Union en Hongrie ainsi que les droits fondamentaux des citoyens et des entreprises en matière de recours effectif devant un tribunal indépendant dans les affaires impliquant le droit de l'Union, tel qu'il est garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La Commission note que des discussions sont en cours à ce propos entre les autorités hongroises et le Conseil de l'Europe et sa Commission de Venise, qui a rendu un avis sur la question le 19 mars 2012. En outre, des amendements sur la législation relative à l'administration de la justice font actuellement l'objet de débats au sein du Parlement hongrois.

La Commission continuera à suivre ce dossier de près afin de vérifier que le droit à un recours effectif dans les questions relatives au droit de l'Union, ancré à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, est respecté et que les amendements sont mis en œuvre conformément aux avis de la Commission de Venise.

Avant l'été, Viviane Reding organisera une réunion avec le Réseau des présidents des Cours suprêmes judiciaires de l'Union européenne durant laquelle le ministre hongrois de la justice, le président de l'Office national de la justice, le président du Conseil national de la justice et des juges de la Cour constitutionnelle et de la Cour suprême hongroises seront invités à expliquer la situation actuelle du pouvoir judiciaire en Hongrie.

La Commission se réserve le droit de former un recours en infraction dans ce dossier aussi, si elle n'obtient pas la conviction que le droit de l'UE sera appliqué de manière effective par des juridictions indépendantes en Hongrie, conformément aux exigences du droit de l'UE.